A la découverte de l’auto-compassion

Durant mon cours « The Science of Happiness » (dont je vous ferai un compte-rendu complet lorsqu’il sera fini), je suis tombée sur un passage consacré à l’auto-compassion. Si vous me suivez depuis un moment, vous devez savoir que je suis une grande adepte de la bienveillance dure. Si vous avez découvert le blog récemment: j’ai l’aimable caractère d’une esclavagiste, et pour devise « Marche ou crève » « Aide-toi et le ciel t’aidera ». J’avais déjà croisé le terme d’auto-compassion dans divers articles de Flow ou de Psychologie Positive, et j’avoue que j’avais ricané intérieurement: ça m’avait tout l’air d’une manière de valider l’auto-complaisance et l’auto-apitoiement, une bonne excuse pour ne pas travailler à s’améliorer soi-même ou pour renoncer à poursuivre ses objectifs dès la première difficulté. 
Une fois de plus, j’ai péché par arrogance, comme je m’en suis aperçue en regardant ces deux vidéos de Kristin Neff, la psychologue américaine qui a défini et exploré le concept d’auto-compassion.

Sachant que bien souvent, nous jugeons plus sévèrement nos propres erreurs que celles d’autrui, l’auto-compassion consiste à faire taire notre critique intérieur pour le remplacer par une voix compréhensive qui:
–  accepte notre imperfection au lieu de la fustiger;
– nous rappelle que nous sommes des êtres humains comme tous les autres, faillibles au même titre que tous les autres;
– nous empêche de trop nous identifier à nos erreurs et de leur attribuer une portée qu’elles n’ont pas.

Autant le premier point allait plutôt dans le sens de mes préjugés, autant les deux suivants ont fait tilt chez moi: quelque part, exiger tout le temps de meilleur de soi, c’est une forme d’arrogance. Pourquoi devrions-nous toujours être irréprochables? Lorsque nous ne le sommes pas, quelle importance cela a-t-il réellement?

Mais c’est en écoutant la liste des obstacles à l’auto-compassion que j’ai commencé à vraiment me sentir concernée. Quand les choses vont mal dans notre vie, dit Kristin Neff, très souvent, nous passons en mode « résolution de problème » sans nous laisser le temps de reconnaître et de digérer notre souffrance. Du coup, nous ne sommes psychologiquement pas assez solides pour trouver une bonne solution et la mettre en oeuvre. 
Mmmh. Bonne remarque. Si je regarde en arrière, je m’aperçois que j’ai plus d’une fois agi de façon radicale pour amputer immédiatement la source de ma douleur ou de mon inconfort plutôt que de la laisser me gangréner (au hasard, quand je me suis séparée de l’Homme-ce-chacal-jaune, ou que j’ai viré de ma vie sans sommation les gens qui m’avaient blessée). Sous prétexte de ne pas devenir une loque pitoyable, en réalité, je cherchais à supprimer la souffrance d’un coup de baguette magique pour ne pas avoir à l’affronter. Ce qui n’est pas une preuve de force, bien au contraire. 
« Nous sommes très attachés à l’auto-critique parce qu’elle nous donne une illusion de contrôle », dit aussi Kristin Neff. Aïe. Ouais, c’est tout à fait ça. Face à des circonstances hostiles, lorsque je suis ballotée par des forces extérieures sur lesquelles je n’ai pas de prise, je me concentre sur la seule chose que je maîtrise: ma propre réaction. Ce qui est une très bonne attitude de principe, tant que ça ne me conduit pas:
– à prendre une décision trop hâtive, comme évoqué précédemment, sous prétexte de ne pas jouer les larves
– à considérer que je suis partiellement responsable de la situation, non parce que j’aime bien culpabiliser, mais parce que si je suis partiellement responsable, je peux en retenant la leçon éviter que le problème ne se reproduise une prochaine fois. 
En résumé, l’auto-compassion n’est pas de l’auto-apitoiement. Il ne s’agit pas de dire « Pauvre moi », juste de reconnaître que la vie est dure pour tout le monde, même pour Wonder Woman. Il ne s’agit pas non plus de se chercher des excuses pour ne jamais se prendre en mains. Au contraire: les gens qui pratiquent l’auto-compassion sont plus susceptibles d’assumer la responsabilité de leurs erreurs dans la mesure où ils les considèrent comme banales et parfaitement excusables. Ils hésitent moins à prendre des risques, parce qu’ils sont mieux armés pour gérer un échec. 
Si vous êtes intéressé par le travail de Kristin Neff et le concept d’auto-compassion, je vous recommande son livre sur le sujet: ici en VO, en français. J’en connais à qui ça ferait beaucoup de bien. (Je dis ça, je dis rien.)

