Où je me ruine pour l’amour de mon coccyx

A l’époque où je touchais, chaque mois de juin, une somme coquette en droits d’auteur excédentaires sur l’exercice précédent, j’avais pris l’habitude de programmer de petits travaux d’amélioration de mon appartement pendant l’été. Ainsi, en 2012, j’ai fait changer mes fenêtres d’origine en bois passablement abîmé pour des fenêtres en PVC dont certaines à oscillo-battant. En 2013, j’ai remplacé mon vieux tableau électrique par un modèle plus moderne et plus sûr, puis fait poser une climatisation réversible – une décision dont je me félicite depuis, aussi bien pendant les grosses chaleurs de l’été que pendant les mois les plus froids de l’hiver. L’an dernier, mes droits d’auteur excédentaires avaient tellement piqué du nez que je me suis contentée de changer mes tapis et ma table de salon (l’ancienne avait presque 15 ans et je ne pouvais plus la voir en peinture). 
Cette année, mes droits d’auteur excédentaires sont devenus quasi inexistants, mais comme le grand voyage auquel j’aspire ne s’est toujours pas concrétisé, j’avais quand même un peu de sous en banque, et après longuement hésité, j’ai décidé de les consacrer à un aménagement dont je parle depuis l’achat de mon appartement en janvier 2003: remplacer l’escalier de ma mezzanine. L’escalier d’origine n’était guère plus qu’une échelle améliorée, avec des marches de 18 cm de large couvertes d’une moquette super glissante. Chaque fois que je me levais la nuit pour descendre aux toilettes, j’avais peur de tomber et de me péter le coccyx ou pire. Et il restait jusqu’au mur d’en face assez de marge pour tirer un escalier un peu plus long qui décrirait un virage d’un quart de tour dans la fin, ce qui permettait de gagner sur l’inclinaison et donc de faire des marches plus larges.

Ceci n’est pas un bouquet de tulipes rouges. 

En octobre dernier, j’ai confié le projet à mon ami Jean-Michel, menuisier émérite qui avait déjà fabriqué ma bibliothèque sur mesure à l’époque de mon emménagement, ainsi qu’un meuble à chaussures et une étagère de cuisine assortis au reste de mon mobilier Interiors. Je savais qu’il bossait super bien et à des tarifs corrects. Je lui ai exposé mon idée; il m’a confirmé que c’était tout à fait réalisable et que ça donnerait bien, et m’a présenté un devis qui correspondait à ce que j’avais en tête. J’ai dit banco. Les travaux initialement prévus au printemps ont été repoussés deux fois, la première parce que je manquais de liquidités, la seconde parce que Jean-Michel manquait de temps. Finalement, ils ont eu lieu lundi dernier.

Le samedi précédent, Jean-Michel était passé avec son fils et un collègue pour m’apporter le plus gros morceau de mon escalier déjà assemblé (montants en fraké, marches en hêtre). Ils avaient dû le hisser par mon balcon, en une manoeuvre dangereuse qui m’avait fait grimper la tension à 28. Le dimanche, le bois encore non traité a embaumé tout mon petit appartement tandis que je me familiarisais avec la bête. J’ai ôté tous les bibelots des meubles placés sous l’escalier actuel et dégagé le reste du salon afin de laisser un maximum de place pour manoeuvrer les pièces anciennes et nouvelles. Le lundi matin, Jean-Michel est arrivé un peu après neuf heures et a commencé la dépose de mon ancien escalier. La manoeuvre, plus rapide et beaucoup moins bruyante que je m’y attendais, m’a même permis de faire un peu de relecture dans le bureau voisin. Quand il est parti déjeuner, il n’y avait plus moyen d’accéder à ma mezzanine. J’ai posté un Instagram pris de face, et plusieurs personnes ont commenté: « J’ai d’abord cru que c’était une maison de poupée! ». C’est vrai que ça faisait tout bizarre. 
L’après-midi, Jean-Michel est revenu avec son collègue pour mettre en place le nouvel escalier, et ça a été une autre paire de manches. Pendant deux heures, je les ai entendus jurer, grogner, casser des plinthes et scier des trucs qui ne passaient pas. J’étais à deux doigts de m’évanouir de stress en imaginant mon salon dévasté. Mais finalement, c’est rentré. Après ça, le collègue est parti et Jean-Michel a encore passé plus de quatre heures à poser la rambarde de la mezzanine et la main-courante de l’escalier (ouvert côté pièce), puis à lazurer le tout en blanc et à remettre un peu d’ordre. Après son départ vers 20h30, j’ai dû faire la poussière, passer un sérieux coup d’aspirateur et tout remettre en place, avec quelques petites améliorations par rapport à la disposition précédente. J’ai notamment pu caser sous la partie supplémentaire de l’escalier un coffre qui jusqu’ici était coincé entre mon canapé et mon plan de travail américain. Les appareils électro-ménagers qui reposaient sur le coffre en question sont partis sur la petite commode qui contient des chopes et mes verres: la hauteur est bien plus pratique et ça m’évitera de contourner le plan de travail chaque fois que je veux faire bouillir de l’eau pour me préparer un thé.

