La conseillère qui ne conseillait pas

Ca faisait un mois que je courais figurativement derrière ma banquière pour obtenir des informations dont j’ai besoin dans le cadre d’un prochain changement de statut du compte que j’utilise à titre professionnel. En l’espace de cinq semaines, j’avais envoyé six ou sept fois les mêmes questions par mail pour n’obtenir que deux réponses. La première: « Ne vous en faites pas, nous avons le temps ». La seconde, quinze jours plus tard, alors que je commençais à m’énerver, contenait la réponse à une seule de mes questions et ignorait superbement toutes les autres. Je ne réclamais pourtant rien de bien compliqué: un lien vers le formulaire en ligne qui doit répertorier les modalités de fonctionnement de mon futur nouveau compte, et une date pour procéder au basculement de carte Visa associée, sachant que c’est galère parce qu’il faut d’abord annuler l’ancienne puis en produire une nouvelle, si bien que je resterai huit jours sans moyen de paiement dans le meilleur des cas (celui où la nouvelle carte arrive pile poil pendant que je suis à Monpatelin). 
Donc, après trois semaines supplémentaires de silence malgré mes relances hebdomadaires, j’ai essayé de contacter quelqu’un d’autre. Pas de bol, mon agence étant toute petite, il n’y a qu’une seule conseillère, et ma banque ne possède pas de service client à proprement parler. J’ai fini par décrocher Skype pour appeler la conseillère-qui-ne-conseille-que-dalle. Je suis tombée sur son répondeur, et j’ai laissé un message très sec, dont le ton montait de plus en plus au fur et à mesure que je m’énervais toute seule à mon bout de la ligne, et que j’ai conclu par un aigre: « En espérant que cette fois, vous daignerez ENFIN apporter des réponses à mes questions! ». 
Entendons-nous bien, je n’ai pas insulté ni menacé cette dame, juste exigé de manière assez désagréable qu’elle se décide à faire son boulot. Je ne crois pas que c’était déplacé de ma part. Pourtant, ça a fichu le reste de ma journée en l’air. J’étais tellement retournée d’avoir dû en arriver là que j’ai reporté la sortie-plaisir à laquelle je comptais occuper le reste de mon après-midi, tourné en rond chez moi pendant une bonne heure à ranger un truc ou l’autre, et fini par sortir mais uniquement pour faire des courses utilitaires, comme si je cherchais à me punir de ne pas être restée plus digne, plus maîtresse de moi-même – de ne pas avoir trouvé une manière civilisée de résoudre ce problème relationnel. 
Certes, j’aurais pu « scripter » mon coup de fil avant de le passer; cela m’aurait peut-être évité de m’emporter, et c’est une tactique que j’emploierai sans doute la prochaine fois (ma tendance à partir en vrille dans les communications en face-à-face ou au téléphone est l’une des raisons pour lesquelles je privilégie généralement les mails: j’ai le temps de soupeser chacun de mes mots, de sauvegarder le brouillon et de le rectifier si nécessaire avant de finir par l’envoyer). En attendant, je ne me remettais pas du tout de cet incident, et j’ai fort mal dormi la nuit suivante. 
Il me semblait que la mauvaise volonté de ma conseillère m’obligeait, soit à taper du poing sur la table pour obtenir les informations réclamées, soit à attendre son bon vouloir en rongeant mon frein et en prenant le risque que ma carte n’arrive pas au bon moment (entre autres choses). Dans une situation pareille, je ne voyais pas d’autre alternative que de me comporter comme une brute ou un paillasson. Comme, – puisque j’en parlais récemment ici – mes harceleurs d’autrefois ou la victime que j’étais autrefois. Et je me reprochais de ne pas avoir réussi à trouver le moyen terme dont je voulais croire qu’il existait forcément. De la même façon que je passe ma vie à me reprocher d’être incapable de communiquer « normalement », d’en faire toujours trop ou pas assez, de ne pas avoir le mode d’emploi et de ne rien, mais alors rien comprendre au mode d’emploi des relations sociales. 

Je crois que c’est une mission pour Super Auto-Compassion.

11 réflexions sur “La conseillère qui ne conseillait pas”

  1. Heuh, tu ne te flagelles pas un peu trop là. Parfois, certaines situations exigent de devoir taper sur la table. Je ne suis pas sûre qu'il existe de manière civilisée face à l'incompétence. Pourtant je suis la première a mettre des gants, j'en met d'ailleurs un peu trop moi.
    De plus attendre 5 semaines pour des réponses, je pense que tu as du user de tout ton panel….alors faire un message un peu sec ne veut pas dire que tu as échoué à gérer la situation.
    Va boire un verre et demande un rendez-vous à ta "conseillère" si elle n'a toujours rien fait. Parfois une discussion entre quatre yeux fonctionne. Enfin évite de les lui arracher

  2. Beaucoup de gens semblent croire que se comporter comme une brute, c'est faire preuve de "caractère"… Effectivement, inventer une troisième voie, c'est plus de travail que de se rabattre sur un extrême. Question pour Super Auto-Compassion : est-ce que tu avais les moyens (psychiques, s'entend) d'élaborer cette troisième voie avant ta prise de conscience d'il y a quelques jours ?
    Pour quelqu'un qui ne sait pas communiquer "normalement", tu communiques pas mal sur ce blog, justement… Et c'est ça qui est bien 🙂

  3. C'est bizarre, je lis absolument tout ce que tu publies et "ôter l'armure" m'avait échappé. Ici le fait que tu te sentes coincée, dépendante de cette femme injoignable a provoqué le réflexe de s'armer encore une fois, après avoir passé l'armure…ou pas…
    Un moment de colère justifiée, envoyé à la personne qui est à la source de cette colère est plutôt sain, me semble-t-il. Je te souhaite une grande vague d'autocompassion.

