J’utilise le traitement de texte NeoOffice, très similaire à Word pour l’usage que j’en fais, et dont la licence est nettement plus abordable. N’ayant jamais pris de cours de dactylo, je tape un peu n’importe comment avec 3 doigts; je ne vais pas très vite et je fais pas mal de fautes de frappe, mais limite les dégâts grâce à cette astuce que j’avais partagée ici il y a quelques années. Cela fait au moins 15 ans que je me dis que je gagnerais en rapidité avec un logiciel de reconnaissance vocale type Dragon, mais les collègues qui ont dû se résoudre à en utiliser un (suite, par exemple, à une fracture du poignet) m’ont prévenue qu’il fallait beaucoup de temps et de patience pour s’y habituer, qu’il commettait beaucoup d’erreurs d’interprétation et qu’il fallait bien entendu lui enseigner un à un tous les termes inventés. Probablement pas l’idéal quand on traduit des littératures de l’imaginaire qui en regorgent!
Dans l’idéal, bien entendu, une traduction préserverait la forme autant que le fond du texte originel. Mais bien que l’anglais n’ait pas une structure hyper différente du français (j’imagine le casse-tête des traductions depuis l’allemand ou le japonais…), je suis souvent amenée à choisir ce que je tiens le plus à préserver: la fidélité à la VO ou la lisibilité en VF. Mon inclinaison personnelle me pousse systématiquement vers la seconde option, ce qui tombe bien, car mes éditeurs ont davantage besoin de vendre des bouquins que de pouvoir justifier la pertinence du moindre adjectif. Aucun client ne m’a jamais reproché les libertés (pourtant parfois assez grandes) que je prends avec un texte pour le rendre fluide et agréable en français; certains d’entre eux en rajoutent même une couche en supprimant encore des détails qu’ils jugent inutiles ou en simplifiant davantage des phrases qu’ils estiment trop longues même si je les ai déjà raccourcies. Parfois, je trouve qu’ils vont trop loin; nous en débattons alors pendant la phase de corrections. Mais gardons en tête que je traduis surtout des littératures de genre, jugées commerciales plutôt qu’artistiques. Avec un auteur de blanche connu pour son style très personnel, préserver ce dernier serait sans doute considéré comme plus important que faciliter la tâche du lecteur francophone.
Certains des textes que je traduis contiennent des incohérences effarantes, dont je ne comprends jamais comment l’éditeur originel a pu les laisser passer. Parfois, c’est juste un détail insignifiant: un personnage tient son épée dans une main, brandit un flambeau de l’autre et ouvre une porte avec… euh, les dents? Parfois, c’est une chronologie de thriller qui varie d’un chapitre sur l’autre, ou un élément qui invalide toute la logique de l’histoire. Je rattrape et corrige chacune des erreurs que je décèle, sous réserve que ce soit possible – sinon, je les signale à l’éditeur par un commentaire dans la marge en disant que j’ai bien relevé le problème, mais que je ne vois pas comment le résoudre. Lorsque j’ai une idée qui chamboulerait beaucoup le texte originel, je demande à l’éditeur français de contacter l’auteur.rice, généralement par l’intermédiaire de son agent, pour obtenir sa validation.
Quelle bonne idée, cette série d’articles sur ton travail ! C’est passionnant pour la lectrice que je suis ( et passionnée de langue française) de découvrir l’envers du décor…
Merci pour cet article. Il y a quelques années, je m'étais lancée dans un projet de reconversion et c'était déjà un de tes articles qui m'avait boostée. Malheureusement, ce projet n'a pas abouti, mais peut être qu'un jour…
J'adore vraiment cette série d'articles sur ton métier. C'est super intéressant ! Je n'imaginais pas que tu retravaillais à ce point les textes ! J'ai déjà hâte au prochain article 🙂