Je maintiens que j’aurais préféré consacrer mon argent à un beau voyage, mais puisque ça n’était pas possible, investir dans un aménagement pratique et sécurisant me semble une solution de rechange nettement plus satisfaisante que le dépenser insidieusement en conneries au fil des mois. Je n’ai plus de visions d’horreur de mon corps fracassé sur le carrelage quand je me lève la nuit. Le nouvel escalier est bien plus beau que l’ancien, au bois lacéré de vieilles griffures de chat et à la moquette jaune à moitié effilochée. Je pense même qu’on pourrait y faire des photos sympas. D’un point de vue strictement esthétique, la main-courante était dispensable, mais d’un point de vue « gestion de mes angoisses idiotes », je préfère quand même l’avoir. Globalement, donc, un bilan positif pour ces travaux dont la réalisation me stressait pas mal d’avance.

La prochaine fois que j’aurai un peu de sous à consacrer à mon intérieur, je ferai refaire les peintures (la hauteur sous plafond dans ma pièce principale est telle que je ne peux pas envisager de m’en charger moi-même, et puis j’adorerais me débarrasser de l’horrible revêtement gouttelette et ça, c’est clairement un travail de pro) et j’en profiterai pour virer les petites loupiotes de la cuisine dont les caissons de coffrage se détachent du plafond et dont plusieurs ampoules ont un faux contact qui les maintient éteintes depuis des années. 

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5 réflexions sur “Où je me ruine pour l’amour de mon coccyx”

  1. Ravie pour ton coccyx !
    Ton appart tonpatelinois est vraiment différent du bruxellois, niveau déco (et surface aussi ? je ne me rends pas bien compte)
    Pour la main courante, ce n’était pas possible de l’avoir côté escalier (sur des barreaux) ? Je me doute que non ou que tu n’as pas voulu, mais je serais curieuse de savoir ^^

  2. Niveau déco, oui, très. Au moment où j'ai acheté cet appart, j'étais dans un trip country anglais, donc j'ai acheté presque tout mon mobilier chez Interiors et fait fabriquer le reste (la biblio notamment) en conséquence. Puis comme c'était chez moi, je me suis permis quelques fantaisies. A Bruxelles, nous sommes en location, et comme au départ ce n'était que pour 4-5 ans (même si ça s'éternise depuis 8 maintenant), nous avons acheté du Ikea tout ce qu'il y a de plus basique et pas mis de couleurs funky sur les murs. Et en effet, l'appart est plus petit, genre 45 m carrés contre 55 à Monpatelin – mais c'est aussi agencé très différemment, à Monpatelin il y a pas mal de surface perdue en couloir alors qu'à Bruxelles on n'a que de la surface utile. Pour la main courante, je n'étais pas rassurée d'avoir le vide sur le côté, mais mon menuisier m'a promis que ce serait chouette et dit qu'on pourrait toujours rajouter une rambarde si je n'étais pas convaincue. Donc là, je teste. C'est vrai que l'absence de rambarde fait paraître la pièce plus grande, mais comme je suis une grosse trouillarde…. On verra à l'usage!

  3. Très réussi esthétiquement mais j'aurais la pétoche de tomber dans le vide la nuit quand on est mal réveillée! Effectivement la main courante était assez indispensable si justement tu n'étais pas rassurée,au moins tu pourras t'y tenir dans la pénombre!

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