[VARSOVIE] Où les écureuils et les disciples de Linné nous fuient, et où je noie ma déception dans le fond de veau

 

Jeudi matin, pour une fois, nous avons mis notre réveil: il devrait pleuvoir à partir du milieu de la journée (11h selon les organisateurs, 14h selon la police). Nous quittons donc notre studio-hôtel vers 9h et mettons le cap vers le parc Lazienki, alias le plus grand espace vert de Varsovie. C’est un endroit très beau et très calme, idéal pour prendre des photos même par temps couvert. Je déambule dans les allées en agitant la jupe de ma nouvelle robe Linen Naive jaune que j’étrenne pour l’occasion. Les autres visiteurs sont peu nombreux et tout aussi détendus que nous. Sur la terrasse du palais au milieu du lac, une dame aux cheveux en pétard fait du tai chi face à l’eau. Un peu plus loin, deux figurantes en costume historique attendent face à un réflecteur: un tournage est en cours, et un type musclé en T-shirt nous fait signe d’aller jouer plus loin. Nous poursuivons notre exploration par le jardin botanique attenant sans croiser un seul des écureuils ni des paons pour lesquels Lazienki est réputé. En revanche, les deux musaraignes qui m’ont détalé sous le nez, je les ai très bien vues, merci. Je grommelle un peu pour la forme: je suis contente d’avoir pris une dose de flore, mais il me manque ma dose de faune. 

Nous reprenons ensuite le bus pour Wilanow, et une fois sur place, nous commençons par chercher un endroit où déjeuner avant d’aller voir l’expo de planches naturalistes repérée hier. Entre une dizaine de restos italiens et un resto polonais, nous choisissons ce dernier – et nous empressons de commander, des tagliatelle aux fruits de mer pour Chouchou et des papardelle aux girolles pour moi. Hum. Puis nous nous dirigeons vers les guichets… et là, c’est le drame: les visites sont sold out pour la journée. Tout le monde ici est tellement décontracté par rapport au Covid – l’idée ne m’a même pas effleurée qu’il puisse y avoir des jauges dans certains musées. Il ne nous reste plus qu’à refaire le long trajet en sens inverse. Je suis déçue, à la fois de ne pas pouvoir visiter cette expo et d’avoir perdu tant de temps.

Je propose d’enchaîner sur la suite du programme prévu pour cet après-midi en rajoutant quelques trucs optionnels pour meubler, mais entre-temps, nous avons reçu un texto de la météo locale, qui prévoit de « fortes pluies et inondations » ce soir et une grande partie de la journée de demain. De crainte qu’on soit bloqués au studio, Chouchou suggère plutôt de faire la visite à laquelle on pensait consacrer notre vendredi et qui me fait vraiment très envie: celle de la Soho Factory et du musée du néon. Nous voici donc en train de traverser la Vistule en tram pour rejoindre ce que j’imagine à l’image de la Telliskivi Creative City de Tallinn ou de la X Factory de Lisbonne, un lieu grouillant d’ateliers et de boutiques, de restos et de bars, de street art et de créativité. Au lieu de ça, nous débarquons dans un lieu décrépit et à l’abandon, totalement désert en ce début août. Le musée du néon manque de place pour mettre en valeur sa belle collection dont trop de pièces s’entassent par terre, tristement éteintes, et ses visiteurs qui en moyenne doivent avoir la moitié de notre âge ne portent pour la plupart d’entre eux pas l’ombre d’un masque. Bref, je ressors assez vite, énervée et encore plus déçue. 

Nous décidons de nous rabattre sur Stare Miasto où il nous reste quelques trucs à faire. Depuis le tram 26, nous apercevons de superbes fresques de street art qui occupent un côté entier de grands immeubles – il y aurait sûrement eu matière à une balade photo à thème. Nous allons nous poser au Same Fusy, un salon de thé installé dans une série de caves en brique qui me rappellent Toulouse. La carte est très impressionnante et le choix difficile. Quant à l’ambiance musicale, on passe d’un crooner polonais à une musique chinoise utilisant un seul instrument nasillard vraiment pénible aux tympans. Qu’importe: nous avons bien profité, et nous sommes prêts à nous remettre en route. 

