De l’écroulement potentiel de la civilisation à cause du travail des femmes

Je voudrais revenir sur les propos de David Douillet que j’ai rapportés l’autre jour et, plus généralement, sur le problème des gens qui pensent que toute évolution d’une structure sociale établie au Moyen-Age menace notre société d’écroulement. Ceux qui estiment que le travail des femmes compromet l’équilibre du foyer et le bon développement des enfants, mais aussi ceux qui s’offusquent qu’on puisse laisser des homosexuels se marier ou adopter des enfants. Les deux attitudes me choquent autant l’une que l’autre et témoignent selon moi d’une même faille de raisonnement.

Oui, il fut un temps où il était normal que la personne la plus costaud aille chasser le mammouth et que la personne dotée de seins reste dans la caverne pour allaiter bébé Krômignon. Mais quelques centaines de millénaires se sont écoulés depuis. Aujourd’hui, le mammouth (ou ses descendants…) s’achète sous emballage plastique chez Carrefour, et une merveilleuse invention appelée biberon permet même à un être doté d’un pénis de nourrir son rejeton. Le progrès technique a mis la plupart des tâches à la portée de tout adulte doté de trois neurones connectés entre eux ce qui visiblement exclut certains sportifs de haut niveau. Partant de là, la division sexuée des fonctions parentales n’est plus nécessaire. Et il me semble que ceux qui plaident pour son maintien – essentiellement des hommes, vous l’aurez remarqué – nourrissent surtout la peur secrète que l’indépendance financière et sociale de la femme fasse perdre à son époux le pouvoir dont il se prévalait sur elle jusque là.

Je ne suis pas une sommité en matière d’éducation, mais je suis prête à parier toute ma (considérable) collection de chaussures sur une chose: pour bien grandir, un enfant n’a pas besoin d’une mère au foyer. Il a besoin de conditions matérielles décentes, d’amour et d’éducation. Toutes choses qu’il peut parfaitement recevoir d’une mère qui travaille*. Je n’irai pas jusqu’à dire que celle-ci aura plus d’argent à lui consacrer, plus de joie à passer du temps avec lui, et plus de choses à lui enseigner du fait même que son horizon n’est pas restreint aux quatre murs de son domicile, parce que ce serait aussi réducteur que l’affirmation contraire. Je suis certaine qu’une femme qui a choisi, parce qu’elle en avait profondément envie, de se consacrer toute entière à l’éducation de ses enfants et à la tenue de son foyer peut elle aussi faire un boulot génial – ou commettre quelques belles bourdes, d’ailleurs. J’aimerais juste qu’aucune femme ne se sente forcée de le faire par des conventions archaïques, et qu’aucun homme n’aille plus s’imaginer que c’est là sa place « naturelle ».

Ca veut dire quoi, « naturel »? Ce qui était au commencement de l’humanité? Mais on a quand même fait un tout petit peu de chemin depuis! Au début du XXIème siècle, on est capable d’envoyer des sondes sur Mars. Ce serait quand même terrible que l’ordre social soit la seule chose qui n’ait pas évolué pendant tout ce temps – ou la seule qui ait évolué de manière négative, pour engendrer des hordes de futurs adultes déséquilibrés. Non?

Scientifiquement, il n’existe pas de gène maternant. Un homme est tout aussi capable qu’une femme de panser une écorchure et de sécher des larmes avec un bisou. De la même façon qu’une femme est tout aussi capable qu’un homme de monter une Ferrari en Lego (oui, le modèle avec 17000 pièces). Un homme peut préparer la meilleure tarte aux pommes du monde et une femme hausser la voix quand un gamin pousse le bouchon un peu loin, Maurice. En vérité, dès le moment où l’enfant est paru, je ne vois plus aucune raison justifiant que tel ou tel rôle échoie à l’un des parents plutôt qu’à l’autre. Les stéréotypes masculins et féminins n’ont plus de raison d’être.

