Lundi matin. Couchée peu avant 1h du matin heure locale, je me suis réveillé à 3h30 et rendormie seulement vers 6h30. Autant dire que le réveil à 7h me trouve crevée et pas d’excellente humeur. Nous sommes arrivés très tard hier soir à l’appartement que nous louons pour la semaine; aussi, nous n’avons pas pu faire des courses et nous nous contentons pour démarrer d’un mug du thé que j’emporte toujours dans notre valise. Puis nous nous préparons et nous nous mettons en route à pied vers le centre historique de la ville.


Assez vite, nous constatons deux choses. Premièrement, j’ai beaucoup sous-estimé les distances, et notre hébergement (quoi que très agréable en soi) se trouve dans un « trou » de transports en commun, à 25 mn de la station de métro la plus proche. Deuxièmement, vous avez déjà entendu quelqu’un vanter son week-end prolongé à Bucarest et la beauté de la ville? Non? Eh bien, il y a une raison à ça. Hors du centre ville historique, ce ne sont que larges avenues sans ombre, bordés de blocs de béton et de bâtiments officiels pharaoniques construits sous Ceaucescu.

Le palais du Parlement, devant lequel nous nous arrêtons pour loguer une géocache virtuelle, est une monstruosité qui doit pouvoir abriter la totalité de la population du pays (soit 19 millions d’habitants). En matière de folie des grandeurs, même le palais de Justice bruxellois fait petit joueur à côté. Par ailleurs, la circulation automobile est dense; les gens conduisent très vite, assez brusquement et avec un respect tout relatif pour les feux rouges. Pas de vélo à l’horizon, juste quelques trottinettes abandonnées sur les trottoirs.




Quant au centre ville historique (et piéton, ouf!), il n’abrite que des commerces visiblement conçus pour les touristes: boutiques de souvenirs fabriqués en Chine, restaurants où les prix sont aussi chers qu’en France (alors que le niveau de vie local est 40% en-dessous), bars à cocktails et établissements de strip-tease annoncés cash. Les rues pavées sont totalement défoncées, et on risque ses chevilles à chaque pas si on ne regarde pas où on met les pieds. Quelques ivrognes cuvent affalés contre les murs.


Nous commençons par un brunch au Grand Café Van Gogh. Très joliment décoré, il propose une carte essentiellement sucrée à base de pancakes et de brioche perdue, plus une quiche salée et des omelettes. Nous optons tous les deux pour la quiche: il n’y en a plus, nous informe le serveur. Le thé vert nature? Personne n’en boit ici. Nous finissons donc avec deux omelettes jambon-fromage accompagnées d’un thé au jasmin pour Chouchou et d’un Earl Grey pour moi, plus un cheesecake à la fraise que nous partageons. Montant de l’addition: plus de 40€, ce qui correspond à ce que nous aurions payé à Bruxelles.






Repus, nous nous dirigeons vers l’un des deux objectifs de ce voyage: la librairie Carturesti Carusel, régulièrement citée (et montrée sur Instagram) parmi les plus belles du monde. J’ai le plaisir de vous informer qu’elle le mérite. J’adore son atrium lumineux bordé de rambardes blanches ondulées. Avant même de nous intéresser aux livres, nous prenons une bonne centaine de photos en poussant des exclamations ravies.




Nous aimons tout: le grand choix de livres en anglais – avec même un petit rayonnage de français et d’allemand -, les CD, les vinyles et le merchandising de séries et de films au sous-sol, l’espace exposition sur la mezzanine, le café zen au dernier étage… Nous passons autant de temps à tout fouiller que si nous étions dans un musée. Je repars avec trois petits broches d’artisans locaux, deux sachets de thé vert parfumé et un roman graphique culinaire. Dommage qu’il n’y ait pas de marque-pages publicitaire pour ma collection!




En sortant, nous déambulons un peu dans le centre historique pour loguer encore une géocache virtuelle et prendre des photos. Midi est passé, et je n’ai pas du tout faim. Nous nous posons à la terrasse du Nobis, sur un canapé aux coussins roses et sous des haut-parleurs qui diffusent de la musique lounge. Limonade à l’ananas pour moi et tonic pour Chouchou. La météo est bizarre: il fait grand soleil mais froid à l’ombre. Je ressens le contrecoup de ma nuit écourtée, et j’ai juste envie de me rouler en boule pour faire la sieste.

