[RIGA] Où je frôle l’hypothermie d’anniversaire

Bien qu’on ait perdu une dizaine de degrés depuis hier, j’ai choisi de passer cette journée d’anniversaire au bord de la mer. Une vingtaine de minutes de marche nous amènent à la gare centrale de Riga, où nous achetons deux aller-retour pour la station balnéaire toute proche de Jurmala. En attendant notre train, nous mangeons deux croissants jambon-fromage dans un café de la galerie commerciale attenante. Puis c’est parti pour une grosse demi-heure de tortillard antédiluvien monté sur échasses (il aurait limite fallu un piolet et des crampons pour me hisser à bord). Pas de toilettes, mais du wifi grâce auquel le trajet passe très vite.

Nous descendons à Majori et longeons la rue commerçante, Jomas iela, en direction de la plage. Les maisons en bois peintes de couleurs gaies semblent tout droit sorties d’un livre d’images. Il fait assez froid et, bien que le ciel ne soit pas aussi couvert qu’annoncé par la météo, il y a pas mal de vent, de sorte que l’endroit est presque désert. En bonne misanthrope, j’adore cette ambiance hors saison, même si je n’aurais pas craché sur quelques commerces touristiques ouverts.

Première halte devant une superbe église orthodoxe. Je retire ma parka pour monter les marches une fois, deux fois, dix fois pendant que Chouchou me mitraille avec son appareil photo dans l’espoir de capter LE bon mouvement de jupe. Comme on doit s’interrompre chaque fois qu’un visiteur se dirige vers l’entrée du bâtiment, la manoeuvre prend tout de même un certain temps. Alors que je viens enfin de me rhabiller, de jeunes touristes allemandes demandent à Chouchou de leur tirer un portrait de groupe à l’Instax. Je pense qu’elles se féliciteront de leur choix en voyant le résultat.

Plus nous approchons de la plage, plus le vent devient violent. Une fois qu’on émerge du couvert des rues, les rafales de sable nous aveuglent presque, et avancer les yeux fermés en essayant de ne pas avaler un milliard de grains se révèle très difficile. Nous décidons d’aller déjeuner tout de suite dans un restaurant voisin, le Pegasa Pils, choisi pour son apparence d’un chic un peu désuet, en espérant que la météo se sera arrangée le temps qu’on ressorte. Filet de dorade pour moi, poulet cordon bleu pour Chouchou et apple strudel en dessert: on n’aura pas fait honneur à la cuisine locale, mais la carte ne s’y prêtait pas.

Non seulement le vent n’a pas faibli pendant notre repas, mais j’ai l’impression que c’est pire que tout à l’heure. Héroïque, je retire quand même ma parka pour m’avancer vers le bord de l’eau, reculer, m’avancer vers le bord de l’eau, reculer et ainsi de suite en inhalant l’équivalent d’un château de sable à 18 tourelles. Les verres de mes lunettes en sont tout crépis. Morte de froid pour morte de froid, j’entreprends de longer la plage, Chouchou sur les talons, sans même savoir si ce que je fais sers à quelque chose vu qu’on ne peut pas communiquer par-delà la distance et le rugissement des bourrasques. L’eau est brun clair, barrée de paquets de houle soulevés par un vent du nord glacial. Même les oiseaux ont du mal à voler et se posent dans des embardées spectaculaires; on les croirait ivres tous autant qu’ils sont.

Ahuris et échevelés (ébarbés?), nous nous réfugions dans une paillote aux murs vitrés depuis laquelle nous pouvons à la fois examiner notre butin d’images, nous réchauffer avec une infusion gingembre-orange-curcuma et admirer les éléments déchaînés sans plus nous exposer à eux. Nous y passons un moment très agréable. Ce n’est pas du tout la journée que j’envisageais, mais c’est celle que me donnent les circonstances, et après deux ans de pandémie, j’ai suffisamment lâché prise sur mes attentes pour en profiter autant que possible.

Nous reprenons le chemin de la gare par l’intérieur des terres, à travers un quartier résidentiel bourré d’autant de charme que le compte en banque de leurs propriétaires doit l’être d’euros. Nous refaisons un crochet sur la plage pour photographier les bains Racene désormais à l’abandon, mais qu’on croirait sortis d’un film de Wes Anderson. A l’aller, le vent nous empêche presque d’avancer; au retour, il nous pousse comme si nous étions montés sur roulettes. Arrivés à la gare à 16h50 alors que le prochain train pour Riga est censé passer à 16h55, nous faisons un passage éclair aux toilettes… mais finalement, le train est en retard et nous nous gelons à l’attendre sur le quai. Nouvelle escalade pour monter à bord, une demi-heure de trajet, descente en varappe.

J’espérais retrouver une météo un peu plus clémente à l’arrivée, mais que dalle: il fait un froid glacial et venteux tout pareil que sur la côte. Et le resto de dumplings où on voulait dîner est « closed long time », nous informe une employée maussade. A bout de courage thermique, j’exige un retour immédiat au studio et le recours à l’app Bolt pour me fournir un repas indien que je n’aurai plus qu’à enfourner depuis la chaleur de notre comptoir de cuisine. J’ai 51 ans et du sable jusque dans des replis dont j’ignorais l’existence ce matin encore, mais on a fait de belles photos.

6 réflexions sur “[RIGA] Où je frôle l’hypothermie d’anniversaire”

  1. Les photos sur la plage sont particulièrement réussies.
    Vous êtes très talentueux tous les deux, chacun dans son domaine.
    Bon anniversaire à vous Armalite !

  2. J’ai pouffé sur le château de sable à 18 tourelles 😀
    Mais : superbes photos – et merci pour ton compte-rendu qui donne envie de voyager malgré la météo venteuse 😀

  3. Bon anniversaire à toi ! Les photos sur la plage sont splendides ainsi que celle dans le resto aux grandes banquettes.

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