Et il y a quand même des tas de gens qui trouvent ça très bien, Dieu merci. Des hommes qui sont contents que la survie financière du foyer ne repose plus nécessairement sur leurs seules épaules, comme ils sont contents de pouvoir pleurer au cinéma sans être considéré comme des tapettes, pour reprendre l’élégante expression de David Douillet. Des hommes assez sûrs d’eux-mêmes pour ne pas s’imaginer que si leur femme gagne son propre argent et possède son propre statut social, elle n’aura plus besoin d’eux et qu’ils deviendront obsolètes. Des hommes qui savent qu’ils ont autre chose à apporter à leur couple que le traditionnel cliché masculin de la virilité forte et silencieuse. Des hommes conscients qu’on peut les aimer non seulement malgré, mais à cause de leur sensibilité. Et de leur capacité, si nécessaire, à assumer un enfant malade sans se sentir complètement paumés parce que c’est un « travail de femme ».

Je passe mon temps à pester contre le fait qu’on me met la pression pour avoir des enfants. Mais j’imagine que la position de mère qui travaille (que ce soit par choix ou par nécessité) n’est pas non plus très enviable quand certains dinosaures sous-entendent que vous volez du temps et de l’attention à vos enfants, qu’il ne faudra pas s’étonner s’ils tournent mal sans que vous ayez rien vu venir, que vous allez leur créer des carences traumatiques qu’ils traîneront toute leur vie. Vous qui êtes dans ce cas, dites-vous plutôt que vous donnez à vos filles un exemple d’indépendance et à vos fils une leçon d’égalité entre les sexes. Combiné à un nombre raisonnable de bisous et de « je t’aime », ça ne me paraît pas un si mauvais départ dans la vie.

*Ou de deux papas, pour en revenir au thème de l’homosexualité évoqué en introduction.

7 réflexions sur “De l’écroulement potentiel de la civilisation à cause du travail des femmes”

  1. Il a été prouvé académiquement par des nombeux experts en économie, que les pays où le pourcentage de femmes travaillant était important étaient les pays qui pouvaient le mieux se sortir de crises économiques.

    Exemple actuel : l'Islande.

    Exemple un peu plus ancien : 1973-1976 : grande crise pétrolière. Les pays ayant un pourcentage important de femmes travaillant ("important" pour l'époque hein, on s'entend) s'en sont beaucoup mieux sortis. Donc la Suisse, l'Allemagne et l'Angleterre s'en sont beaucoup mieux sorti que la Grèce ou l'Italie.

    Donc, pour qu'un pays avance économiquement, la meilleure solution POUR TOUS est que les femmes puissent travailler autant qu'elles veulent. La logique serait donc que les lois/règles/habitudes, soient calées sur les besoins des femmes (qui malheureusement à ce jour sont les seules à pouvoir procréer -je connais des hommes très malheureux de ce fait-).

  2. J'avoue que je ne sais pas comment font les femmes qui travaillent pour assumer leurs enfants. Etant indépendante, je peux faire mon boulot quand j'en ai envie et surtout quand j'en ai le temps sans pour autant "priver" mes enfants. Malgré tout, il y a des journées qui se terminent et ou je suis épuisée. M'imaginer bosser toute la journée, rentrer à 18h00 préparer le souper puis ensuite coucher les enfants me paraît parfois impossible si on veut tout faire bien. Alors à celles qui y arrivent j'aimerai dire Bravo et aucunement les montrer du doigt.

    Je ne crois pas que le status social d'une femme puisse définir si l'éducation des enfants est bonne ou non. Je connais des mères au foyer qui passent leurs temps à boire des cafés et fumer des clopes avec les copines et qui cèdent à tous les caprices de leur petit monstre pour juste avoir la paix et des mères qui travaillent et gèrent très bien leur famille.

    Et puis, c'est facile de critiquer, nous n'avons pas tous le choix, certains doivent travailler, quoi qu'il arrive.

