Looking for the whales

Autant je supporte assez vaillamment les manèges qui secouent et les trous d’air en avion, autant je suis facilement malade en voiture ou en bus. Quant au bateau, c’est une catastrophe: je suis capable d’attraper le mal de mer rien qu’en regardant des barques de pêche qui oscillent à l’ancrage. 
Aussi, lorsqu’au terme d’une première journée bien remplie à Reykjavik, j’ai lancé joyeusement à Chouchou: « Allez viens, on va faire la croisière d’observation des baleines à 18h », il m’a dévisagé d’un air quelque peu interloqué. Mais je savais qu’il en rêvait depuis des années, et j’avais tellement envie de lui faire plaisir! En plus, le prospectus disait que ça durait deux heures, dont seulement 20 mn pour se rendre sur site et pareil au retour. Je me suis dit que j’arriverais bien à gérer deux fois 20 mn en mer, quand même. Je n’aurais qu’à rester sur le pont, fixer l’horizon et me concentrer sur ma respiration comme au yoga. 
Puis, une fois délestée de 50€, je suis montée à bord du bateau. Et quand il a démarré, j’ai compris pourquoi les croisières de cette société ne duraient que 2h contre 4 ou 5 pour tous ses concurrents. C’était un petit machin ultra-rapide, qui s’est mis à sauter allègrement de vague en vague. Ah oui, parce que malgré un vent modéré à terre, la mer était assez forte ce jour-là… Pas question, donc, de se tenir sur le pont sous peine de finir immédiatement douchée (et par 10° au soleil, je préférais éviter la pneumonie). 
J’ai tenu 20 mn dans la grande cabine en regardant avec une inquiétude grandissante l’eau qui s’écrasait sur les vitres et les recouvrait complètement. J’ai tenu 30 mn, de plus en plus blême. J’ai tenu 40, puis 50 mn avant de demander à Chouchou: « Euh, ça fait longtemps qu’on est partis, là; on devrait pas déjà être sur site? ». Peu après, le capitaine a annoncé que les baleines se montraient timides aujourd’hui et qu’il était donc forcé d’aller plus loin que prévu pour en trouver. Bien bien bien.
Mon supplice a continué. Au bout d’une grosse heure, j’ai dit à Chouchou sur un ton pressant: « Trouve-moi un sac, vite! ». Bon réflexe: il a vidé le sac en plastique contenant divers souvenirs touristiques qui dépassait de mon cabas Nat&Nin. J’ai rendu quelque chose comme un demi-litre de bile, puis je me suis sentie légèrement mieux. 
A ce moment-là, le capitaine s’est arrêté et nous a dit de monter sur le pont. 
Dehors, ça caillait sévère. J’ai remonté le col et la fermeture éclair de mon blouson en cuir et je me suis accrochée au bastingage en me concentrant pour ne pas vomir sur la tête d’éventuelles baleines. 
« One o’clock, one o’clock! » a crié le capitaine. Tout le monde s’est précipité; les appareils photo ont déclenché en rafale tandis qu’une pauvre nageoire de dauphin gris foncé fendait la surface à quelques mètres du bateau. L’alerte s’est répétée trois fois en l’espace de 5 mn avant que le bateau redémarre et qu’on se replie à l’intérieur. Le capitaine, voyant tourner l’heure, avait dû laisser tomber. J’étais hyper déçue pour Chouchou, et vraiment dégoûtée d’avoir fait tout ça pour rien. Dans les cas où les baleines ne se montrent pas, cette compagnie offre une seconde croisière aux clients malchanceux, mais il était hors de question que je remette ça un autre jour!
Puis, alors qu’on se rasseyait, la voix tout excitée du capitaine s’est de nouveau fait entendre: « Vous voyez, on a bien fait d’insister! Trois baleines laiteuses, nous avons vu trois baleines laiteuses à moins de dix mètres! Vous avez vraiment eu de la chance! ». J’ai repensé au prospectus, sur lequel une fille posait accoudée au bastingage devant une baleine bleue en train de faire un saut carpé dans les airs, et je me suis sentie comme qui dirait légèrement volée. 
…Mais pas autant que de nouveau nauséeuse. J’ai défait le noeud de mon sac plastique (gardé à portée de main dans un élan de prévoyance), et je me suis poliment remise à vomir sans embêter personne. Cette fois-ci, tout mon excellent déjeuner au Végamòt y est passé. Moi qui ne prends plus de cuite depuis belle lurette et qui suis très rarement malade, j’avais oublié à quel point c’est désagréable de rendre tout ce qu’on a dans l’estomac. Mais c’est bon, j’ai bien retenu la leçon: je ne remettrai plus les pieds sur un bateau avant au moins dix ans. 
Sur le chemin du retour, nous avons fait une brève halte face à Akurey, l’île-sanctuaire des macareux. Je n’ai même pas eu la force de remonter sur le pont pour voir ça. Au total, sur 2h en mer agitée, nous ne nous serons arrêtés que 5 mn. La prochaine fois que je voudrai faire plaisir à Chouchou, une pipe un gâteau au chocolat suffira. 

