19 ans de nous

La rencontre sur blogger, alors qu’on est tous les deux en couple de longue durée avec quelqu’un d’autre. Nos ruptures respectives à 6 mois d’intervalle. Notre première rencontre dans un hôtel pas loin de la gare du Midi. Les aller-retour faciles grâce aux vols Toulon-Bruxelles pas chers et au TGV direct en moins de 6h pour 25€ en Prems.

Nos ébats fous fous fous des premiers temps. Notre budget sex toys légèrement inférieur au PIB d’un petit pays du Tiers-Monde. Une nuit mémorable à la Porte des Sens. Participer à une émission de radio sur Pure FM. Et puis l’opération de l’endométriose qui bousille mes terminaisons nerveuses.

Le blog de Régis, premier projet créatif commun qui connaît un arrêt brutal quand on perd le Régis originel lors d’un séjour à Toulouse. Avant ça, on l’aura quand même photographié avec Sophie Calle, Boulet, Liane Foly, Lara Fabian et Pénélope Bagieu. Le tatouage raté sur mon avant-bras gauche, réalisé par un artiste choisi pour de mauvaises raisons. Ses petits bédés de nous deux, tellement bien vues, qui me font mourir de rire.

Les vacances dans ma famille deux fois par an, les premières années. Le feu d’artifice inoubliable, un 14 juillet à Carcassonne. Les repas fromages fournis par Betty. Ce goûter chez Bapz la veille de Noël, avec ma soeur et mon père, qui est sans doute mon souvenir préféré ever. Jouer tous ensemble à Guitar Hero: World Tour. Les parties de Mysterium et ma blague sur la tentative de meurtre des corbeaux qui tombe complètement à plat.

Pour mes 36 ans, on dort dans une roulotte à Eygalières. Pour mes 37 ans, il m’offre un saut en parachute et m’accompagne alors qu’il a le vertige et la couleur d’une jeune pousse de laitue pendant la montée en avion. Pour ses 39 ans , je l’emmène par surprise à Amsterdam où il n’est encore jamais allé. Au bout d’un moment, on arrête de se faire des cadeaux pour nos anniversaires et pour Noël.

Choisir le nouvel appartement à cause de la proximité d’un Mamma Roma. Rester éveillés une grande partie de la nuit pour suivre la première élection de Barack Obama, et ressentir un optimisme fou.

Pleurer d’émotion sans pouvoir m’arrêter à la sortie du concert de Leonard Cohen à Forest National. Retourner voir Etienne Daho plein de fois. Planer avec Sigur Ros. Danser au balcon de l’AB sur les chansons des Brigitte. Mourir de rire aux spectacles de Kyan Khojandi, Marina Rollman et Waly Dia.

Ecumer les Hard Rock Café partout où on va pour agrandir notre collection de T-shirts. Pique-niquer de nuit sur le toit du Loft, à Tokyo. Faillir rester coincés au Japon à cause de l’éruption de l’Eyjafjallajökull. Etre pareillement déçus par Prague et Istanbul, deux villes qu’à peu près tout le monde adore. Le studio minimaliste baigné de lumière où on loge à Helsinki; le soleil de minuit en juin à Reykjavik. La géocache à un milliard d’étapes qu’on n’a jamais trouvée, à Gruyères, et la mieux planquée qu’on a jamais dénichée, à la Casa dos Bicos de Lisbonne. Les escape games délirants de Budapest, dont un où on finit déguisés en moines.

Les rafales à 120 km/h au sommet des falaises de Moher. La course le long de Nathan Road quand les premiers feux d’artifice éclatent au-dessus de la baie de Hong Kong. Y aller au culot pour entrer dans une résidence privée à Macao. Le spectacle son et lumières inoubliable aux Jardins de la Baie de Singapour, alors qu’une migraine me fait pleurer de douleur. Chanter « La jeunesse emmerde le Front National » avec le guide de notre tour du communisme à Cracovie. Le jour de Noël, découvrir Captain Nalle dans un terrain vague enneigé au nord de Copenhague. Tomber par hasard sur un (peut-être) repaire de la mafia russe à Riga.

Ne même pas être seuls dans les Shambles de York à 7h du matin. Le brouillard magique sur le fjord, un matin au réveil, alors qu’on n’arrête pas de se disputer depuis notre arrivée en Norvège. Presque toucher le haut du monument de Walter Scott sur les chaises volantes, au marché de Noël d’Edimbourg. Le chauffeur Bolt qui monte la radio quand je me mets à chanter « Les valses de Vienne » pendant le retour à l’aéroport de Bucarest.

