Illustration empruntée ici
Le nuage noir est de retour dans ma tête. Depuis début mars, je me sens fatiguée. Rien d’horrible, mais en journée, j’ai constamment envie d’aller m’allonger pour faire la sieste, alors que ce genre de chose ne m’arrivait jamais jusqu’ici. J’ai aussi un petit mal de gorge qui ne passe pas. A ma place, la plupart des gens se réjouiraient de mieux dormir la nuit après des années de lutte contre l’insomnie; ils se diraient que l’hiver a été long, qu’ils ne sont absolument pas remis du décès de leur père même s’ils font semblant, qu’ils ne rajeunissent pas, qu’ils manquent d’activité physique, que cesser quasiment de consommer des protéines animales a peut-être provoqué des carences chez eux. Moi, je suis terrifiée à l’idée d’avoir un cancer de la lymphe (merci la saison 4 de « Brothers and sisters » où Callista Flickhart s’en découvre un). J’irai voir mon généraliste à la fin du mois pour faire une prise de sang; en attendant, je prends des suppléments de magnésium et de fer. Et hier, comme je n’arrivais pas à bosser et que le soleil était enfin revenu à Bruxelles, je me suis forcée à sortir pour prendre l’air.
Je n’avais pas fait de shopping depuis des lustres; j’ai décidé que quelques menues emplettes me changeraient les idées. De toute façon, j’avais besoin de matériel pour mes projets en cours et mes prochains DIY: deux pelotes de laine noire et un feutre Staedler 0.3 chez Be Creative, un T-shirt uni dans une couleur neutre, un mini-plateau en bois brut, un petit cadre « vitrine » chez Hema. Et puis un pack de chaussettes H&M pour Chouchou qui a des orteils troueurs, une mignonne robe d’été New Look qu’on aurait dite coupée pour moi (en dentelle rouge avec une ligne rétro), un bouquin bonne humeur et une carte renards pour ma collec’ chez Waterstones, le tome 3 du manga « Gisèle Alain » chez Brüsel. Ca m’a paru beaucoup de choses sur le coup; puis je me suis souvenue des virées shopping que je faisais il y a quelques années, j’ai additionné mes dépenses du jour et je me suis dit que même si j’étais encore loin de pouvoir me qualifier de minimaliste, j’avais quand même fait bien des progrès! Pour fêter ça, je suis allée manger un yaourt bio/salade de fruits frais au premier étage de l’Exki du boulevard Anspach, à ma table préférée près de la fenêtre, et j’ai glandé là un moment en lisant. C’était bien.
Mais quand je suis rentrée à la maison, le nuage noir était toujours là. Les délicieuses pâtes d’épeautre au broccoli et au citron, le passionnant épisode 7 de la première saison de Borgen, et même les bisous de Chouchou se sont eux aussi avérés impuissants à le chasser. Pour finir, je me suis résolue à prendre un anxiolytique avant d’aller au lit – et ça non plus, ça ne m’a fait aucun effet. Ma nuit a une fois de plus été placée sous le signe de cette angoisse diffuse qui imprègne chaque minute de ma vie. Je me demande si elle finira par se dissiper, ou si je suis condamnée à la subir jusqu’à la fin de mes jours.
Que dire à part te souhaiter un bon courage et pleins de bisous ? Il passera ce nuage, c'est dans la nature des nuages d'être de passage.
Peut-être que ça n'aura aucun impact, mais je viens rajouter ma pierre, par affection (et conviction): ce n'est certainement rien de grave, c'est juste de la fatigue 🙂
Courage face à ta dernière question (que je connais sous d'autres formes).
Je me dis que le moment critique, lourd et insupportable, c'est le moment où on se la pose, cette question au bord du découragement "est-ce que ça se dissipera un jour?", ce qui veut dire que tous les autres moments, ça va (en fait) (même si il y a des jours où la lutte est plus dure), ce sont des moments légers, en comparaison… et ils sont beaucoup plus nombreux 🙂
Bref, ce que je veux dire, c'est de ne pas revoir sa vie à l'aune de ce découragement, qui n'existe que dans un moment M, même si il est lié à une angoisse qui existe à plein d'autres moments. La limite est floue et la confusion est facile (surtout quand on est pas au top de sa forme) et ce vilain vampire qu'est le découragement s'en sert pour grandir et peser plus lourd sur nos épaules 🙂
Je dis ça parce que, dans mon cas, dans ces moments, le découragement se nourrit de tous les moments qui le précèdent, suivant l'idée de "je suis toujours angoissée, toute ma vie est comme ça, à quoi bon, que vais-je faire?".
