
De nouveau, nous avons bien dormi et nous prenons notre temps le matin, si bien qu’il est déjà presque midi lorsque nous quittons l’hôtel. Histoire de ne pas répéter l’erreur d’hier, nous ne tentons même pas de nous rendre à pied jusqu’à notre première destination, pourtant distante d’à peine un peu plus de 2 km à vol d’oiseau: nous nous engouffrons directement dans le métro. Nous émergeons en plein Chinatown, à l’entrée du food court People’s Park Complex où nous errons un long moment dans une chaleur étouffante et des odeurs de bouffe grasse mélangées avant de jeter notre dévolu sur des brioches vapeur hyper appétissantes – tellement grosses que nous ne nous sentons pas capables d’en goûter plus de deux chacun, et tellement bon marché que les 4 nous reviennent environ 3€. Une fois de plus, la propreté des tables et du sol est optionnelle, mais à ce prix-là, difficile de se plaindre. Nous arrosons ça d’un cranberry agar pour Chouchou et d’une infusion de gingembre glacée pour moi. Quel régal…




Nous prenons la passerelle qui enjambe l’avenue voisine et descendons dans Pagoda Street, bordée d’échoppes de souvenirs bon marché et pleins de couleurs. Pour une fois, c’est Chouchou qui se laisse aller à shopper: dans un magasin d’électronique, il négocie un zoom pour son Sony A6000 tandis que je cuis sur pied devant le Chinese Heritage Centre, malgré le parapluie des Gardens of the Bay que j’utilise comme une ombrelle à la façon des autochtones. (OK, moi, je craque quand même pour un magnet dragon et trois minuscules tasses à thé avec des carpes koi en relief dans le fond, mais l’ensemble ne me coûte même pas une dizaine d’euros.) Nous poursuivons notre chemin vers le Singapore City Gallery, un musée consacré au développement urbain. Nous avons toutes les peines du monde à le localiser; alors que nous sommes plantés devant deux de ses multiples entrées, deux personnes différentes – dont un yogi qui tente de soutirer de l’argent à Chouchou pour deviner le prénom de sa mère… – nous certifient qu’il faut aller plus loin. Et une fois à l’intérieur, nous découvrons que deux de ses trois étages sont actuellement en réfection. Nous nous contentons d’explorer les expos temporaires du rez-de-chaussée. Celles-ci témoignent de l’admirable volonté de Singapour de créer un environnement à la fois moderne, pratique et respectueux de ses populations multi-culturelles. « Mais quand même, on a un peu l’impression d’être dans les Sims », commente Chouchou. C’est pas faux.
Après ça, nous nous rendons chez Tea Chapter. Nous pensons boire un thé d’une qualité un peu supérieure à la moyenne dans un environnement un peu plus raffiné que la moyenne; en fait, nous avons carrément droit à une démonstration en règle de cérémonie du thé dans ce qui se révèle être la plus ancienne et sans doute une des plus belles maisons de thé de Singapour. Je blêmis légèrement à la vue des prix, mais en fait, ils comptent pour une théière et non pour une personne. Même si le jasmin supérieur que nous prenons me plaît au final moins que celui que j’achète au Nong Cha (mais c’est peut-être parce que je suis nulle pour le préparer…), ça reste un joli moment qui en vaut largement la peine. Et l’occasion de deux fou-rires contenus: le premier, quand Chouchou doit ôter ses Docs à l’entrée, révélant les socquettes Dark Vador achetées la veille; le second, quand je commence à boire dans la mini-tasse la plus haute et que la serveuse horrifiée s’écrie: « Non, non, ça, c’est juste pour sentir! ». Oups.
Nous rebroussons chemin vers la station de métro Chinatown. Chouchou veut marquer un arrêt au temple censé abriter une dent de Bouddha. Comme je lui emboîte le pas docilement, un moine me barre le chemin et me désigne la porte en parlant très vite en japonais (trop vite pour les vagues souvenirs que je garde de mes quelques années de cours. Je me dis que j’ai dû entrer du mauvais côté; je sors et rentre par l’autre porte. Le moine très agité s’interpose de nouveau et gesticule en direction d’une sorte d’urne remplie de sarongs. Je comprends que je ne suis pas la bienvenue avec mes genoux et mes mollets exposés. Du coup, je préfère attendre Chouchou dehors.
En déambulant dans les autres ruelles commerçantes de Chinatown, je craque pour une bubble waffle au chocolat garnie de glace au yaourt, de pépites de chocolats croquante et de gelée arc-en-ciel. « Ca doit être dégueu, mais ce sera rigolo et photogénique », dis-je à Chouchou, que je n’ai pourtant jamais besoin de convaincre dès qu’il s’agit de mettre un truc dans son estomac. Hé bien, je me trompe: c’est délicieux. Probablement pas très diététique, mais délicieux.
Retour dans le métro. Il nous reste dans les $2.80 sur notre carte, soit assez pour faire encore 4 petits trajets ou 2 grands, mais les portiques refusent de nous laisser entrer tant que nous n’avons pas rechargé d’au minimum $10. Et si on quittait la ville et qu’il ne nous restait à faire qu’un trajet à $1.65 vers l’aéroport? Je suis indignée. J’espère que le surplus sera remboursable à un guichet. Nous ressortons à l’extrémité basse d’Emerald Hill Road, une jolie rue bordée d’anciennes shophouses coloniales qui doit être l’équivalent de la rue Crémieux à Paris pour les blogueuses mode locales. Je n’ose même pas imaginer le prix de maisons; alors, je me contente de les admirer en faisant quelques photos. Après ça, on passe au Tokyu Hands dans un centre commercial voisin: la boutique où je me suis ruinée lors de mes 3 voyages au Japon, et dont je ressors cette fois avec à peine trois paquets de Post-It rigolos et 3 rouleaux de masking tape. Chouchou, de son côté, y dégote un pinceau à réservoir et un câble à extrémité multiples. Chacun ses vices.





