Quand je suis devenue traductrice littéraire, une chose m’est apparue assez vite: ma productivité était limitée, non pas par la vitesse à laquelle je changeais l’anglais en français dans ma tête, mais par la vitesse à laquelle j’entrais le résultat dans mon traitement de texte. J’appartiens à la dernière génération qui n’a pas appris à se servir correctement d’un clavier d’ordinateur; aujourd’hui encore, je tape avec cinq doigts maximum, dans un joyeux désordre qui fait le désespoir de mon ancienne dactylo de mère.
Bien sûr, j’aurais pu prendre des cours pour corriger mes mauvaises habitudes, mais ça me gonflait. Alors, en bonne feignasse soucieuse de maximiser le rapport effort déployé/résultat obtenu, j’ai trouvé un truc tout bête qui m’a permis de doubler ma vitesse de frappe. Je pensais que tout le monde faisait ça, et puis chaque fois que j’en discute avec des collègues, je me rends compte que non. Donc, juste au cas où vous auriez le même problème que moi, je vous livre mon astuce.
Dans Word (ou Neo-Office), allez dans le menu déroulant « Options » tout en haut de votre écran, et cliquez sur « Corrections automatiques » (ou « Options d’Auto-Correct »). Vous y trouverez, déjà programmées, des corrections de fautes d’orthographe et de frappe les plus courantes. Ce que je vous propose, c’est d’y rajouter des raccourcis des mots et expressions que vous utilisez le plus couramment. Par exemple: dans la colonne de gauche Remplacer:, vous tapez qm, et dans celle de droite Par:, vous tapez quand même. Puis vous cliquez sur le bouton Nouveau à droite. Répétez la procédure pour créer autant de raccourcis que vous voulez, et tout à la fin, cliquez sur le bouton OK en bas pour valider l’ensemble. Désormais, chaque fois que vous taperez qm, votre traitement de texte écrira quand même.
Quel que soit le secteur dans lequel vous travaillez, vous devez employer un bon 50% de termes et d’expressions récurrents. Créez pour chacun d’eux un raccourci en 2 ou 3 lettres qui ne se trouvent naturellement telles quelles dans aucun mot de la langue française: surtout pas de va, de il, de la… Commencez par une dizaine de choses faciles à retenir et, une fois que vous avez pris l’habitude d’utiliser ces premiers raccourcis, allongez progressivement la liste en fonction des mots ou expressions qui vous semblent les plus fréquents dans votre job.
Pour ma part, en plus des termes généraux, j’ai toujours un tas de raccourcis liés à ma traduction en cours, notamment les noms de lieux ou de personnages. Par exemple, pour une série de bit-lit bien connue: vp = vampire, lg = loup-garou, mm = métamorphe, ly = lycanthrope, sl = Saint-Louis, cd = Cirque des Damnés, jc = Jean-Claude, mh = Micah, nl = Nathaniel… Vous voyez l’idée. Parfois, quand je change de bouquin, je veux réutiliser un raccourci que j’avais déjà employé pour un autre. Par exemple, si mon nouveau héros s’appelle Jean-Christophe, il me suffit de retourner dans les options de correction automatiques et de modifier le contenu de la colonne de droite en face de jc. (Toujours sans oublier de valider en bas à la fin, sinon le changement ne sera pas pris en compte.)
Plus on s’habitue à utiliser le procédé, plus on peut gagner de temps de frappe – au premier jet, mais aussi en éliminant le risque de coquilles à corriger plus tard – en compliquant les raccourcis. Dans les bouquins que je traduis, il y a des expressions liées à la gestuelle qui reviennent tout le temps; souvent, elles tiennent en un seul mot en anglais mais sont bien plus longues en français. Exemple: « he shrugged » qui devient « il haussa les épaules », ou « he glanced » qui devient « il jeta un coup d’oeil ». Et hop: he = haussa les épaules, jco = jeta un coup d’oeil. Je pourrais continuer comme ça pendant des pages et des pages, mais vous voyez l’idée. Comme je tape au kilomètre (km = kilomètre) dans mon boulot, ce bête truc me fait économiser un temps fou. Essayez, vous allez voir!
Certains utilisent des logiciels de type TextExpander, je me pose la question parce que la correction auto de Word refuse parfois obstinément de me prendre certains trucs… Tant mieux si ça marche bien ailleurs.
Tiens, autant j'ai une panoplie de raccourcis sur mon télephone, autant je n'en utilise pas pour mes trads (sauf pour les symboles spéciaux un peu chiants), j'ai besoin de sentir/lire/entendre tout le mot en même temps que je le tape 🙂 donc je le tape en entier. On en reparle dans 20 ans ^^
Sinon y a le niveau supérieur : les logiciels de reconnaissance vocale. L'avantage c'est que si une phrase n'est pas naturelle, ça sautera à l'oreille ! Après, le gain de temps, je ne sais pas, mais sacré confort pour les doigts, le dos, etc.
Le côté naturel ou pas, tu l'entends dans ta tête, non? J'ai envisagé ces fameux logiciels, mais pour m'être renseignée, ça demande quand même pas mal de patience pour apprendre à avoir le bon débit, leur enseigner tout le vocabulaire un peu spécifique (et ça, avec mes romans de fantastique, j'en ai vraiment beaucoup), et il faut encore pas mal repasser après pour corriger. Du coup je sens que ça va m'énerver 🙂
Merci pour ce billet, je vais essayer de ce pas 🙂
Shermane, j'ai utilisé un logiciel de reconnaissance vocale il y a quelques années, parce que je m'étais cassé le bras. Le logiciel m'a permis de limiter le retard dans ma traduction d'alors, mais je ne l'utilise pas en temps normal car:
– toutes les commandes "complexes" du logiciel ne fonctionnaient pas et ne me permettaient qu'une utilisation basique de Word;
– le français regorge d'homophones et j'ai plusieurs fois fini par crier, de plus en plus énervée, pour obtenir à mon grand désespoir un "mais" au lieu d'un "mes", par exemple. La reconnaissance des catégories grammaticales était dans certains cas étonnamment limitée…
– il faut parler d'une voix distincte, constante (ne pas bâiller, soupirer, souffler en changeant de position sur son siège, etc.)
Je suppose que comme dit Armalite, c'est une question d'apprentissage, mais je ne suis pas assez patiente non plus…
Skuld
Armalite > Je l'entends plus avec ce que je traduis en ce moment (jeu vidéo) qu'avec mes classiques communiqués de presse et brochures, peut-être parce que je ne parle pas comme ça. Mais c'est clair que ça demande un énorme investissement de temps, ces logiciels-là.
Skuld > par curiosité, tu utilisais quel logiciel ? Mais effectivement, je lisais que c'était surtout bien pour les traducteurs qui ont un problème de santé 🙂
C'était Dragon Naturally Speaking de Nuance 🙂
Juste pour te dire que je reviens régulièrement sur cet article qui m'est bien utile. J'ai juste une mémoire de poisson rouge.