Bises
J'aimerai pouvoir souffler très fort sur ce nuage. <3
J'aimerais avoir les talents pour écrire un long commentaire constructif… mais je ne les ai pas. Bisous en tous cas.
Un truc qui marche sur moi (pas tout le temps…) c'est: que dirais-je à ma meilleure amie si elle était à ma place?
Ça m'aide beaucoup à rationaliser des choses qui ont la faculté de s'emballer toutes seules et rendre la vie lourde.
bises
Oui, c'est une tactique que je pratique aussi, mais qui ne suffit pas malheureusement!
Il y a des jours ou je me dis que les gens vraiment sereins tout le temps, c'est une blague, en fait.
J'ai l'impression d'être sur des montagnes russes émotionnelles cet hiver, et franchement c'est épuisant à la fin. J'en viens à me dire que les grands sentiments et les grands transports émotionnels, c'est fabuleux en livre, mais pas dans la vie ;p
Et je pense que ce n'est pas grave : l'hiver a été très long, tout le monde puise dans ses réserves, et ton corps s'adapte aussi à ton changement alimentaire, même si c'est pour son bien 😉 !
Ah tiens le coup de "la meilleure amie",c'est pas mal,je vais essayer.
Le point de vue d'une lectrice régulière, c'est que c'est le printemps, la saison la plus difficile, que tu travailles beaucoup, que tu voyages pas mal (et ça fatigue !), que tu as changé de régime alimentaire et que tu ne te reposes pas tant que cela…
Je le souligne parce que je me rappelle ma surprise quand ma généraliste m'a dit "il va falloir faire quelque chose pour tout ce stress", alors que j'avais l'impression de décrire la banalité de ma vie quotidienne. J'en ai déduit qu'on est souvent les plus mal placés pour évaluer le rythme de notre activité et nos engagements.
C'est par ton blog que je suis arrivée à l'idée que l'état de santé, c'était des suivis réguliers et non le ciel sans nuage et sans angoisse qui ne concerne personne que je connais. La condition humaine, non ?
As-tu envisagé de prendre le problème à l'envers : la sieste, le repos, c'est agréable. Pourquoi ne pas se l'accorder ?
Je t'envoie plein de pensées compatissantes.
J'ai fait la connaissance du nuage en question il y a 2 ans et il revient souvent me rendre visite, mais finalement c'est quand je l'accepte qu'il repart le plus vite… Quand je lutte, lui aussi et la bataille est plus longue et fatigante.
Je reste fan de Desproges et je dis "Vivons heureux en attendant la mort". Je ne suis pas vraiment angoissée à mon sujet par contre, je panique pour mon fils (comme une folle, tu vois le coup de la dingue qui se lève 600 fois pour vérifier qu'il respire)mais dans mes moments de lucidités, je sais que je ne peux le proteger que dans une certaine limite et je collectionne les petits moments de bonheur.ça aide.
Ah mais c'est ce que j'essaie de faire aussi. Seulement, cette impression qu'une bombe à retardement a déjà déclenché à l'intérieur sans que je m'en aperçoive (je veux dire, une bombe réglée sur un laps de temps beaucoup plus court que celui de mon espérance de vie théorique), elle est là tout le temps. Ca me fatigue.
Je connais l'état dont tu parles, il m'accable souvent. Il y a le sentiment que le pire est à venir, paralysant, un sentiment de délitement (comment ça s'écrit?) épuisant. Et puis cette absence d'énergie, cette envie de dormir, tout le temps, cette incapacité à se sentir reposée, pourtant. Pour ma part, une perte de sens totale. Je suis d'accord, les petits bonheurs sont trop fugitifs pour conjurer cela. J'ai 42 ans, un boulot qui n'a plus de sens à mes yeux mais dont je suis consciente qu'il est enviable, un homme que j'aime (et qui m'aime je crois), mais rien ne vient estomper ce mal-être. Je comprendrais que tu ne mettes pas mon commentaire en ligne, franchement je ne vois pas à quoi il sert, il ne t'aide en rien et j'en suis désolée. Comme tu le dis, même la personne que l'on aime reste impuissante face à notre état, alors qui suis-je pour prétendre te soulager? Il faudrait arriver à fuir hors de soi, peut-être, mais même se détourner de soi est difficile. J'admire et j'envie les gens qui ont la capacité à être heureux. Bien à toi.