13 réflexions sur “Looking for the whales”

  1. Tu as toute mon admiration.
    Le bateau relativement stable (Celui qui faisait le lien entre le camping et Venise, par exemple), c'était déjà une épreuve. Le bateau qui bouge, je pense que je deviens exsangue et que je passe toute le temps accrochée fermement à mon siège/toute autre chose que je peux cramponner, à me répéter "Mais non mais non, des gens font ça tous les jours, tu n'es pas entourée d'eau très profonde, tout va bien" ^^°

    Mélusine qui ne te racontera même pas ce que ça a donné le jour où, sortie en famille élargie oblige, elle a dû monter dans une barque à fond plat dans le marais poitevin.

  2. Miss Sunalee

    As-tu déjà essayé des médicaments préventifs comme le Touristil ? C'est assez efficace !

  3. De fait. Mais l'excursion a été improvisée à la dernière minute et je n'ai pu prendre aucune précaution…

  4. Cet été, je vais en Irlande à bord d'un bon gros ferry qui tangue à peine même par gros temps, tu te joins à nous ? ^^

    Ceci dit, j'admire ton dévouement et je reconnais que c'est bien dommage que tu aies fait tout cela pour rien. 🙁

  5. Cécile de Brest

    Je te comprends, je suis malade même sur un bateau à quai. Ce qui la fout assez mal vu la profession de mon mari ;-))

  6. Miss Sunalee

    j'ai toujours quelques comprimés avec moi en voyage parce que je sais que si tout d'un coup je me sens nauséeuse à cause des transports divers, ça me soulagera de suite. Enfin, tu le sauras pour la prochaine fois… dans dix ans !

  7. Cécile: en effet 🙂

    Miss Sunalee: c'est une très bonne idée… le médicament que j'utilise en France contre le mal des transports n'est efficace que si on le prend une demi-heure avant le départ, mais si le tien marche même sur le coup, je vais vite l'adopter!

  8. Miss Sunalee

    J'en ai fait l'expérience une fois il y a longtemps, et ça a fonctionné. Mais c'est mieux de le prendre à l'avance si tu sais que tu vas en bateau. Touristil donc.

  9. Oh pour le bateau, à moins d'un enlèvement par des ravisseurs sadiques, y'a peu de risques. Les trajets en voiture et en bus sont plus difficiles à éviter, par contre.

  10. La princesse

    Miss Sunalee : et ça n'endort pas ?

    Celui que j'avais pris pour les nausées en avion quand je suis rentrée du Cap m'avait assomée et j'ai dormi tout le vol…(enfin, tu me diras, j'ai pas été malade comme ça)

  11. Il ne faut pas rester à l'intérieur dans les cabines, il faut aller sur le pont à l'air pour ne pas avoir le mal de mer :

  12. Polly Perkins

    j'ai failli mourir lors d'une "croisière" similaire en californie, malgré le médicament de cheval que j'avais pris avant d'embarquer (qui m'a fait dormir les 3 heures suivant notre retour sur terre), mais en revanche j'ai vu une dizaine de baleines et une centaine de dauphins de toutes sortes et aussi un bébé orque… ;.)

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