[RIGA] Où je médite sur la fin du monde une licorne à la main

Comme d’habitude avant un départ en voyage, je n’ai pas réussi à dormir cette nuit de crainte de ne pas entendre les 3 réveils censés sonner à 6h. C’est donc dans un état de fraîcheur assez modérée que je me dirige avec Chouchou vers la gare du Luxembourg afin de prendre le train pour Zaventem. D’habitude nous privilégions la navette bus plus fréquente et moins chère, mais aujourd’hui, il y a un sommet de l’OTAN à Bruxelles – or nous habitons à côté du Parlement Européen et le siège local de l’OTAN se trouve sur le chemin de l’aéroport…

Une fois à Zaventem, nous enregistrons rapidement notre grosse valise rayée. J’ai fourni les QR codes de nos pass vaccinaux au moment du check in en ligne, et personne ne nous les demandera jamais durant notre voyage. Contrairement à ce qui était annoncé par la compagnie aérienne, on ne prendra pas non plus notre température avant de nous laisser embarquer. Il y a peu de monde à l’aéroport en ce mardi matin de période scolaire, et encore moins dans notre avion. Chouchou reconnaît à bord un équipement fourni par la boîte d’avionique que ma soeur dirige depuis quelques mois. Globalement, bien qu’Air Baltic soit une compagnie low cost (la seule qui dessert Riga en direct depuis Bruxelles), nous trouvons notre expérience avec eux très confortable.

A l’arrivée, nous récupérons le monstre rayé, sortons du petit aéroport et utilisons Bolt (l’équivalent balte d’Uber, recommandé par plusieurs blogs de voyage) pour appeler un chauffeur. Celui-ci arrive 3 minutes plus tard sur le parking; il est parfaitement silencieux pendant tout le trajet et a une conduite fluide très agréable. Moins de 12€ pour gagner le centre de Riga dans une voiture hyper confortable qui nous laisse juste devant notre appart-hôtel; on en profite pour laisser un gros pourboire.

Après que notre première location (un T3 qui avait un charme fou) est tombée à l’eau parce que la logeuse avait décidé d’héberger des réfugiés ukrainiens, nous nous sommes rabattus sur un studio quelconque, moins cher mais bien équipé et assez bien situé. Un test rapide révèle également que le matelas ne me niquera pas les lombaires: ces jours-ci, c’est (presque) tout ce que je demande!

Il est 14h45 quand nous ressortons les mains libres pour nous enfoncer dans le quartier Art Nouveau de Riga. Nous nous arrêtons pour un déjeuner tardif au Lidojošā Varde. Dédaignant la terrasse malgré les 15° et le beau soleil qui nous ont accueillis dans la capitale lettone, nous nous installons dans l’une des salles en sous-sol, très cosy avec leur cheminée et leurs murs de pierre. La grenouille volante qui a donné son nom à l’établissement se décline partout sous des formes assez kitsch. La nourriture (dans la carte assez bien fournie, nous avons tous les deux choisi des burgers) est malheureusement plutôt bof, accompagnée en ce qui me concerne d’un verre de Coca tiède et éventé. Tant pis: nous avons le ventre plein pour commencer notre exploration.

Visite du musée d’Art Nouveau (Jugendstil en letton), installé sur deux niveaux d’un immeuble doté d’un sublime escalier en colimaçon. Nous sommes accueillis dans un assez bon français par une vieille dame à cheveux blancs et yeux très bleus, vêtue d’un costume d’époque. Le sous-sol est consacré à une rétrospective historique du mouvement. Profitant du peu d’affluence, nous faisons les andouilles avec les chapeaux fournis pour la photo-souvenir. Au rez-de-chaussée, c’est l’appartement préservé de Konstantīns Pēkšēns, l’architecte du lieu. Gros coup de coeur pour l’alcôve du salon transformée en mini-jungle d’intérieur, mais aussi pour la cuisine avec son énorme fourneau, son garde-manger bien garni et son congélateur primitif.

