J’ai failli renoncer à écrire cet article ce mois-ci tellement le constat était déprimant. Je n’étais pas certain que ça me ferait du bien de le mettre noir sur blanc.
En juillet, Chouchou et moi avons remis notre relation sur les rails après un passage très difficile de plusieurs mois. Nous avons aussi admis à quel point nous sommes tous les deux désespérés par l’actualité et ce qui se profile à l’horizon. Depuis le début de notre histoire, il était l’optimiste de notre couple, celui qui trouvait toujours des raisons de croire en des lendemains meilleurs. Mais la foi qu’il plaçait en la technologie et les possibilités d’adaptation qu’elle offre a pris un sacré coup. Et il se fait aussi beaucoup de souci pour son avenir professionnel. De mon côté, avec 4 canicules depuis le début de l’été, la guerre en Ukraine, la remontée des extrémismes partout, les droits des femmes constamment remis en cause et l’inaction des pouvoirs publics, j’ai fini par me résigner à ce que chaque année à venir soit plus difficile que la précédente, à la fois sur un plan personnel parce que nous avons entamé notre phase de déclin physique et mental, et à cause de l’état du monde en général. Difficile de bâtir quoi que ce soit de positif là-dessus.
Je ne suis pas vraiment dépressive, et je n’ai pas d’idéations suicidaires (c’est déjà ça). Mais l’élan qui m’a portée pendant un an suite à mon diagnostic d’autisme est bel et bien retombé. Je me sens coincée dans mes propres limitations: la routine m’ennuie, mais le changement me terrifie. Plus rien ne m’excite vraiment. Je ne suis portée par aucun projet, aucune envie. Les voyages sont devenus compliqués et stressants. Mon quotidien est aussi plaisant que possible, mais tous les jours se ressemblent. J’ai l’impression de vivre dans « Groundhog Day » et ça m’éteint à petit feu. J’opère en pilotage automatique. Je ne souffre pas – et je me rends bien compte que beaucoup aimeraient pouvoir en dire autant -, mais je n’attends plus rien. Autour de moi, je vois les gens prendre des risques et avancer tant bien que mal, alors qu’à quelques décès près, ma propre existence est absolument identique à ce qu’elle était il y a dix ans. Depuis, j’ai perdu mes chats, j’ai perdu mon père, j’ai pratiquement perdu ce qui me restait de famille proche. J’ai perdu espoir. Je ne sais plus quoi faire du reste de ma vie.
Je déteste cette sensation d’état neutre, on est pas heureux, on est pas malheureux, ni dépression ni euphorie juste du gris
j’espère que tu retrouveras de la motivation et de l’espoir
(et c’est peut être bateau mais take care)
On ne va pas se mentir, l’ambiance générale semble tellement délétère que je ne vois pas très bien qui peut encore être dans l’illusion que ça va encore à peu près bien. C’est cyclique, paraît-il. J’ose croire que nous aurons encore de beaux jours devant nous et que ton moral s’est un peu remonté depuis le moment où ce billet a été publié.
Oh je connais des tas de gens qui vivent sans se soucier le moins du monde de l’actualité tant qu’ils ne sont pas impactés directement. J’avoue que j’envie cette capacité de… détachement? Déni?
Je confirme : déni.
Pas sûr… Je crois qu’avec beaucoup de sagesse, c’est tout à fait possible de dire « Il se passe ces trucs affreux, mais moi je n’y peux rien donc je vais continue à vivre ma vie ». Enfin, tout à fait possible pour les gens qui ne sont pas moi, du moins!
Oui c’est possible de dire : « Il se passe des trucs affreux, mais moi je n’y peux rien… » En fait, je ne le dis même pas, j’arrive à vivre ainsi et, en vous lisant, je réalise ma chance. Je me sens concernée, intéressée, par beaucoup de sujets et j’essaie de vivre en conformité avec mes idées, en harmonie avec ce et celleux qui m’entourent, cela me paraît bien, être là pour mes enfants, ami-e-s, famille, plus généralement les personnes que je côtoie. Je ne pense pas qu’il s’agit de déni ; quel est mon pouvoir sur la marche du monde (famines, guerres en Ukraine et ailleurs, dérèglement climatique, travail des enfants, faible rétribution des matières premières du Sud par le Nord, patriarcat, mauvais traitements des personnes…) ? Si penser à tout ce qui précède et au reste empêche ma joie, ma vie, cela n’amène rien de bon. Mon pouvoir est celui d’acheter peu, de voyager peu, de réfléchir à ce que je fais, dis, à me conduire selon ce que je pense bon pour moi et le monde. C’est peut-être le privilège de l’âge 😉 65 ans.
J’arrête là de ce commentaire bien long.
En l’occurrence, le privilège de l’âge par rapport au réchauffement climatique, c’est de savoir que de toute façon, on sera parti avant le pire… Ca aide à prendre ça plus calmement. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, je crois que je serais bonne pour l’asile. Là, un des seuls trucs qui tempère un peu mon angoisse, c’est de me dire que je n’en ai plus que pour 25 ou 30 ans max.