Psychologie de l’angoisse

Création: SeaChild
Vendredi, j’étais censée aller à mon cours de Pilates entre midi et deux, et traduire une vingtaine de pages du roman sur lequel je bosse en ce moment. J’ai péniblement atteint les 14, puis passé le reste de la journée roulée en boule sur mon lit à lutter contre l’angoisse qui me bouffe depuis plusieurs semaines. Je suis vraisemblablement en train de devenir presbyte, comme la plupart des gens de mon âge, si bien que je n’y vois plus de près avec mes lunettes actuelles. Jusque là, rien de grave: ça devrait pouvoir se régler avec une visite chez l’opticien et une dépense de quelques centaines d’euros presque pas remboursée par la Sécu. Mais c’est pénible. Et à côté de ça, mon oeil droit se comporte super bizarrement: ma paupière fait des crises de tremblements, je larmoie beaucoup et j’ai presque en permanence une myriade de petites taches d’éblouissement dans mon champ de vision. Mon cerveau rationnel me dit qu’il y 90% de chances que ce soit un truc parfaitement bénin, genre une trop grande exposition aux écrans d’ordinateur, un manque de magnésium ou un corps étranger qui finira par être expulsé naturellement; au pire, la plupart des problèmes oculaires autres qu’un défaut de focalisation peuvent désormais être corrigés chirurgicalement.

Tout ça, je le sais. Mais l’angoisse, comme les phobies, échappe à toute tentative de raisonnement. Et malgré les efforts immenses que je déploie depuis six ans pour maîtriser la mienne, je n’en suis toujours pas venue à bout. Je ne fais plus d’attaques de panique, et c’est déjà ça. Les exercices de cohérence cardiaque m’aident pas mal. Mais ce que je voudrais vraiment, c’est un remède miracle, et je sais qu’il n’existe pas. Tout ce que je peux espérer, c’est progresser lentement dans ma gestion des crises. Et je me demande si dans le fond, ce n’est pas une maladie de personne trop heureuse qui n’a plus grand-chose à gagner mais beaucoup à perdre, ou pire: une superstition inconsciente qui me pousse à m’inventer des problèmes parce qu’un bonheur sans tache serait de ces arrogances insupportables qui suscitent obligatoirement les foudres divines. L’esprit humain – ou juste le mien, en l’occurrence – est-il assez pervers pour préférer se saboter plutôt que de provoquer le sort? Je vois mon ophtalmo dans deux semaines; elle me rassurera probablement… jusqu’au prochain gargouillis de travers qui me poussera à imaginer ma vie presque parfaite se crashant en flammes. 

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11 réflexions sur “Psychologie de l’angoisse”

  1. Cécile de Brest

    J'ai bien un remède miracle à te proposer contre ces angoisses (c'est très sérieux ce que je dis) mais sans doute difficile à mettre en pratique pour toi car cela nécessiterait une visite (ou sans doute plusieurs) chez un type extraordinaire qui vit dans les Côtes d'Armor et qui ferait des merveilles sur toi, j'en suis sûre.

  2. Un truc qui m'aide beaucoup en ce moment pour l'angoisse, c'est un bête mélange d'huiles essentielles lavande vraie-camomille romaine (50-50). Je le respire, je m'en mets sur les poignets, j'en mets sur un mouchoir en papier à côté de mon oreiller le soir pour dormir…

  3. Je ressens la même chose que toi parfois, ça monte très fort..puis ça passe….

  4. "une superstition inconsciente qui me pousse à m'inventer des problèmes parce qu'un bonheur sans tache serait de ces arrogances insupportables qui suscitent obligatoirement les foudres divines"

    Oh comme ça me parle…
    Comme si le bonheur n'était pas pour moi, que quelqu'un là haut (je ne suis pourtant pas croyante) me voyait heureuse et se disait: "attends ma petite, attends de voir ce que je te réserve comme malheur"

    Et puis je me dis que je suis complètement dingue et je finis par m'apaiser…
    Jusqu'à la prochaine fois ^^

  5. Do You Speak French

    C'est fou comme ta phrase "parce qu'un bonheur sans tache serait de ces arrogances insupportables…." résonne en moi. J'ai le même souci, élevée par une mère et une grand mère dans les bonnes vieilles croyances judo chrétiennes genre "tu dois souffrir et en chier pour vivre", j'attend toujours le moment où le couperet imaginaire tombera. Et du coup, quand un problème se pose, je suis super efficace pour le gérer, je m'y attendais ^^ autant utiliser nos angoisses positivement 😉

  6. Sauf que dans mon cas, je ne sais vraiment pas d'où ça vient, parce que le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été élevée dans la religion… Peut-être que ça fait partie de notre culture à ce point.

  7. Peut-être bien… j'ai grandi dans une famille « même pas » française et j'ai parfois ce sursaut de pensée : « j'ai pas le droit d'être heureuse, c'est trop facile », sauf que j'ai la chance de pouvoir la chasser assez vite.
    Les livres sur la question (« Osez le bonheur ») abondent, peut-être est-ce le mal du siècle.

  8. On peut avoir été élevée dans une ambiance de culpabilité judéo-chrétienne, sans ancrage religieux fort. Mais le "une vie facile sans nuages, ne rêve pas, c'est pas comme ça que ça marche" je l'ai beaucoup entendu.

    Tout comme "Oh, mais tu te pourris la vie pour des broutilles, tu ne vas jamais t'en sortir" ou "Il faudrait quand même que tu apprennes à gérer tes émotions autrement, maintenant".

    Merci, merci, ça fait plaisir, à croire que les gens angoissés le sont par choix, hein !

  9. Je connais ça… Et je me roule en boule en attendant que ça passe… ça passe toujours… Bon courage 🙂

  10. Salut, je tombe sur ton blog par hasard et cet article me fait penser à moi, enfin à celle que j'étais il n'y a pas si longtemps que ça! Je me considère comme une "ancienne" angoissée, car on garde tjs en nous un "terrain" angoissé, mais aujourd'hui j'arrive à prendre du recul et à rationaliser quand je sens que l'angoisse pourrait revenir. Ce qui m'a aidé? la philosophie, les stoïciens notamment comme Sénèque, ainsi que ce que l'on nomme l'existentialisme, et notamment Sartre, qui a su décrire et expliquer l'angoisse, son mécanisme, bref ce qui me faisait peur et que personne ni moi-même n'arrivait à expliquer : la peur de la peur, et son cercle vicieux qui s'en suit.
    Me rendre compte qu'au IIe siècle av JC et même avant des personnes ressentaient cela et tentaient de l'expliquer et d'y apporter des "remèdes" rationnels, et que ces remèdes qui constituent la philosophie, s'appliquent tjs aujourd'hui et nous aide.
    Voilà je sais pas si ce que j'ai écrit est compréhensif, mais comme tu sembles aimer lire je te conseille vraiment la lecture de ces grands "sages" en espérant qu'ils t'apporteront l'apaisement que moi j'y ai trouvé! 😉

  11. ps : je te conseille aussi de lire "Petit traité de vie intérieure" de Frédéric Lenoir, dont un chapitre traite de l'angoisse : il aborde chaque thème existentiel (naissance, mort, travail, joie, peur…) en évoquant son propre parcours mais aussi en se basant sur les écrits de chaque religion et de chaque courant philosophique, sans pousser au parti pris. C'est grâce à lui que j'ai découvert la philosophie (parce qu'au lycée ça ne m'intéressait pas du tt, ma prof était nulle!) et ses bienfaits!

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