Cette sensation là, elle a été déposée en moi lors du décès de ma maman. Je l'ai cachée fort longtemps et puis… j'ai eu des enfants et c'est là que je me suis rendue compte de l'abandon et du vide que son départ avait occasionné. Je me suis prise ça en plein visage et j'ai commencé à flipper. Pour ma santé, de ne pas voir grandir mes enfants, de les abandonner, d'être un poids et c'est là aussi que je me suis rendue compte que ça me casserait bien les pieds (pour être polie) de ne pas continuer à voir évoluer les gens que j'aime. Je n'ai en soit pas peur de partir, mais j'ai peur du comment et puis j'ai pas envie d'abord !
Mais si j'ai tellement peur, c'est parce que j'ai une vie que j'aime. J'ai peur de l'avouer, j'ai peur de dire "je suis heureuse" parce que j'ai peur d'un retour de bâton, j'ai peur qu'une tumeur ne me pousse et me terrasse alors que je suis bien.
Je sais bien que tu ne vis pas la même chose que moi, mais je pense que toutes les deux, nous pouvons nous raccrocher à ce que nous avons. Un toit, un entourage qu'on aime, un amoureux, pleins de petites et grandes choses accomplies dont nous pouvons être fière, des voyages, etc… Si on voulait être très positif, on pourrait bêtement se dire, ces angoisses là, elles sont juste là parce qu'on est heureux… Comme ils le disent souvent dans les histoires fantastique : "la magie a un prix"…
Oups, j'ai été un peu longue… <3
Tasha: on peut bien discuter juste pour discuter, non? Si je ne publiais que les commentaires porteurs de solutions miracles, ce blog serait bien vide 🙂
Ms Brown: oh, je pense que ce qu'on ressent toutes les deux n'est pas si éloigné que ça malgré ma nulliparité 😉
Le truc qu'on pourrait trouver bizarre et que je ne m'explique pas moi-même, c'est que cette angoisse plus ou moins forte selon les moments ne m'empêche pas d'être heureuse. J'ai conscience de tout ce que j'ai de positif, j'en suis très reconnaissante, je profite vraiment des petits (et des grands) bonheurs de la vie et j'espère que ça transparaît dans ce que j'écris. Je pense que, comme toi Ms Brown, mon angoisse naît partiellement du sentiment d'être trop chanceuse, et de la crainte de devoir le payer un jour. Au niveau intellectuel, ça me semble idiot, mais au niveau émotionnel, il y a de ça, c'est certain. Et puis aussi sans doute, de façon plus perverse, un besoin de me faire peur pour apprécier encore davantage ma vie par contraste. Je rumine un billet là-dessus depuis des mois, mais j'ai peur de ne pas arriver à m'exprimer assez bien pour être comprise.
Je ne sais pas trop quoi te conseiller, car ce sont des angoisses qui me sont inconnues(mon côté fataliste).Je rejoins les autres commentaires sur la fatigue qui doit vraiment jouer et le "contrecoup" du deuil de ton papa, plus je pense le fait d'être souvent seule en journée qui incite peut-être à ressasser certaines idées noires et alarmistes. Je t'assure en tout cas par écran interposé de toute ma sympathie et te souhaite de dissiper ce nuage.
"C'est un nuage noir
Qui obscurcit les roses
Et qui fait peur…"
Extrait d'une fort jolie chanson de Félix Leclerc. Et le nuage noir, tu parles que je connais !
Mais il y a aussi ça, également de Félix Leclerc :
"Ailleurs, cher amour, on m'attend.
Il faut que tu y sois aussi
Sinon je ne sors pas d'ici
Cent fois mourir homme dans tes bras
Que vivre dieu là-bas sans toi.
Te l'ai dit en janvier
Te le dirai en août."
Tendresses
JC