La première soirée d’été

Après un interminable hiver, Bruxelles est passée à l’été sans transition. Du jour au lendemain, le soleil s’est installé dans un ciel où le gris prédominait depuis neuf mois, et nous avons enfin pu remiser manteaux et bottes pour sortir manches courtes et sandales. Trop longtemps sevrée de lumière, je me suis promis de sortir chaque jour où il ferait beau jusqu’à l’automne. Hier, après avoir bouclé mon travail de la journée, j’ai donc pris à pied le chemin de Filigranes. 
J’avais pensé à mettre de la crème Nok pour éviter les ampoules que je me fais toujours la première fois que je remets mes chaussures d’été – en l’occurrence, des soques Miss L Fire que j’adore mais qui commencent à être très abîmées et qui vivent sans doute là leur dernière saison. J’étrennais la petite robe en dentelle rouge dénichée deux jours plus tôt; mes mollets couleur lavabo mais rasés de frais n’en revenaient pas de se retrouver ainsi à l’air libre. J’ai dépassé les manifs pour la Turquie sans leur prêter trop attention, toute concentrée que j’étais pour ne pas me tordre les chevilles sur les pavés de la place du Lux’. Je commençais déjà à transpirer dans mon blouson en jean pourtant léger, et je regrettais d’avoir laissé mes lunettes de soleil à Monpatelin, mais jamais il ne me serait venu à l’idée de me plaindre. 
Chez Filigranes, j’ai feuilleté la presse anglaise devant un jus d’orange, et fait l’emplette du tome 2 du  « Cercle » et du dernier volume des « Petits riens » de Lewis Trondheim. Puis je suis revenue vers la Porte de Namur. En passant devant chez Claire’s, j’ai aperçu  une capeline noire ornée d’un foulard blanc à pois noirs dont la place était très manifestement sur ma tête plutôt que dans cette vitrine. « Vous pouvez m’enlever l’étiquette? » ai-je demandé à la vendeuse. « Je vais la mettre tout de suite. » Je me sentais très chic en me dirigeant vers la rue de la Paix pour y faire mon tour habituel chez Look 50’s et Kusje – juste pour le plaisir des yeux cette fois. 
Il restait encore une demi-heure avant l’heure de mon rendez-vous avec Chouchou, mais tant pis! Je suis allée m’asseoir à l’Amour Fou, la deuxième petite table à partir de la baie vitrée grande ouverte; j’ai commandé un Frozen Strawberry Daiquiri et je me suis mise à lire. On m’a apporté une margarita; j’ai fait remarquer que ça n’avait ni la couleur ni le goût de la fraise et le temps qu’on me la change, Chouchou arrivait déjà. Même si les steaks de l’Amour Fou sont excellents, ils sont systématiquement assortis de fromage et de bacon qui rendent l’ensemble assez indigeste bien que délicieux. Par pitié pour nos estomacs, nous avons donc commandé des burgers végétariens: Portobello pour moi (champignon,  chèvre, betterave), Napoli pour Chouchou (aubergines grillées, mozzarella). 
J’ai mangé en levant régulièrement la tête vers les arbres de la place Fernand Cocq et en poussant des soupirs de bonheur. Notre repas terminé, nous avons repris tranquillement le chemin de la maison. Il y avait un gros raout sur l’esplanade du Luxembourg; des musiciens jouaient dans une tente blanche derrière un étrange panneau « Quartier à remettre ». Et pour une fois, pas un nuage noir n’obscurcissait l’horizon. 

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4 réflexions sur “La première soirée d’été”

  1. Merci pour les adresses.
    Je passe mes soirees dans le jardin, a profiter comme tu dis du soleil enfin venu en Belgique!!!

  2. Merci pour cette bouffée d'oxygène ! J'ai eu droit à une avalanche de mauvaises nouvelles mercredi et j'ai trouvé le moyen de choper la crève. Du coup, ce n'est pas encore vraiment l'été par ici, et surtout pas dans ma tête. Mais je crois bien que je vais demander à mon père de nous garder les enfants pour qu'Oliv et moi on puisse se faire une soirée en amoureux dès que j'irai mieux, parce que ça me paraît être un bon remède à la morosité. Merci pour l'inspiration !

  3. J'ai mis une robe bleue électrique et j'ai affronté les pavés du quartier sur des sandales d'été. Il faisait merveilleusement beau et chaud, et les fraises sentaient bon chez le primeur.

    Mais le libraire n'avait aucun des livres souhaités et j'ai des ampoules. Je pense à une vengeance personnelle de l'hiver.

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