[SINGAPOUR] Où je réalise un rêve

Première bonne nuit de sommeil depuis le début du voyage, ça fait du bien! Nous prenons notre temps ce matin et quittons l’hôtel vers 11h. Pour ce premier contact avec la ville, nous avons décidé de marcher. La chaleur est encore supportable à ce moment-là, mais nous réalisons assez vite que malgré ses larges trottoirs et les nombreuses galeries prévues pour fournir de l’ombre aux piétons, Singapour n’invite pas à la flânerie. D’ailleurs, les rares autres personnes que nous croisons dans les rues semblent essentiellement être des touristes comme nous. Pour autant, le nombre de voitures et autres véhicules en circulation reste assez raisonnable. C’est curieux, on dirait une ville semi-morte. Je ne sais pas comment se déplacent les gens qui justifient la débauche de centres commerciaux et de restaurants. Ont-ils accès à des passages souterrains interdits aux étrangers? Mystère.

Nous visitons deux temples assez spectaculaires dans Waterloo Street: le Sri Krishnan, où nous devons nous déchausser pour entrer mais dont j’adore la débauche de bas-reliefs colorés, et le Kwan Im Thong Hood Cho où de nombreux fidèles déposent des offrandes de pivoines et d’encens dont l’odeur me met rapidement en fuite. Nous poursuivons notre chemin jusqu’au centre commercial Bugis+, dont l’étage supérieur abrite un food court japonais réputé pour sa qualité: le Ramen Champion. A l’entrée, un alpagueur avec une voix assez étrange nous donne des bracelets à présenter sur chaque stand où nous achèterons quelque chose, puis à la caisse de sortie où nous règlerons tout en une fois. Le food court est ouvert depuis peu et nous y mangeons (très bien) à peu près seuls: menu udon + tempura pour Chouchou, tendon à l’oeuf salé pour moi.

Sur le chemin de la marina, nous nous arrêtons au centre commercial Raffle City où je fais de menues emplettes dans la boutique Paper Market dédiée aux fournitures d’art journaling. Au centre commercial Marina Square, nous cherchons le city tourist hub afin d’y acheter nos entrées pour les Gardens of the Bay avec la grosse réduction proposée par Booking.com, sur lequel nous avons réservé notre hôtel. Pour résumer une longue histoire ennuyeuse, le code QR refuse de fonctionner; nous devons finalement prendre des billets à tarif plein (alors que notre hôtel proposait aussi une réduction, juste moindre que celle de Booking.com), et avec tout ça, nous avons raté à cinq minutes près la navette qui passe seulement une fois par heure. Nous décidons donc de nous rendre aux jardins à pied. Sauf qu’entre-temps, la chaleur est devenue brutale, et qu’il n’y a pas un poil d’ombre sur le chemin. Nous souffrons et transpirons; je serais d’une humeur massacrante si j’en avais encore la force. Pour tout arranger, nous galérons un moment avant de trouver le chemin des serres. Quand je m’arrête aux toilettes avant d’entrer dans la première, je dois littéralement éplucher mes vêtements collés à mon corps par la sueur. (Aujourd’hui, je teste le short en jean, et malgré mon appréhension initiale, personne ne m’a encore jeté de pierres dans la rue.)

Dès que je pénètre dans la Cloud Forest, toute la fatigue, l’irritation et le ressentiment des derniers jours s’envolent comme par magie. Cette serre agréablement fraîche et humide reconstitue un milieu naturel rare et menacé, un type de forêt tropicale qu’on ne trouve qu’en haut de certaines montagnes quasi perpétuellement enveloppées de brume. Je n’ai pas de mots pour décrire à quel point l’endroit est enchanteur avec son immense cascade, ses sculptures cachées parmi les orchidées, sa passerelle vertigineuse et son climat bienfaisant. Je passe tout la visite à répéter en boucle: « Mais que c’est beauuuuuuuu » en ouvrant de grands yeux émerveillés. Alors que même les succulentes ne tiennent pas plus de quelques mois sous ma garde, je me retiens de solliciter un entretien d’embauche auprès des jardiniers affairés à transformer une plate-bande. Ces gens font le plus beau métier du monde dans le plus bel endroit du monde. Et puis juste avant la sortie, une exposition parle des dégâts provoqués par la pollution et le réchauffement climatique. Pas de pathos, juste du factuel. Le film projeté sur grand écran qui montre l’évolution projetée de la planète jusqu’en 2100 me fait pleurer à chaudes larmes. Toute cette beauté qu’on est en train de tuer, ça me flingue. Si on ne fait rien (et je pense qu’on ne fera pas grand-chose, parce que les gens qui en ont le pouvoir ne sont pas motivés pour ça), d’ici la fin du siècle, la Terre sera devenue un caillou invivable.

Après ce grand huit émotionnel, j’erre un peu hébétée dans les rayons de la boutique de souvenirs. Puis nous allons visiter l’autre serre, le Flower Dome, où des personnages de la littérature jeunesse se cachent parmi les plantes arrangées par région d’origine. C’est très joli et plaisant à visiter, même si ça ne me chamboule pas autant que la Cloud Forest. Devant un cactus hyper poilu à la forme particulièrement évocatrice, je fais des blagues de pénis avec un papa australien et son grand fils. Dans la partie « Méditerranée », je regrette de ne pas avoir apporté ma liseuse pour bouquiner un moment allongée sous les oliviers.