S’apercevoir que la voiture pour notre road trip écossais était réservée le mois dernier. Grâce à une capsule de lessive non-étanche, rouler sur les petits routes de l’île de Skye avec un seul oeil valide. Les plantages évités de justesse dans un sentier en pente abrupte aux cabanes de Rensiwez, ou un chemin de campagne que la pluie a changé en bourbier près de Grand-Bigard. A la sortie du Grand Est Mondial Air Ballons, tourner en rond pendant deux heures faute de réseau pour le GPS, en pleine nuit dans une région inconnue.

La fois où une chauve-souris lui a fait pipi dans la bouche à Pairi Daiza, et celle où les enfants m’ont prise pour une figurante du parc parce que j’étais déguisée en sorcière pendant Halloween. Les carillons magiques de l’Art Sanctuary de Jodoigne lors de notre promenade annuelle. L’excitation des tours en FLY et les affrontements acharnés dans Maus au Chocolat, à Phantasialand. Chercher les meilleurs coins secrets dans les couloirs du Post, à Gand, ou les allées du Père-Lachaise. Se dépêcher de shooter au Jardin des Hiboux pendant que le soleil se couche. Vivre une bien meilleure expérience des années plus tard à Faunessence.

Au fil du temps, les multiples incarnations de l’Amour Fou, la semi-disparition de Brüsel, la fermeture de la partie salon de thé du Comptoir Florian, celle du MIMA et celle du Cook & Book, les travaux interminables au musée d’Ixelles. Bruxelles de plus en plus sale et dangereuse. Le monde de plus en plus moche et désespérant. Heureusement: on s’a.

Passer d’une alimentation à base de plats individuels Picard, à plusieurs années de végétarisme, puis à un régime cétogène pour lui qui veut perdre de la graisse abdominale, et un boycott du sel pour moi qui fais de l’hypertension artérielle. Beaucoup de yoyo de poids spectaculaire de son côté. Une augmentation lente mais quasi-constante du mien.

L’acceptation de sa somptueuse barbitude crollée. L’arrêt des teintures rousses pour revenir à ma couleur et ma texture naturelles de cheveux. Mon renoncement au maquillage, aux soutiens-gorges, aux jeans et aux talons hauts, et l’adoption d’un look à base de grandes robes en lin qui rendent très bien sur les photos.

La mort de Brigitte qui déclenche mon Trouble Anxieux Généralisé – je ne serai plus jamais la même après ça. L’euthanasie de Copernique, puis celle de Scarlett l’été suivant; nous les aurons accompagnées jusqu’à leur tout dernier souffle. La mort de mon père à 66 ans seulement, après deux ans d’âpre lutte contre son cancer. La mort de sa mère qui a tenu jusqu’à 80 ans, une nuit dans sa maison de retraite. Ma soeur qui s’éloigne de moi au fil des ans; la sienne qui se rapproche de lui, et la naissance inopinée de deux paires de jumeaux dans sa famille.

Un premier confinement ensemble à Bruxelles dans nos 45 mètres carrés sans balcon ni jardin; un autre séparés pendant 3 mois chacun dans son pays.

Mes troubles sensoriels et mes meltdowns longtemps restés sans explication. Ses colères apocalyptiques qui me brisent le coeur et me font tout remettre en cause. La fois où j’atteins mon point de ras-le-bol et où je le quitte pendant un séjour en Suisse. Notre mariage à Monpatelin le jour de notre 16ème anniversaire, sans alliances ni invités, avec juste ma Ministre de Tout et son amoureux pour témoins.

Ses burn outs professionnels, d’abord en tant que salarié puis qu’indépendant. Ma crainte d’être bientôt remplacée par l’IA.

Mon diagnostic d’autisme. Son diagnostic de TDAH. Les progrès immenses que ça nous a permis de faire dans notre communication et la gestion de nos symptômes respectifs.

Echanger des stickers et des memes à longueur de journée quand on n’est pas ensemble. Skyper et regarder des séries en stéréo, le soir. Nos conversations absurdes, les références qu’on est les seuls à avoir, notre langage à nous. Grand gros fort avec du chocolat dedans. TOUSSEUL. Stitch good. Rond. Dessus. Devant. Z’êtes zun tram, môssieur? Mais je l’connais pas, moi, ce peï! Cénouuuu. Iléoùmonbizou?

Tous les deux INTJ et pourtant jamais d’accord sur rien hormis quelques fondamentaux: les gens nous gonflent; la science c’est le Bien; les ratons-laveurs sont irrésistibles. Chacun.e de nous trouve que l’autre est la personne la plus drôle et la plus intéressante qu’il ou elle a rencontrée de toute sa vie. Année après année, malgré une relation parfois tumultueuse et des forces externes souvent dures à encaisser, on continue à se choisir.

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