Dernière étape de notre journée: la visite du petit musée Marie Curie, installé dans la maison où elle naquit Maria Sklodowska en 1867. Une vidéo de 8 mn nous rappelle les principaux faits de sa biographie et ses grandes découvertes. Il est frappant de constater que si son père, très progressiste, ne l’avait pas encouragée à faire des études à une époque où celles-ci étaient réservées aux hommes, et si elle n’avait pas par la suite bénéficié du réseau de son mari plus âgé et déjà reconnu en tant que scientifique, la seule personne ayant jamais reçu deux prix Nobel dans des disciplines différentes serait sans doute devenue femme au foyer ou institutrice. Je trouve ça complètement dingue de penser au savoir dont l’humanité s’est privée en bridant la moitié de ses cerveaux. 

Il est à peine 17h30 quand nous nous présentons avec une heure d’avance au restaurant où nous avons réservé pour le dîner. La déco d’U Fukiera est à tomber dans le genre bohème chic et romantique. On nous installe près de la vitrine, à l’endroit le plus lumineux des deux salles et avec une vue très sympa sur la place Rynek Starego Miasta entre les lys roses d’un énorme bouquet – je suis ravie. Nous commandons une planchette de fromages à partager en entrée, et recevons une petite oeuvre d’art mélangeant noix, noisettes, raisins blanc et noir, tranches de poire, olives vertes, confit de tomates, huile d’olive, cresson sauvage et petites fleurs. Je l’arrose d’un cocktail Oasis à base de gin et de liqueur d’abricot tandis que Chouchou reste à la limonade maison. 

Après ça, je savoure un impressionnant jarret de veau avec la viande la plus tendre que j’ai jamais mangée et une sauce absolument divine dans laquelle je pourrais prendre un bain, accompagné de gnocchis polonais et de petits légumes croquants. C’est si copieux que même Chouchou s’avoue vaincu avant de m’avoir aidée à finir. Certes, j’ai un peu triché en voulant garder de la place pour un dessert à partager: ce sera une red apple pie meringuée avec sa boule de glace vanille. Les yeux aussi comblés que les papilles, je réclame l’addition: moins de 80€ à deux pour le meilleur repas que j’ai fait depuis des années. En plus, le service était parfait. Réconciliée avec la vie (mais probablement très fâchée avec ma balance le jour où je me pèserai de nouveau), je propose que nous rentrions à pied malgré les quelques gouttes qui ont commencé à tomber. 

4 réflexions sur “[VARSOVIE] Où les écureuils et les disciples de Linné nous fuient, et où je noie ma déception dans le fond de veau”

  1. Cette robe te va à merveille, et j'aime particulièrement les photos prises dans le musée du néon, même si celui-ci était décevant. Quant au restaurant, ton avis et les photos me donnent envie de sauter dans le premier avion pour Varsovie…

  2. Merci pour ces comptes rendus et photos, ça donne très envie d'aller tourner (et manger) dans les rues de Varsovie… mais donc, si je comprends bien, il y a le microcentre historique et le reste. Le reste a-t-il du charme ?

  3. Pareil qu'Isa. La robe te va à merveille… Et tu devrais faire un partenariat avec l'office de tourisme de Varsovie car sans toi, je n'aurais même pas eu l'idée de l'envisager comme une destination possible. Or là, j'ai terriblement envie d'y aller (et de retourner aussi à Budapest). Merci pour ces photos de rêve.

  4. @Pimprenelle: Honnêtement, sorti de la vieille ville, Varsovie est plutôt moche du point de vue architectural. Mais il y a plein de choses intéressantes à y faire!

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