Où Airbnb me donne une magistrale leçon de zen

C’était notre deuxième expérience de logement Airbnb à l’étranger. Si la première avait été mi-figue mi-raisin, celle-ci s’est révélée un succès total. Le studio que nous avions réservé se trouvait dans une rue très calme, où de jolis immeubles colorés s’alignaient face à un parc. Nous étions à moins de cinq minutes à pied du métro ou du tram. Nous avons pu préparer nous-mêmes tous nos petits déjeuners et tous nos repas du soir – montant total de nos courses en supermarché pour la semaine: 70€ environ, soit guère plus qu’un seul dîner au resto pour deux à Helsinki. Si on ajoute que le logement lui-même nous est revenu moitié moins cher qu’une chambre d’hôtel correctement placée (402€ pour 6 nuits), on obtient des vacances exceptionnellement bon marché pour un pays scandinave. Sans compter le fait que nous avons pu profiter de la machine à laver de notre hôte pour faire une lessive en milieu de séjour, et qu’il est toujours plus agréable de traîner dans un appartement « à soi » que dans une chambre d’hôtel où l’espace manque souvent, où le petit déjeuner n’est plus servi après une certaine heure et où il faut libérer les lieux avant midi pour que quelqu’un fasse le ménage. 

Mais curieusement, le principal bénéfice de cette location n’aura pas été de nature matérielle. En arrivant dans « notre » studio, nous avons été immédiatement séduits par son plancher en bois clair, par la belle lumière que fournissaient les trois fenêtres disposées à angle droit, avec des arbres pour seuls vis-à-vis, par son côté dépouillé et néanmoins chaleureux. Notre logeur ne semblait posséder que peu d’effets personnels. Un jeu de boules de pétanques posé sur le meuble de l’entrée. Un couple de chiens en peluche qui trônait sur le lit à notre arrivée. Une mini-collection de siphons sur le vieux buffet de style années 60. Un panier contenant une demi-douzaine de paires de grosses chaussettes en laine. Une caisse de transport pour chat en osier. Quelques photos sur le bord d’une fenêtre; de vieilles cartes postales sur la porte du frigo.  Deux tableaux DIY un peu étranges. Et puis des piles de livres alignées contre un mur: biographies de Staline, de Stephen Hawking et du Che, classiques de la littérature anglo-saxonne en VO ou en finnois,  « 23 things you need to know about capitalism ». Pour le reste, très peu de meubles, et surtout de la récup’ comme ce fauteuil rouge à l’assise dure mais étonnamment confortable. Côté électro-ménager, des plaques électriques, un frigo sans congélateur, un lave-vaisselle cassé qui servait de placard annexe, mais ni micro-ondes, ni bouilloire ni aucun autre « gadget ».

Ainsi, nous disposions de tout ce dont nous avions vraiment besoin: un lit, une petite table de cuisine et deux chaises, le strict nécessaire pour nous laver et nous faire à manger, de quoi lire si l’envie nous en prenait, et une connexion wifi. Mais rien de plus. Et j’ai trouvé cette absence d’objets superflus merveilleusement reposante. Tous nos choix se trouvaient réduits au minimum. Le soir, je ne me demandais pas ce que j’allais faire à manger ni ce que je boirais après le repas: nous avions acheté juste de quoi cuisiner un plat unique, pile dans la bonne quantité pour deux personnes, et je n’avais apporté qu’un seul type de tisane. Pour les distractions: iPad, lecture, préparation du programme du lendemain à l’aide des deux guides de voyage que nous avions emportés. Le niveau zéro de la prise de tête. 

C’est là que, pour la première fois, j’ai pris réellement conscience de ce que l’abondance pouvait avoir de paralysant. Trop de choix tue le choix. Depuis des années, je lis des bouquins et des blogs sur le thème « Vivre simplement », et j’admire les gens qui ont su réduire dramatiquement le nombre de leurs possessions, mais en me disant que pour ma part, je n’y arriverai jamais. Pendant cette semaine à Helsinki, je me suis mise dans la peau de l’un de ces gens, et j’ai aimé l’expérience à la folie – au point que je n’avais aucune envie de rentrer chez moi pour retrouver toutes les choses qui m’encombrent l’espace et le mental. Bien plus que l’architecture ou les musées de la capitale finlandaise, voilà ce que je retiendrai de ce séjour. 
Depuis mon retour, j’ai reçu plein de réductions canon pour des sites de chaussures où j’ai dépensé des fortunes par le passé. Je suis allée y faire un tour sans conviction, et ça ne m’a pas excitée le moins du monde. Non seulement j’ai effacé les mails promotionnels sans regret, mais j’ai mis en vente sur eBay plusieurs paires parmi mes plus ruineuses et mes plus vertigineuses, jamais portées et qui encombrent mes placards depuis une éternité. Chouchou a proposé qu’on s’achète un écran plat avec ses éco-chèques (nous n’avons plus de télé depuis longtemps); je lui ai répondu que pour regarder un épisode de série télé chaque soir, l’écran de son iMac suffisait bien: à quoi bon nous embarrasser d’un appareil supplémentaire? Pour la première fois de ma vie, quand je regarde autour de moi, je ne me demande pas ce que je pourrais ajouter/acheter pour rendre mon intérieur plus joli, mais ce dont je pourrais me débarrasser pour le rendre plus zen. 
Pourvu que ça dure. 

