
Ca faisait des années que Séoul et Taipei étaient sur ma bucket list de voyage, et que pour des raisons financières ou professionnelles, ça n’était jamais le moment de partir aussi loin et aussi longtemps. Au printemps, j’ai fini par craquer. Je me disais: si ça se trouve, ça ne sera jamais le moment. Et à l’allure où tout se dégrade dans le monde, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras (je me comprends). Donc, j’ai décidé qu’on partirait en octobre, pour notre anniversaire. Et tant pis si on passait 2026 sous un pont après ça parce que l’IA m’avait volé mon boulot.
Problème: octobre, c’est une bonne période de l’année pour la Corée du Sud, mais pas tellement pour Taïwan où la saison des moussons n’est pas terminée. Du coup, j’ai hésité entre rester deux semaines en Corée du Sud, en ajoutant Busan et l’île de Jeju à notre programme, ou passer une semaine dans un autre pays d’Asie. Pas le Vietnam qui m’attire énormément mais qui mériterait un voyage à lui tout seul. Peut-être Singapour où j’avais très envie de retourner depuis notre premier séjour? Ou alors, le Japon où nous n’avions pas remis les pieds depuis 2010? Surtout qu’il existe des vols directs Bruxelles-Tokyo, ce qui m’arrangeait vachement. Et qu’on brûlait tous les deux de visiter le parc Ghibli, ouvert en 2022 dans les environs de Nagoya.
Puis en cherchant des billets d’avion à nos dates, je me suis rendu compte que les vols directs étaient hors de prix – trois fois plus chers qu’un vol avec une escale (et quand même une bonne compagnie aérienne, car j’évite autant que possible les low costs, surtout pour les longs trajets). Je me suis donc résignée à ce qui est pour moi un stress ultime: la correspondance en avion. Et j’ai pris une assurance onéreuse, mais qui me laissait la possibilité d’annuler jusqu’à 24h avant le départ, même sans cas de force majeure – juste parce que j’avais changé d’avis.
Pendant les trois mois qui nous séparaient du départ, j’ai enchaîné les autres préparatifs en me maudissant de ne pas avoir plutôt prévu un nouveau road trip écossais ou un tour de Pologne en train. J’ai fait des cauchemars sur cet interminable voyage en avion, m’imaginant débarquer à Tokyo hagarde de fatigue, avec un lumbago et un torticolis de l’enfer après avoir vainement tenté de dormir dans un fauteuil de classe éco. Ou carrément une phlébite qui achèverait de me ruiner en séjour non remboursé dans un hôpital japonais – oui, j’avais également pris une assurance santé, mais les assureurs sont tous des voleurs qui en réalité ne remboursent jamais rien, c’est bien connu.
Et si une fois sur place, on n’arrivait pas à s’orienter? (Nonobstant le fait que je suis déjà allée 3 fois au Japon, à une époque où les GPS n’existaient pas et où il y avait peu d’inscriptions en alphabet romain, et que je me suis toujours débrouillée pour trouver mon chemin.) Si on se disputait et que Chouchou me plantait dans la rue pour partir de son côté comme il l’a déjà fait à Hong Kong ou à Bergen? Si on n’avait pas réussi à acheter de billets pour le parc Ghibli le jour de l’ouverture des réservations? Si ma Visa décidait subitement de ne plus fonctionner alors que je n’ai pas d’autre moyen de paiement international, et qu’on se retrouvait sans un balle accessible à l’autre bout du monde? Si je n’arrivais pas à m’en sortir sans smartphone dans des pays où tout et tout le monde est hyper-connecté? Etc, etc.
J’ai failli tout annuler des dizaines de fois. Mais je me disais que je ne pouvais pas me laisser manipuler par mon anxiété, qu’il n’y avait objectivement pas de raison que ce séjour se passe mal, que si je commençais à céder à mes craintes débiles, je ne ferais plus jamais rien et je n’irais plus jamais nulle part. J’avais pris toutes les précautions raisonnables, plus quelques-unes que la plupart des gens auraient considérées comme excessives. Il n’y avait pas de raison particulière que le destin se dise: « Elle m’énerve celle-là; cherchons un moyen bien tordu de lui pourrir ses vacances ».
C’est néanmoins avec une certaine fébrilité, voire une fébrilité certaine, que j’ai vu approcher la date de notre départ…
Sauf exception, les commentaires sont désactivés. Si vous voulez poursuivre la conversation, je vous invite à le faire sur la page Facebook du blog.