5 réflexions sur “A la découverte de l’auto-compassion”

  1. Voilà qui me parle beaucoup…

    J'ai fait les erreurs dont tu parles, et je me suis rendu compte qu'à terme il y a un écueil supplémentaire : lorsque la méthode de "l'élagage brut" des sources de souffrance ne fonctionne pas, grand est le rique de finir par rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre pour ne plus être seul à souffrir… (Dangereux pour le couple, en particulier…)

    Quand on accepte le fait qu'on puisse commettre des erreurs ou ne pas avoir réponse à tout, on se donne aussi le droit de demander de l'aide. Eh non, contrairement à ce que peut enseigner une certaine éducation, ce n'est pas honteux de demander de l'aide, ou des renseignement, ou d'expliquer qu'on ne sait pas trop par quel bout prendre le problème. Ca permet souvent de résoudre le problème de façon plus efficace, ça améliore la vie sociale, et ça permet au passage d'acquérir de nouvelles compétences… .

    Admettre qu'on ait encore des choses à apprendre, des progrès à faire, aussi, toute sa vie. Et finalement, ça rend la vie beaucoup plus intéressante, non ? Naître parfait, quel intérêt ?

    J'attends avec impatience ton compte-rendu sur le cours "The Science of Happiness" .

    N.B. Par contre, que personne ne prenne ça pour une incitation à ne même pas essayer de résoudre les problèmes !

  2. Sur ce thème, je te conseille le livre de Marshall Rosenberg "les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs" (je ne connais pas le titre en VO). L'auto-compassion ressemble fort à ce qui est conseillé en communication non violente. Pour moi, si tout le monde était capable de ça, le monde se porterait mieux ^^

  3. The Everyday French Girl

    Je dis (à moi-même et aux gens que j'aime et qui sont durs à leur propre égard) : "traite-toi comme tu traiterais ton enfant, ou la personne que tu aimes le plus au monde, confronté à la même situation". Sur moi, ça marche, j'ai tendance à être bien plus bienveillante et patiente. Et ma meilleure amie, qui exigeait beaucoup d'elle-même et ne se passait rien, a aussi évolué dans ce sens.
    En tout cas, j'admire la lucidité et la cohérence de ton raisonnement, clair et extrêmement logique.

  4. Comme toi, je pensais que c’était un énième concept pour vivre la belle vie. Puis Au fil d’Isa en a parlé et j’ai compris que c’était certainement tout sauf ça ^^
    D’ailleurs, sans verser dans l’auto-apitoiement, je trouve que le fait d’évaluer correctement une situation et de reconnaître qu’elle est difficile permet de mieux l’appréhender et de la résoudre.
    Bon, je reste persuadée que si un chouineur-né découvre l’auto-compassion, des catastrophes vont se produire ^^

  5. Je suis d'accord avec toute la démonstration. Et franchement, si je devais pointer la source de toute la douleur que je ressens et des freins que je subis, elle se trouve clairement dans l'intransigeance que j'ai envers moi et pas dans l'apitoiement. Alors comment et pourquoi encore s'obstiner à voir cette partie de moi uniquement comme une qualité? Dans ces cas-là, je préconise de se faire confiance : si l'intransigeance (ou peut importe comment tu l'appelles) t'es si naturelle et bien chevillée au corps, tu peux clairement aller voir du côté de l'auto-compassion sans risquer de te perdre (me dis-je à moi-même). Le "défaut" devient le meilleur garde-fou 🙂

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