Nous flânons un moment dans le quartier aux façades toutes plus magnifiques les unes que les autres. Leur symétrie est un vrai régal pour les yeux de la psychorigide que je suis (même si je dois avouer que l’architecture gothique un peu lugubre excite davantage mon imagination). Nous nous amusons à détailler les ornements: beaucoup de têtes à la bouche ouverte – regardent-elles un générique de série HBO? – et de nichons au vent, mais aussi quelques sphinx et une paire de très beaux dragons. Nous débouchons sur le parc à une extrémité duquel la Cathédrale de la Nativité du Christ dresse ses dômes d’or étincelant. Autant les églises catholiques sombres, froides et remplies de torture porn me laissent indifférente, autant j’aime les églises orthodoxes colorées qui ont toujours l’air d’une invitation à la joie.

Nous prenons l’ascenseur en façade du Radisson Blu pour atteindre le Skyline Bar situé au 26ème étage. Il n’est que 17h40 et il reste encore des tables le long de la baie vitrée, du côté où le soleil se couchera dans une heure derrière le fleuve Daugava. J’hésite longuement devant la carte des cocktails, très bien fournie et regorgeant de mixtures toutes plus originales les unes que les autres. Je commence par un Clavis Riga, « Les clés de Riga », fait à partir de black balsam qui est une liqueur locale encore inconnue de mes papilles. L’alliance avec la pomme verte, la rhubarbe et le chocolat blanc ne me séduit pas. En revanche, l’Unicorn que je choisis ensuite avec l’aide de la serveuse est un régal: gin au cassis, liqueur de yaourt, sirop de violette, supasawa et aloé vera forment une décoction mousseuse au goût acidulé et très original.

Nous passons deux heures à contempler la ville de haut, chacun perdu dans ses pensées. En chemin, nous avons évoqué l’intention de Poutine d’envahir également la Pologne et les pays baltes, et dans ma tête, des images de missiles et de décombres fumantes se superposent à ce coucher de soleil paisible. Quand David Bowie se met à chanter « Absolute beginners », je suis prise par une impression poignante de fin du monde en regardant les lumières de la ville scintiller en silence. C’est un moment assez particulier.

Lorsque nous ressortons, la température a bien chuté. Nous nous dirigeons d’un pas vif vers le T73, que mon guide m’a décrit comme un gastropub ouvert 24h/24 où l’on sert des brunchs copieux et de délicieuses saucisses. Aussi sommes-nous quelque peu surpris de débarquer dans un lieu à la décoration rouge et noire totalement décadente, rempli de filles en mini-jupes et de mecs costauds en train de se passer des narguilés. La carte uniquement en letton et en russe ne propose que des sushis, et le personnel nous regarde bizarrement. Nous décampons après avoir bredouillé « Wrong place, sorry », avec l’impression de nous être échappés d’un repaire de la Mafia locale.

En l’absence de plan de rechange, et parce que je suis crevée après ma nuit blanche, Chouchou propose gentiment de faire quelques courses au supermarché pendant que je rentre directement au studio. Arrivée devant le portail de l’immeuble, j’ai un grand moment de solitude en constatant que la puce magnétique refuse obstinément de l’ouvrir – et bien sûr, à cette heure-ci, il ne reste plus personne à la réception. J’appelle Chouchou en panique: « Ca ne marche pas! ». Je nous vois déjà obligés de chercher un logement de rechange en catastrophe, alors que toutes nos affaires sont enfermées à l’intérieur et que je suis en train de dormir debout. Très calmement, Chouchou me répond: « Tu l’as mise au bon endroit? Pas sur le bouton rond qui semble fait pour, mais sous les chiffres du clavier d’à côté qui ne semble pas du tout fait pour? ». Evidemment, si la technique tente de m’induire en erreur…

Une fois revenu avec les courses, Chouchou trie nos photos du jour puis nous prépare des pâtes pendant que je cherche vainement le courage de bloguer. Nope, je suis vraiment trop crevée. Je n’ai même pas la force de publier un petit Instagram. Tant pis, ce sera pour demain!

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