Nous sortons et nous dirigeons vers le Supertree Grove, le bosquet de super-arbres mi-végétaux mi-métalliques qu’on voit sur toutes les photos iconiques de Singapour depuis 2012 et la raison numéro un pour laquelle j’ai tenu à venir dans cette ville. Nous montons sur la passerelle qui relie les arbres entre eux, puis décidons d’aller boire un verre au bar IndoChine située au sommet du plus gros. Avant d’accéder à l’ascenseur, on paye un droit d’entrée qui donne droit à une boisson. Comme Chouchou ne boit pas d’alcool, il a droit au tarif enfant, et à un bracelet rouge plutôt que jaune, ce qui nous fait bien rire. De là-haut, on voit la baie de Singapour encombrée par des dizaines de cargos, ainsi que les immeubles triplés surmontés par une sorte de « bateau » dont j’ai oublié le nom. C’est bien le seul intérêt du lieu: en guise de cocktail, on m’apporte un mélange de vodka bon marché et de jus de fruit dégueu dans un verre en plastique. Même Chouchou, peu difficile en la matière, grimace en prenant une gorgée de son jus d’ananas et déclare que c’est le plus mauvais qu’il a jamais bu. Nous voulions traîner là jusqu’à la tombée de la nuit et à l’illumination des supertrees, mais au bout d’un moment, je suis prise d’une migraine aussi subite que violente, et je demande à redescendre pour pouvoir m’allonger sur un des larges bancs qui entourent le pied des arbres. J’y passe l’heure suivante prostrée avec l’impression que ma tête éclate en mille morceaux. Autour de moi, je sens que les gens affluent petit à petit; quand les bancs sont tous occupés, ils s’assoient carrément au milieu des allées, le nez en l’air comme en attente d’une apparition divine tandis que de petites lumières commencent à clignoter parmi les branches des supertrees.

Vers 19h45, une brève annonce nous informe que nous allons assister à un spectacle son et lumières sur le thème de la lune. Et pour la deuxième fois de la journée, les mots me font défaut alors qu’allongée entre deux jeunes Asiatiques qui filment avec des perches à selfie, j’ouvre grand les yeux pour ne pas perdre une seule miette de cette féérie. Six ou sept chansons – dont « Blue moon » et « Fly me to the moon » – se succèdent tandis que des lumières roses, violettes, bleues ou vertes courent le long des troncs et éclatent au bout des branches. Il me semble que tous les spectateurs retiennent leur souffle, que ces centaines d’inconnus et moi sommes momentanément unis dans une communion d’émerveillement. Quand ça se termine, bien trop vite à mon goût, nous nous dirigeons tous en un flot calme et murmurant vers la station de métro la plus proche. C’est cela que j’étais venue chercher à Singapour, et c’était encore mieux que je ne l’imaginais.

Ma migraine reflue un peu tandis qu’on dîne rapidement au Tekka Centre comme hier. Butter chicken pour moi, chicken tikka masala pour Chouchou, garlic naan pour tous les deux, et vu que je n’ai plus faim, je propose notre palak paneer intact au jeune couple de touristes européens qui se partage un très maigre repas à la table voisine. Retour à l’hôtel, où la volée de pré-ados qui occupe les autres chambres de notre étage pousse des hurlements suraigus jusqu’à ce que je sorte dans le couloir pour réclamer le silence. Elles ont réussi à réveiller ma migraine, ces petites connes. Je me bourre de paracétamol avant de me mettre au lit. 

La vidéo de la journée sera bientôt disponible (le wifi de l’hôtel rend l’upload difficile…)

8 réflexions sur “[SINGAPOUR] Où je réalise un rêve”

  1. Un grand merci de nous faire voyager par procuration et contente que le moral aille mieux.
    Profitez bien

  2. En dehors de ta migraine tu as vécu un moment enchanteur, c'est juste magnifique tout ça et le ressentir doit être fort.
    Bisous Nad:)

  3. La Cloud Forest a l'air carrément magique ! J'ignorais l'existence de ce lieu, et je n'étais pas particulièrement intéressée par Singapour, mais tu viens de me donner sacrément envie d'y faire un tour.
    J'espère que tu as pu profiter d'une deuxième bonne nuit de sommeil.

  4. Qu'est ce que c'est joli ! Merci pour la découverte, c'est un plaisir de lire un peu de vos aventures chaque jour. J'espère qu'avec l'accumulation de la fatigue, vous dormez un peu plus/mieux.

  5. Mon fils a fait un exposé sur Singapour l'an passé en quatrième, il a décidé que c'est le dossier qu'il va reprendre cette année en l'étoffant pour son oral de brevet des collèges!
    Ça nous avait pas mal épatés de découvrir les photos, alors j’imagine bien en vrai!

  6. Rôh rôh rôh *_* C’est si bô.
    Depuis que j’ai fait une traduction sur ce lieu, j’ai envie de voir de mes propres yeux et ce ne sont pas tes photos qui me convaincront du contraire.

    Au fait, l’expo TeamLab à La Villette ne t’intéressait pas ? Débauche de fleurs (projetées) très spectaculaire…

  7. @shermane: C'est un lieu absolument MAGIQUE. Je pourrai retourner à Singapour juste pour ça. (OK, et pour la bouffe ^_^) Je n'ai pas entendu parler de cette expo.

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