13 réflexions sur “Où Airbnb me donne une magistrale leçon de zen”

  1. Je te rejoins en partie sur l'effet "Airbnb". Quand j'y ai goûté, je me suis demandée si mon appartement pourrait être un appartement airbnb et ça m'a fait prendre conscience de son encombrement pour un éventuel inconnu qui viendrait y passer un séjour seul. Du coup, dans mes phases de tri, j'ai un peu cette image de l'appartement airbnb à l'horizon.

  2. J'ai un de ces appartements peu remplis, je dis souvent que je suis "minimaliste" car je n'aime avoir que le nécessaire (et quelques tableaux aux murs + des cadeaux qui me tiennent à cœur, ils décorent les meubles !)
    Les gens aiment beaucoup mon appartement, soit c'est "aaah, je me croirais en vacances" soit "on se sent bien chez toi, c'est reposant, cosy"

    Je viens de comprendre le pourquoi, je crois… !
    D'ailleurs je pense que je devrais le mettre en airbnb

  3. Je ne pense pas qu'il faille nécessairement avoir un appartement dépouillé pour le mettre sur airbnb. Le premier que nous avions loué, à Brighton, était très surchargé au contraire, et ça avait aussi son charme. Si l'expérience n'a été qu'à moitié concluante, ce n'était pas du tout à cause de ça mais par manque d'organisation de la propriétaire, qui débutait sur le site. Un lieu dépouillé permet sans doute aux invités de se "l'approprier" davantage, mais ce n'est pas forcément ce que recherchent tous les voyageurs, certains peuvent au contraire rechercher un logement avec du caractère…

  4. Je me fais souvent la même réflexion que toi: on s'encombre l'esprit et le salon, à quoi bon? Par contre, les apparts trop minimalistes, cela ne m'attire pas non plus. On dirait que ces gens n'ont aucune passion… Je cherche aussi un juste équilibre, entre mes collections de mags /livres, CDs, paperasses et l'envie d'un petit coin super zen!

    Super de partager ton expérience de AirBnB, je rêverais d'essayer un jour!! Le concept est juste génial.

  5. Une des choses que j'aime le plus avec ton blog, c'est que tu test sans cesse les choses où nous n'osons pas nous aventurer. AirBnb est encore un parfait exemple, depuis le temps que j'en parle à monsieur Chou Fleur pour nos citytrip, mais nous sommes peureux tous les deux. Tes articles nous donnes souvent le coup de pouce necessaire 😉 Merci

  6. Ton article m'a donné envie de faire un gros tri chez moi (et aussi de partir en vacances) : merci ! On s'encombre en effet bien trop de choses inutiles…

  7. Quel superbe billet! Comme quoi, les souvenirs de vacances ne sont pas forcément les produits du terroir. Bravo à toi!

  8. Bon cela dit, j'ai quand même rapporté des mugs Marimekko et des chaussettes en laine fabuleusement chaudes 🙂

  9. Mademoiselle Catherine

    De quoi réfléchir sur la nécessité des biens matériels : le reportage photo "all I own" de Sannah Kvist et l'expérience de désencombrement total de la graphiste Megan Deal.

  10. C'est le reportage où des familles du monde entier posent devant leur maison avec tous leurs biens? Si oui, je l'ai vu (bien que j'aie oublié le nom de l'auteur). Un Américain dont je ne me rappelle pas non plus le nom a aussi fait un projet appelé "100 things", où il ne conserve que 100 objets personnels. J'avais tenté il y a déjà un moment de faire une liste de ce que que je garderais si je l'imitais, on arrive très très vite à 100 rien qu'avec un peu de vêtements, de vaisselle et d'objets d'hygiène perso…

  11. Mademoiselle Catherine

    Ce n'est pas ce reportage-là, mais c'est dans le même esprit. Et dans le genre "leçon de zen", c'est franchement renversant !

  12. Ah, alors je vais chercher ça; ce genre de document m'intéresse toujours. Merci pour la référence!

  13. Je viens de voir. En effet, pour des Occidentaux, les modèles ont peu de choses (et ne connaissent pas d'autre couchage que le sommier à lattes apparemment ^^). Mais ils sont jeunes, et ils ont tous un peu le même profil, non? Je veux dire, à leur âge, j'avais très peu de choses aussi; les possessions ont tendance à se multiplier exponentiellement au fil des ans avant d'atteindre une sorte de stade de saturation (et encore, pas chez tout le monde).

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