[BELGIQUE] Un atelier de fauconnerie au Jardin des Hiboux #1

Parmi les nombreuses choses que j’ai héritées de mon père, il y a une fascination intense pour les rapaces (ainsi qu’un magnifique Guide des Oiseaux d’Europe que je connaissais par coeur lorsque j’étais enfant). Aussi, en comprenant que nous allions rester coincés à Bruxelles cet été, je me suis empressée de mettre à exécution un projet que je nourrissais depuis la visite du Bird of Prey Center, au bord du Loch Lomond en Ecosse: réserver un atelier de fauconnerie au Jardin des Hiboux, situé dans les Ardennes belges. La seule date encore possible était le samedi 15 août; j’ai attendu des semaines en frémissant à l’idée que l’évolution de la situation sanitaire pourrait entraîner une annulation. Mais pour la première fois depuis le début de cette année pourrie, tout s’est passé comme prévu, et même encore mieux que ça. Je vous raconte. 

Après avoir passé la nuit dans un Air BnB du coin (je n’avais pas envie de me lever aux aurores pour me taper les deux heures de route depuis Bruxelles, ni prendre le risque qu’un problème de Cambio fiche nos plans en l’air à la dernière minute), nous arrivons au Jardin des Hiboux une demi-heure avant le début de l’atelier. Nous en profitons pour faire le tour des enclos. Chacun d’eux n’abrite qu’un seul pensionnaire afin d’éviter que les rapaces s’entre-dévorent. Oui, parce que même les jolis hiboux duveteux sont des prédateurs qui, en cas de petite faim, n’hésiteraient pas à bâfrer un congénère plus faible. Je suis assez fière de connaître et de pouvoir identifier la plupart des espèces, à l’exception d’une chouette leptogramme aux tons caramel et d’un énorme vautour à collerette rose vif très occupé à déchiqueter un carton  récemment décédé. 

10h approchant, nous nous réunissons sur le terrain de vol avec le reste de notre groupe, qui comptera 12 personnes en tout – le maximum possible. En plus de nous, il y a deux autres couples, un monsieur seul et quatre jeunes ados plus le père de l’un d’eux. Stef et Wouter, qui s’occupent seuls de cet endroit, nous expliquent le programme de la journée et les règles de base. La plus importante, c’est qu’il est absolument interdit de toucher les oiseaux. On peut leur offrir notre bras comme perchoir, et les tenir à l’aide d’un lien en cuir appelé « jet », passé dans les manchettes qui entourent leurs pattes, mais hors de question de leur caresser affectueusement les plumes. Même dressés, ils restent des animaux sauvages qui n’aiment pas qu’on les tripote, et qui ont des arguments acérés pour le faire savoir. 

Nous commençons par enfiler un gant en cuir à notre main gauche, puis prendre chacun un rapace préalablement équipé par Stef et Wouter. Pour moi, ce sera une petite chouette des terriers mâle âgée de 3 mois à peine et prénommée Guy. Je regrette un peu en voyant qu’un des gamins hérite d’un faucon pèlerin (l’oiseau le plus rapide du monde en piqué, capable d’atteindre 394 km/h) et d’autres gens, de milans ou de grands hiboux majestueux. Chacun à notre tour, nous pesons notre oiseau, un rituel indispensable tous les matins pour vérifier qu’ils conservent bien leur poids de forme et ne sont pas sous-alimentés, donc trop faibles pour voler, ou suralimentés, donc pas motivés pour voler et chasser. Nous badigeonnons leurs attaches en cuir avec de l’huile pour qu’elles restent bien souples et ne risquent pas de les blesser, et nous leur mettons un petit coup de pschitt nettoyant sur les pattes. 

Puis nous partons en promenade dans les champs et la forêt alentour, en faisant bien attention à respecter un mètre de distance entre nous – non pas à cause du Covid (tout le monde porte un masque) mais pour éviter que les rapaces se battent entre eux ou que les plus petits aient la trouille des plus gros. Plus nous marchons, plus je me réjouis de balader 140 grammes de mini-chouette plutôt que les 800 grammes du plus gros rapace de notre groupe. Petit Guy reste hyper sage sur mon bras et me fixe sans ciller de ses grands yeux jaunes. Je crois que je suis amoureuse. Je me laisse un peu distancer par les autres pour me recréer une bulle; je respire à fond l’air de la nature et pour la première fois depuis très longtemps, je me sens heureuse d’être en vie. Chouchou a davantage de problèmes avec Lan, son milan qui aimerait voler tout de suite et le manifeste en lui donnant de grands battements d’ailes dans la figure. Il finit par le passer à Stef qui nous accompagne, et qui est elle-même partie sans oiseau justement au cas où une telle chose se produirait. Pendant le reste de la journée, il n’en touchera pas d’autre: les rapaces, c’est mon truc, pas le sien. Son truc à lui, c’est la photo, et il s’en donnera à coeur joie comme vous pourrez le voir dans la deuxième partie de ce récit. 

Une fois que nous sommes revenus au terrain de vol, Wouter récupère les oiseaux pour aller les remettre dans leurs enclos respectifs pendant que Stef nous entraîne vers les tables de pique-nique et nous distribue le matériel nécessaire pour fabriquer un jet, puis nous montre comment faire. J’ai l’impression d’être revenue en cours de travaux manuels avec Mme Blanc pendant mes années collège – mais je m’en tire sûrement mieux que je ne l’aurais fait à l’époque. Dernier exercice de la matinée: nous retournons sur le terrain où Wouter nous explique comment les fauconniers utilisent des leurres pour dresser les oiseaux à la chasse de haut vol: faire tournoyer le leurre de la main droite, dans le sens des aiguilles d’une montre; lancer le leurre vers l’oiseau qui pique et, juste avant qu’il ne l’attrape, tirer sur la cordelette de la main gauche tout en pivotant sur place. Nous nous entraînons à l’imiter, mais uniquement sur des piquets de clôture: si nous visions mal et touchions l’oiseau en vol avec le leurre, nous risquerions de le tuer! Après ça, notre groupe a droit à une pause d’une heure et demie pour déjeuner, et nous nous dirigeons tous vers la cafétéria.

(A suivre)

2 réflexions sur “[BELGIQUE] Un atelier de fauconnerie au Jardin des Hiboux #1”

  1. J'étais a fond dans ton récit, et la, à suivre ????
    Donc, vivement la suite, c'est passionnant et bravo a Monsieur pour les photos qui sont incroyablement belles.
    Quelle expérience, tu as de la chance et j'ai été touchée quand tu dis que tu as de la chance d'être en vie.
    Sophie

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