Mercredi, nous nous levons à 5h et nous préparons rapidement. A 6h10, le Bolt que nous avions réservé hier soir passe nous prendre devant l’entrée de la résidence. « You look like Sean Connery! » est la première chose que le chauffeur dit à Chouchou après nous avoir salué. C’est un monsieur d’un certain âge, très sympathique, qui roule en douceur et parle donc un peu d’anglais. Il nous dépose devant le Grand Hotel Bucarest à 6h25. Beaucoup d’autres gens sont déjà là pour embarquer dans un des trois bus de la compagnie One Excellence Tours avec qui nous avons réservé notre excursion de la journée.

Après avoir échappé au guide qui claironnait avec un rire gras « Bigger is always better », nous sommes ravis de nous retrouver plutôt avec son collègue Stefan. Il était indiqué sur notre réservation que nous devions être sur place à 6h30 pour un départ à 7h, et ce n’était pas une blague. A 6h59, un jeune homme essoufflé monte dans notre bus. La porte se referme derrière lui, et à 7h pétantes, nous nous mettons en route. « Vous voyez les sièges vides? lance Stefan en anglais. Ils étaient réservés par des gens qui arriveront sans doute dans cinq minutes. Mais nous ne serons plus là, car la ponctualité est capitale pour le bon déroulement de cette excursion. » Mon obsession de l’heure et moi-même nous sentons extrêmement validées.
Nous roulons en direction de la Transylvanie pendant près de 2h30. La plaine inintéressante qui entoure Bucarest finir par céder la place à de belles montagnes verdoyantes, piquetées de maisons dont les toitures m’arrachent de petits cris de ravissement. En revanche, il n’y a pas de toilettes à bord, et n’y tenant plus, je finis par réclamer un arrêt dans une des rares stations-service qui acceptent que les bus stationnent dans leur parking. Une bonne dizaine de personnes descendent à ma suite pour profiter de l’aubaine. Mais c’est moi qui serai identifiée comme « la dame qui a souvent besoin de faire pipi » pendant le reste de la journée.


Enfin, nous arrivons au château de Bran jadis occupé par Vlad Tepes dit « l’Empaleur » – figure historique de la lutte contre les Turcs qui a inspiré à Bram Stoker le personnage de Dracula. C’est une petite forteresse de montagne perchée sur un piton rocheux; vue de l’extérieur, elle ne paye pas de mine, surtout sous le grand soleil que nous avons aujourd’hui. Devant repartir à 11h15 tapantes, nous la visitons à toute vitesse, sans pouvoir lire les panneaux à la fois par manque de temps et à cause du monde qui se presse dans les salles pas immenses et les couloirs exigus.










L’endroit me paraît étonnamment modeste et cosy, assez loin de la représentation lugubre et grandiose de Coppola. Mais nous ne réussissons pas du tout à prendre le genre de photo que j’imaginais, ce qui est assez frustrant après avoir fait tout ce chemin. Quant aux boutiques de souvenirs qui bordent l’allée entre château et parking, elles rivalisent de cheapitude, de vulgarité et de manque d’à-propos. Peut-on m’expliquer ce que des peluches géantes de Stitch foutent au milieu des mugs à l’effigie de Ceaucescu?





Nous reprenons la route pour une demi-heure avant de nous arrêter dans la ville médiévale de Brasov. Stefan nous entraîne dans une visite-éclair du centre au pas de charge; il nous montre l’église noire ainsi surnommée depuis l’incendie qui a fait exploser ses portes, ainsi que la rue la plus étroite de Roumanie (1m30 de largeur). Puis il nous lâche sur la grand place après nous avoir recommandé une série de restaurants qui proposent de la cuisine roumaine traditionnelle et servent rapidement.





Nous engloutissons une assiette de mici-frites à toute allure et, ne voyant pas venir le papanasi (un beignet fourré et accompagné de confiture de cerises) que j’avais pourtant très envie de goûter, finissons par régler l’addition pour avoir le temps de nous balader un minimum avant le retour au bus. Brasov a l’air très jolie, et c’est hyper frustrant de n’en voir que les deux ou trois rues les plus touristiques. Je commence à en avoir ras-le-bol d’alterner visites au pas de course et longues périodes d’immobilité assise, mais nous ne sommes encore qu’à la moitié de la journée.





Je somnole pendant la partie suivante du trajet. Les sièges du bus ont un dossier très droit et ce n’est pas vraiment confortable, mais je suis crevée. Je rouvre les yeux peu avant notre arrivée à Sinaia, où nous allons visiter le palais d’été de Peles. Construit à la fin du 19ème siècle sur l’ordre du roi Carol Ier, ce lieu absolument grandiose fut le premier château européen doté du chauffage central. Dans un pays plutôt pauvre, son existence même me plonge dans une perplexité sans fond. Mais j’avoue qu’on prend du détail architectural somptueux plein les mirettes.









Il y a, notamment, diverses salles d’apparat destinées à recevoir chacune le souverain d’un pays donné, meublées et décorées uniquement dans des matériaux originaires du pays en question. Dans l’armurerie, je tombe en extase devant la collection d’armes blanches pourtant largement pillée par les Communistes selon Stefan. Si je me baladais avec une de ces magnifiques hallebardes, ou même juste cette arbalète compacte, je doute qu’on m’embêterait beaucoup dans la rue!




La bibliothèque, elle aussi réduite à sa plus simple expression par les Communistes, abrite encore des ouvrages à la reliure sublime. On y trouve également un authentique passage secret derrière une étagère pivotante; hélas, les guides n’ont plus le droit d’en faire la démonstration depuis qu’un enfant de 8 ans s’y est enfermé, nécessitant l’intervention de pompiers venus de Bucarest. Je ne dis rien, mais je n’en pense pas moins.





Alors que nous remontons vers l’endroit où le bus doit nous récupérer, il se met à pleuvoir. Le retour à Bucarest est rallongé par des travaux sur la route, qui poussent Stefan à nous accorder un arrêt pipi supplémentaire. (Devinez qui accueille la nouvelle d’un « YES! » retentissant?) D’après lui, nous avons été un groupe fantastique, le meilleur qu’il ait jamais eu. On peut être fiers de nous et s’auto-applaudir. Il dit sûrement ça à tout le monde, et cette fausseté inutile m’agace.
Nous débarquons près de l’Université à 19h35. Quoi que contente d’avoir visité deux châteaux très différents et bénéficié de l’encadrement d’un guide compétent, je suis épuisée et frustrée par l’organisation de la journée. J’aurais préféré voir moins de choses et prendre davantage mon temps. Je le note pour une prochaine fois.
Nous appelons un premier Bolt dont les deux ceintures de sécurité à l’arrière ne fonctionnent pas. Comme nous le lui faisons remarquer, le chauffeur a un geste désinvolte. « Ce n’est pas dangereux. Je vais conduire lentement », dit-il en démarrant sur les chapeaux de roue. N’étant pas du tout du même avis, nous nous faisons débarquer cent mètres plus loin et appelons un autre véhicule. Cette fois, tout fonctionne normalement, et le chauffeur roule d’une façon acceptable. En contrepartie, sa voiture pue la clope et le parfum utilisé pour tenter d’en masquer l’odeur. On ne peut pas tout avoir.

Il est tard quand nous arrivons à l’appartement, et plutôt que de devoir aller faire des courses et cuisiner, nous optons pour la solution de facilité en commandant des plats indiens.
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