  4. Je te comprends totalement … C'est une situation vraiment pénible, de faire face à l'incompétence des gens ! En ce moment, j'attends une réponse de mon supérieur, je suis animatrice périscolaire et je navigue dans plusieurs écoles, mais en général c'est organisé selon un planning, dont nous prenons connaissance avant chaque vacances scolaires, pour savoir où nous serons après les vacances. Sauf que là, il a clairement fait de la merde, il y a deux soirs où je n'apparaissais pas du tout dans le planning, certaines de mes collègues étaient dans deux activités différentes … et depuis la rentrée des vacances de Toussaint, cela fait plusieurs fois que je lui demande (en essayant de garder mon calme, alors qu'à l'intérieur, je bouillonne) où je suis le jeudi soir, et qu'il me répond "ne t'inquiète pas, je te tiens au courant" ..! sauf qu'on est à nouveau jeudi, et que je ne sais toujours pas … son incompétence et sa médiocrité (oui, j'en suis à employer ce mot-là) me mettent hors de moi, et je déteste être hors de moi …

  5. Ne sois pas trop dure avec toi-même : d'après ce que tu écris, tu as épuisé tous les recours "civilisés" avant de finalement te résoudre, à regrets, à employer un ton plus sec. Ça ne me paraît pas être le raisonnement d'une furie sanguinaire, simplement celui de quelqu'un qui est à bout de patience … De nombreuses personnes n'auraient pas attendu aussi longtemps pour incendier la conseillère en question ! Parfois, hélas, on a beau essayer de trouver toutes les subtilités possibles et imaginables pour communiquer de façon respectueuse, on se trouve face à un mur qu'il est impossible de faire céder, sauf en employant la manière forte. Et dans ces cas-là, inutile de se fustiger : le "mur" a eu plusieurs occasions de répondre tant qu'on était encore gentil, il ne les a pas saisies, il se fait démonter, et c'est bien normal.

  6. On part très vite en vrille au téléphone (et encore plus face à cette machine diabolique qu'est le répondeur!)
    Vive le mail!

  7. Les banquières elles sont pas toujours correctes je trouve… Personnellement la mienne est géniale ! Mais ma mère avait du changer de banque car son ancienne banquière adorable était partie, et le nouveau était exécrable ! Tant pis pour eux, ils perdaient une cliente 🙂

  8. Alors là, j'avoue que dans ce genre de situation je me transforme en chieuse.
    Ma technique consiste à, me faire un thé, m'asseoir confortablement et téléphoner. A la réponse : "il n'est pas disponible", je réponds que je rappellerais plus tard et je le fait toute les 10 minutes jusqu'à la libération de mon interlocuteur. Si je tombe sur un répondeur, je passe par la centrale et demande quelqu'un de compétent… qui n'est forcément pas disponible en ce moment, ce n'est pas grave, je rappellerai dans 10 minutes…
    Bref, je m’assois et décide de consacrer mon temps à ça. Je suis rarement fâchée quand enfin j'ai quelqu'un en ligne parce que ce temps, j'ai décidé de le prendre et en général mon interlocuteur agacé, se calme quand il découvre que je ne suis pas agressive avec lui.
    Bien sûr, je procède de cette façon uniquement quand j'ai l'impression qu'on se moque de moi. 😉

  9. Loin de moi la volonté de juger mais je voudrais juste apporter un autre regard. Je travaille en banque et je peux te dire que ce n'est pas forcément très rose. Il faut être multitâche, toujours souriante, une oreille attentive et avoir toujours la bonne réponse dans la demi-heure. C'est un métier difficile, les journées sont longues (ou très courtes pour la liste de choses à faire). Il faut assurer l'accueil/les mails/le téléphone en plus de la pression commerciale. Attention, je ne donne pas tort ou raison à ta conseillère, j'essaye juste d'afficher plus clairement le quotidien d'une banque et de rappeler que nous sommes humains. Je comprends tout à fait ta frustration.

  10. Mais oui, j'y ai pensé, que ma conseillère avait peut-être juste trop de travail, c'est pour ça que je culpabilisais! 🙂

  11. J’ai pu vérifier hier : tu es tout à fait humaine et tu n’es pas un monstre d’avoir fait ça.
    Dans un cas similaire, j’aurais aussi la voix tremblant de colère et qui devient de plus en plus aiguë, mais je note la technique de Ladypops !

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