Cap sur le quartier malais pour y finir la journée. « On va contourner une superbe mosquée, mais j’imagine que tu ne voudras pas y entrer », suppute Chouchou. Je suis formelle: « Si je dois couvrir autre chose que les parties gynécologiques de mon anatomie pour être considérée comme décente, c’est non. Et mes cheveux ne sont pas une partie gynécologique de mon anatomie. » Nous allons donc directement chez Maison Ikkoku, et prenons place au bar The art of mixology au premier étage. Pas de carte de cocktails: ici, on décrit ce qu’on aime au barman, et il improvise. Je commets l’erreur de dire que j’aime que ce soit « un peu épicé, mais pas trop piquant », et reçois un cocktail tiki très bien présenté, mais parfumé à la noix de muscade dont je ne raffole pas et à la cardamome que je déteste. Le barman a dû comprendre que je voulais de l’épice-parfumé, et je n’ose pas manifester ma déception (à la vue du prix quand je règlerai la note, je le regretterai de tout mon coeur). Chouchou, quant à lui, est enchanté par son mocktail. Et l’ambiance du lieu est très sympa. Nous décidons donc de dîner là. Mauvaise idée: nos deux burgers pas terribles nous coûteront 12 ou 13 fois plus cher que les délicieuses brioches vapeur de ce midi. Mais c’est noté – tant pis pour les endroits hype, on ne mange plus que dans des food courts. En plus, ça nous évitera les compiles de musique lounge française à base de « La mer » et autres titres poussiéreux remis au goût du jour par une chanteuse susurrante.


Retour à l’hôtel à pied. En passant près d’une belle église catholique, Chouchou tente un: « Et ça, je suppose que tu ne…? » « Tu supposes bien. On a les mêmes à la maison, et ça ne m’intéresse déjà pas. » Une fois dans notre chambre, on rassemble notre linge sale pour aller à la laverie de l’autre côté de la rue. C’est le même système de machine et de séchoir que celui qu’on a eu à Hong Kong, et on gère tels deux vieux routards de la lessive. Par contre, je crains que la bouffe indienne d’hier soir n’ait laissé des traces indélébiles sur mon T-shirt Comptoir des Cotonniers en lin kaki, snif.
La vidéo du jour sera linkée ici une fois en ligne.