
Du temps où j’organisais des rondes de poches, Chimamanda Nogozi Adichie était sans conteste l’autrice dont les livres revenaient le plus souvent: parfois, dans un groupe d’une trentaine de swappeuses, 3 ou 4 optaient pour un de ses romans ou pour
son célèbre essai féministe. C’est à cette époque que j’ai acheté « Americanah » – mais depuis, il dormait dans ma PAL parce que son volume me rebutait un peu. Et puis avec le mouvement Black Lives Matter, je me suis davantage intéressée aux questions de race, et le moment m’a paru bien choisi pour me plonger enfin dedans.
Jeune Nigériane issue d’une famille modeste, Ifemelu est acceptée en 3ème cycle à l’université de Philadelphie. Pendant 13 ans, elle vit aux Etats-Unis où elle est confrontée chaque jour aux différences de traitement que lui vaut sa couleur de peau – au point de créer un blog à succès sur ce thème. Mais bien qu’ayant réussi à se bâtir une existence enviable en Amérique, un beau jour, elle décide de larguer son appartement, son boulot et son petit ami pour rentrer à Lagos. Ce retour aux sources sera l’occasion de retrouver Obinze, le grand amour qu’elle avait laissé derrière elle….
Il ne faut pas chercher de rebondissements haletants dans « Americanah ». La quasi-totalité de l’histoire tient dans le résumé ci-dessus. C’est un roman d’observation du quotidien d’une expatriée africaine qui ne s’était jamais sentie noire avant d’arriver aux Etats-Unis, mais que sa couleur de peau définit entièrement aux yeux des Américains. De ce fait, toute son identité d’adulte se construit sur la question de la race. Puis, à son retour dans son pays natal, elle rencontre le problème inverse: désormais, ses références ne sont plus celles des autres Nigérians; elle a pris du recul et porte un regard critique sur la société dans laquelle elle a grandi.
Sur GoodReads, certains reprochent à ce roman d’être trop politique – mais avec un thème pareil, traité par une personne concernée, comment pourrait-il en être autrement? Particulièrement intéressantes: les différences de perception et d’attitude entre Afro-Américains et Noirs immigrés que souligne l’autrice, ainsi que les bourdes commises par les Blancs bien intentionnés. J’ai aussi aimé revoir le moment de l’élection de Barack Obama à travers les yeux des personnages – d’autant que je venais de terminer l’excellente biographie de Michelle Obama qui relate les mêmes évènements d’un point de vue « intérieur ». Au-delà de ses aspects militants qui semblent très fidèles à la réalité, «
Americanah » est le portrait d’une femme à la personnalité et aux motivations complexes, dont les choix ne sont jamais écrits d’avance. J’aime quand le succès en librairie d’un ouvrage reflète sa qualité.
Traduction d’Anne Damour
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J'ai lu ce livre dans le cadre de mes études et qu'est-ce que je l'avais aimé !
Avez-vous lu L'Autre moitié du soleil de la même autrice ?
@Agnès:Non, c'était mon premier roman de cette autrice, mais comme je l'ai beaucoup aimé ce ne sera sans doute pas le dernier!
Je vous conseille "L'hibiscus pourpre" de la même autrice.
Oh je suis contente de lire que tu l'as aimé. Moi ça avait vraiment été un coup de coeur 🙂