« Julie Delporte: Journal »

Pendant un peu plus d’un an, la Canadienne Julie Delporte a tenu aux crayons de couleur uniquement un journal dessiné dans lequel elle raconte sa rupture avec son compagnon, l’étrange période de flottement qui suivit, puis son départ en résidence d’artiste dans le Vermont. Bien qu’elle soit plutôt avare de mots et d’explications, une très grande sincérité se dégage de son oeuvre, et on perçoit très bien son désarroi entre les lignes, sa sensation d’être à la dérive. 
J’ai toujours considéré que les auteurs qui racontaient leur propre vie se livraient à un exercice d’une insupportable vanité, que seule la fiction (fût-elle inspirée de leurs expériences personnelles) avait une réelle valeur littéraire. Pourtant, ce type de « confessions intimes » est ce que je recherche en premier lieu dans les blogs que je lis, pour sa dimension humaine et l’empathie qu’il suscite. Et j’ai réalisé que c’était un peu étrange de mépriser en librairie ce que je trouve si intéressant sur internet, comme si l’autobiographie était un plaisir voyeuriste et coupable, le Voici qu’on feuillette honteusement debout dans le rayon. Alors qu’elle nécessite plus de courage que d’exhibitionnisme, la capacité de se montrer sans fard dans une vérité pas toujours reluisante, de s’exposer à des critiques et des jugements très personnels. Et qu’elle aide le lecteur à mettre de l’ordre dans ses sentiments ou son vécu, qu’elle lui permet de se sentir un peu moins seul face à ses difficultés. Ce n’est pas parce qu’une expérience est banale (quoi de plus commun qu’une rupture amoureuse?) qu’elle est forcément inintéressante. Au contraire, sa banalité même peut faire sa force, si elle est bien racontée.

J’ignore pourquoi c’est cette lecture-là et pas une autre qui m’a fait prendre conscience que parler de soi n’est pas un exercice facile et un pur acte nombriliste dénué d’intérêt. Peut-être parce que je suis en pleine période de remise en cause créative… Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé cette bande dessinée dont la tristesse se pare de tant de couleurs. 

6 réflexions sur “« Julie Delporte: Journal »”

  1. Une chose est sûre: je préfère de loin les blogs très personnels, qu'ils parlent de l'intimité de la personne ou de sujets peu abordés plutôt que le xième article sur tel produit de beauté ou tel vêtement. Et quelque part, je préférais quand tu parlais plus de toi, mais je comprends aussi les raisons pour lesquelles tu le fais moins.

  2. J'ai moins d'états d'âme qu'à beaucoup d'autres périodes. Je suis vraiment heureuse en ce moment, mais je pense que le répéter en boucle deviendrait vite exaspérant pour les gens qui me lisent! Cela dit, pour demain, j'ai programmé un billet perso ambiance "nostalgie" 🙂

  3. L'une de mes premières lectures quand j'ai renoué avec la BD (franco-belge), c'est Journal de Fabrice Neaud. Plus nombriliste, c'est dur ! Et pourtant, c'est passionnant et digne d'être écrit, digne d'être lu. Est-ce que Neaud a une vie plus extraordinaire que d'autre ? Pas forcément, mais la narration virtuose et les graphismes si atypiques m'ont poussée à tourner les pages.

    Le Journal de Julie Delporte pourrait me tenter plus si les dessins me plaisaient, mais sait-on jamais ^^ J'ai bien acheté des manga quasiment pour l'unique raison que les dessins étaient tellement moches que l'intérêt devait être ailleurs.

    Par contre, c'est pas demain que je lirai… oh allez, Christine Angot xD

  4. Je suis tombée sur ce livre il y a 2 jours dans une librairie et impossible de détacher mon regard des dessins… J'ai donc acheté et dévoré ma première BD. Comme tu le dis bien: "on perçoit très bien son désarroi entre les lignes, sa sensation d'être à la dérive".
    Ce livre m'a beaucoup touché, tout au long de ma lecture je me disais qu'il ne pouvait qu’être écrit et dessiné par quelqu'un qui avait vraiment vécu cette séparation. Je ne m'attendais pas à voir quelque chose d'aussi authentique (vu que c'est une BD = gros raccourci!) Du coup j'ai l'impression d’être passée à coté de beaucoup jolie chose en BD… des suggestions pour une novice?

  5. Clique sur le tag "bédé" à la fin de mon billet, tu tomberas sur toutes mes chroniques de bédés, dont pas mal de bédés de style "tranche de vie" (puisque c'est ce qui semble t'avoir plu ici).

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