    Il est toujours facile de juger une situation lorsque nous n'y sommes pas confronté. Je suis rassurée de voir de plus en plus de papa s'impliquer dans la vie de leurs enfants. Je me souviens des soirées parents-élèves lorsque j'étais petite ou seule ma mère était présente parce que selon mon père, "c'était ça place" et lui n'avait rien à faire là. Aujourd'hui, je suis ravie de pouvoir parler à autant de père que de mère lors de ce genre de réunion.

    Quoi que fasse Mr Douillet, la révolution est en marche et à force de montrer que tout est possible à nos enfants, on finira par respecter les mères ayant envie de travailler, par respecter les femmes qui ne veulent pas d'enfant, c'est en tout cas la liberté que je laisserais à ma fille.

  3. Rienà dire sur le fon d'autant que sur ce sujet je pense qu'il y a autant d'avis que de personnes ou de situations (d'ailleurs je ne crois que c'est la france qui a été condamné pour ne pas avoir laissé un homme prendre des conges maternité à la place de sa femme qui ne voulait pas en profiter) J'ai juste envie d'apporter une petite précision sur l'allaitement. Il est prouvé que donner du vrai lait maternel (et non un substitut en poudre) les premiers mois de la vie d'un bébé sont essentiels pour ses defenses immunitaires.
    De meme le fait de nourir un enfant au sein apporte quelque chose à son developpement emotionnel. Et ça je crois qu'un homme ne peut pas le faire. ce stereotype là, ne disparaitra pas tout de suite. (et d'ailleurs je crois que les femmes qui choisissent d'allaiter leur enfant ne le laisserait pour rien au monde aus papas…)

  4. J'ai 2 fils de 15 et 17 ans,je les ai éduqués de la façon la plus naturelle possible (c'est-à-dire pas le nez dans Dolto et cie,rien à battre!),avec mes qualités et mes défauts,ils devaient(doivent) me prendre comme j'étais et inversement.L'important pour moi,entre autre,c'est qu'ils ne deviennent pas des petits machos beaufs,mais qu'ils ne se sentent pas pour autant coupables du fait que les femmes aient été traitées en inférieures par les hommes depuis que l'Humanité existe( choses qui peut s'expliquer mais heureusement,la civilisation et les mentalités évoluent,sauf pour Douillet,et je ne parle évidemment pas de tous les pays du globe,le problème est vaste et complexe).Etre un garçon n'est pas non plus si facile,préserver sa "virilité" (chose que la plupart des femmes apprécient),tout en ne rabaissant,ne sous-estimant les femmes et les valeurs dites "féminines" n'est pas si simple.
    J'ai toujours été féministe(un gros mot pour beaucoup!!!) mais j'ai des idées moins tranchées qu'à 20 ans,je suis plus tolérante avec les hommes et je refuse la "victimisation" systématique que certaines femmes pratiquent (les mêmes qui crient "ah oui mais attention,je ne suis PAS féministe,hein!!!").
    L'identité sexuelle,les valeurs qui se rapportent à notre sexe,c'est compliqué,même si c'est souvent culturel,je crois que pas seulement.Enfin,je trouve que mes enfants sont plutôt équilibrés sur ce plan-là et j'en suis plutôt fière.
    Sinon,pour l'allaitement,personnellement,je n'ai pas été allaitée par ma mère,j'ai toujours eu une bonne santé(je touche du bois),pour mes gosses,pareil (je retouche du bois!),pour moi,les seins;c'est érotique,et basta,l'allaitement me dégoûte un peu,ça fait "mammelles",et ça,c'est mal vu de le dire.On nous serine "c'est idéal pour les bébés" mais alors,les bébés allaités ont-ils vraiment une meilleure santé?je crois que tout ça,c'est "morale" et cie,c'est le syndrôme "la bonne mère" etc.Je comprends parfaitement que des femmes adorent allaiter leur enfants,en revanche,mais qu'on ne culpabilise pas les autres,comme c'est le cas dans les maternités.

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