Quand je me sens un peu requinquée par cette pause, nous nous dirigeons vers la Piata Unirii. Il est déjà 13h15 et malgré mon manque d’appétit, nous nous posons dans la cour du Hanul’lui Manuc, une auberge qui propose de la cuisine typiquement roumaine. Chouchou tente les mici (saucisses à base de viande hachée et d’herbes), et moi l’agneau anatolien mijoté dans une sauce au paprika et servi avec de la crème aigre. C’est délicieux mais très riche; je ne parviens même pas à en manger la moitié. Pas d’inquiétude toutefois: le reste disparaît dans le trou sans fond qui sert d’estomac à Chouchou.


Nous sommes en train de finir notre repas quand une musique tonitruante éclate par les haut-parleurs. Des danseurs en tenue folklorique jaillissent sur l’estrade située dans mon dos et entonnent une chanson à un volume d’environ 812 décibels. Je me décompose et me dépêche de sortir mes bouchons d’oreille face à un Chouchou explosé de rire. Heureusement, le spectacle ne dure que quelques minutes. Au moment même où il prend fin, une averse s’abat sur nous alors que la météo ne prévoyait pas de pluie aujourd’hui. On en tirera les conclusions qu’on veut.



Les célèbres jets d’eau de la Piata Unirii sont éteints aujourd’hui. Une conséquence de la sècheresse récente? Nous avons remarqué que le niveau d’eau de la Dambovita qui traverse la ville était au plus bas… Nous décidons d’aller nous mettre au vert dans le nord de la ville et descendons dans le métro. Impression de basculer dans une autre dimension. La station est immense, caverneuse et uniformément grise, dépourvue du moindre guichet et quasi déserte. J’introduis ma Visa dans un distributeur et lui demande une carte à piste magnétique avec 2 trajets. Il me débite promptement 10 lei (l’équivalent de 2€), me crache un reçu et me délivre zéro carte de transport. Pendant que je fulmine, Chouchou répète l’opération au distributeur voisin, qui se montre plus coopératif.


Nous prenons la ligne 2 et descendons 4 stations – toutes aussi flippantes les unes que les autres – plus loin, à Aviatorilor, près de l’Arc de Triomphe local. Là, nous nous engageons dans le parc du roi Michel 1er et le trouvons assez décevant. Même le jardin japonais fait triste mine avec ses bassins dans lesquels ne clapotent que quelques centimètres d’eau croupie. Histoire de ne pas être venus pour rien, nous décidons de visiter le musée du village roumain qui se trouve juste à côté. Nous en avons déjà fait quelques-uns, notamment à Stockholm, à Oslo et à Riga; c’est toujours aussi intéressant que photogénique. Mais nous galérons pour trouver l’entrée. Il n’y a aucun panneau indicateur, et nous devons longer la clôture sur un kilomètre avant de tomber enfin sur un point d’accès. Un touriste français qui arrive juste de Sofia nous colle aux basques et tente d’engager la conversation, mais nos réponses lapidaires le découragent. Sitôt payé son ticket à 30 lei, il part de son côté.




Devant un plan du parc, nous convenons avec Chouchou que l’endroit semble immense et que mon état de fatigue ne nous permettra pas de l’explorer entièrement. Nous décidons de nous concentrer sur les bâtisses représentées en jaune (celles qui sont originaires de la région de Transylvanie). Mais nous nous plaisons beaucoup dans ce lieu calme et reposant. Au final, nous devons en parcourir au moins les deux tiers. Je suis particulièrement séduite par les toitures aux silhouettes variées, tantôt élancées et couvertes de lamelles de bois en quinconce, tantôt trapues avec des tuiles en écailles de poisson, tantôt enfoncées dans le sol et faites de chaume. Ici comme dans le centre historique, nous apercevons pas mal de chats errants peu farouches, et même une vieille dame qui les nourrit près d’un banc.










Vers 16h30, nous décidons de commander un Bolt pour rentrer à l’appartement. Il met un temps infini à arriver. Quand il replonge dans la circulation avec nous sur la banquette arrière, nous comprenons vite pourquoi: les embouteillages sont effrayants. Nous mettons 40 mn à regagner nos pénates. Notre chauffeur roule comme un illuminé (quoi que pas plus mal que les autres conducteurs autochtones) en écoutant un podcast de true crime en espagnol. C’est un moment assez spécial, et nous sommes contents lorsqu’il nous dépose enfin.
Avant de remonter dans notre 5ème étage, nous faisons quelques courses à la supérette située au pied de l’immeuble. Le caissier parle un bon anglais et a de beaux restes de ses deux années d’étude du français. C’est de très loin la personne la plus aimable que nous avons rencontrée aujourd’hui. Vers 18h, nous sommes ravis de nous écrouler sur le canapé géant de notre appartement. Nous ne ressortons pas de la soirée, et je ne trouve même pas la force de bloguer cette première journée de voyage.
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