Inside an autistic meltdown

 

Des tabourets? Pas de dossier et mes pieds ne toucheront pas par terre. Tant pis, pas grave. Je vais me mettre à un coin de la table pour avoir une seule voisine. Merde, son coude touche quand même le mien dès qu’on bouge. Tant pis, je ferai avec. Comment ça, on ne va pas finir le tableau aujourd’hui, juste voir rapidement les différentes techniques? Et en plus, au début on va faire des points irréguliers? Mais je veux que ça soit bien TOUT DE SUITE, moi. Et que ce soit fini ou presque quand je repartirai. Tant pis, c’est comme ça. Il vaudrait mieux recopier tel quel le motif de la prof? Mais je ne l’aime pas c’est pas du tout mon style. Je vais plutôt faire celui que j’ai en tête. On commence par le punch needle? Merde, c’est le truc qui m’intéresse le moins. La technique ne m’attire pas du tout et le rendu non plus, mais tant pis, c’est l’ordre de l’atelier. Enfilage de la laine dans l’aiguille, OK. Putain il faut vachement appuyer pour que ça traverse la toile j’aime pas du tout. Et ensuite il faut procéder hyper lentement précisément et doucement pour ressortir la pointe de l’aiguille sans la détacher de la toile et aller piquer 5 mm plus loin. Cette alternance d’un geste brutal et d’un geste hyper contrôlé, c’est horrible pour moi et ma motricité fine défaillante, ça me stresse à mort. Je n’arrête pas de rater des points et de devoir recommencer. En plus j’abîme la toile au fur et à mesure. Non non non non non. C’est trop moche je ne supporte pas je vais tout défaire et recommencer. Ma voisine de coude parle fort et couvre ma voix chaque fois que j’essaie de poser une question, mais tant pis c’est pas grave. Comment ça on passe au point suivant? J’ai un truc de retard et une toile déjà massacrée. OK OK je me concentre pour tenter la bouclette arrière. Mais comment ça puncher d’un côté et surveiller ce que ça donne de l’autre, ou carrément puncher à l’envers? Je n’ai pas assez de coordination pour faire ça merde merde merde. Et en plus j’ai tracé mon motif trop près du bord du cadre bien fait pour moi la prof avait prévenu qu’il valait mieux utiliser le sien mais non il faut toujours que je n’en fasse qu’à ma tête. Ferme les yeux respire. Respire. RESPIRE. Ca monte putain ça monte. Fais une pause file aux toilettes tant pis si tu manques quelques minutes ça vaut mieux que de péter les plombs devant tout le monde. Les toilettes, où sont les toilettes bordel? Respire. Respire. Ah tu es en train de te laver les mains. Pourquoi pas. Ah maintenant tu te déshabilles pour faire pipi alors que ta vessie est vide. Admettons. OK maintenant tu y retournes et tu reprends calmement au début. Tu attends depuis des années de pouvoir faire un atelier avec cette créatrice super sympa dont tu kiffes le travail, et tu adores manipuler du fil d’habitude. Fais un effort bon sang. Prends sur toi. Tu es quoi, une gamine de cinq ans incapable d’encaisser la moindre contrariété? De surmonter la moindre frustration? Allez hop hop hop tu retournes à ta place. Ah non ta bouche vient de lancer je vais rentrer chez moi et tes pieds se dirigent vers ton manteau et tes bras s’enfilent dans les manches et tu sors en bousculant tout le monde avec les yeux plein de larmes. Bon ben apparemment je m’en vais. 

Essayer de faire une activité de groupe: caramba, encore raté. 

4 réflexions sur “Inside an autistic meltdown”

  1. *câlin*

    Je ne peux assurément pas comprendre ce que tu traverses, même si il y a énormément de choses dans ton texte qui ont raisonnés fort en moi, j'espère donc que ma question n'est pas maladroite.

    Quelles auraient été les conditions idéales pour toi ?

  2. @Ladypops: Trop de choses minuscules peuvent me faire dérailler dans un;groupe, du simple fait du stress que ça me cause d’être en groupe. Je pense que si je veux apprendre de nouveaux trucs, je suis condamnée à me débrouiller avec des titis YouTube ou éventuellement en cours particuliers.

  3. Merci d'avoir partagé cette expérience de l'intérieur, cela me permet de mieux comprendre. J'ai envoyé le lien vers ton article à une amie récemment diagnostiquée de TSA. Elle m'a dit que ton récit lui avait permis de se rendre compte qu'elle avait des meltdowns du même type plus souvent qu'elle ne croyait et qu'il l'aide à déculpabiliser. Merci donc de notre part à toutes les deux

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