
Mauvaise surprise ce matin au réveil: un monstrueux navire de croisière est arrêté dans le port de Flam, où il oblitère toute la vue. #savethesea, clame une inscription sur son flanc. En pourrissant les fjords à la place? J’ai du mal à exprimer la révulsion absolue que m’inspirent ces immeubles flottants. Moi qui avais décidé de passer deux nuits ici pour profiter du calme et de la sérénité de l’endroit… Vraiment, c’est bien raté.

Nous allons petit-déjeuner assez tardivement au restaurant de l’hôtel, puisque c’est compris dans le prix de notre location. Le buffet est plus qu’honorable, quoi que toujours pas fourni en thé vert nature. Alors que nous finissons de manger, un couple débarque et demande à boire un café. « Désolée, pour l’instant c’est réservé aux clients de l’hôtel. Nous allons fermer une heure, et nous rouvrirons ensuite pour tout le monde », explique la gérante. L’homme insiste: allez, quoi, juste un petit café. « Non », répond simplement la gérante, telle une déesse scandinave de l’assertivité aimable. Je te kiffe, madame.
Après avoir pris quelques photos du côté de la baie opposé au Monstre Polluant, nous repassons à l’appartement et tentons de déterminer le programme du reste de la journée. A la base, je voulais faire la tyrolienne longue de presque un kilomètre et demie qui part de Vatnahalsen, pas très loin d’ici. Je déchante un peu en constant que pour ça, il faudrait faire presque une heure de train jusqu’au point de départ, puis une heure de vélo en descente pour regagner Flam. Sans même parler du coût exorbitant de l’opération, plus de deux heures de préparatifs/postparatifs pour deux minutes d’activité, ça me décourage. Je crains de refaire un meltdown au moindre grain de sable dans l’organisation. Et d’un autre côté, je sais que si je n’y vais pas, je le regretterai plus tard. C’est l’occasion d’une nouvelle dispute avec Chouchou, qui a du mal à supporter le retour de mon anxiété après presque un an d’absence. J’ai le moral au fond de mes chaussettes en laine.
Nous ressortons et prenons la passerelle jusqu’au village. Celui-ci, qui doit compter 23 habitants permanents plus une poignée de touristes en temps normal, grouille de monde comme une fourmillière, et ça me donne encore plus envie de pleurer. Nous entrons au Visitors Center pour nous renseigner sur les activités possibles aujourd’hui, et je demande à une des employées: « Il y a souvent des navires de croisière comme ça? » « Très rarement, surtout au mois d’octobre », me répond-elle laconiquement. Super. « Et il va rester jusqu’à…? » « 18h. » Nous bousillant toute la journée. De mieux en mieux.


Pendant que je lutte fort pour ne pas péter les plombs, nous faisons un tour dans les boutiques de souvenirs puis entrons au musée du Flamsbana, considéré comme l’un des plus beaux trains du monde en raison de son trajet exceptionnel. (C’est celui que nous prendrons demain pour partir.) Le musée est gratuit et assez petit, mais super intéressant, ce qui me rassérène un peu. Je m’extasie devant l’histoire incroyable de la construction de la ligne entre Flam et Myrdal, pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Je retiens une anecdote amusante: seuls les voyageurs avaient, à l’époque, le droit de boire de l’alcool au restaurant du village. De sorte que les habitants achetaient le billet le moins cher juste pour pouvoir picoler le soir. Le chef de gare était aussi le propriétaire du restaurant – et accessoirement, le directeur de l’école. Coïncidence? Je ne pense pas.

Ce qui a rendu les travaux titanesques, surtout pour l’époque, c’est le terrain montagneux et sa forte déclivité, qui compliquaient l’acheminement du matériel. Mais c’est aussi ce qui fait que le trajet reste très impressionnant de nos jours… Une motrice avait été conçue exprès pour cette ligne si particulière; elle n’a été produite qu’en 3 exemplaires, dont 2 sont encore en service. Autant dire que mon Sheldon Cooper intérieur fait des bonds dans tous les sens à la pensée du voyage de demain.

En ressortant du musée, je me sens légèrement mieux et j’accepte la suggestion de Chouchou de nous rendre cet après-midi au point de vue de Stegastein, une excursion d’une heure et demie au total. Je prends des billets sur une des machines du Visitors Center, puis nous allons déjeuner à la cafétéria: burger pour Chouchou, pavé de saumon et légumes vapeur pour moi. Nous utilisons le temps qui nous reste avant le départ du bus pour repasser à l’appartement, où je me change et enfile la robe verte de princesse achetée pour une occasion pareille. Sauf que la princesse est dodue et qu’elle aurait sans doute dû commander la taille supérieure. Mais bon, respirer, c’est pour les faibles.

A cause de l’affluence des croisiéristes, le minibus censé nous convoyer vers Stegastein est remplacé à la dernière minute par un bus de taille normale, et l’embarquement se fait dans le chaos le plus total tandis qu’un employé s’époumone désespérément: « Montrez-moi vos billets s’il vous plaît! ». Sa cargaison humaine internationale bien arrimée, le chauffeur se lance sur une route de montagne pleine de lacets impressionnants. Nos roues passent à quelques centimètres du vide dont seule nous sépare une glissière de sécurité d’environ 12 cm de haut, et parfois même pas. Quand nous tombons face à un autre véhicule qui arrive en sens inverse, celui-ci doit reculer jusqu’à la passing place la plus proche. Une fois de plus, je remercie mon ami l’Itinérol, ainsi que la dextérité de notre chauffeur que rien ne semble émouvoir.

Nous arrivons à Stegastein. 30 minutes pour arriver à prendre de belles photos sur une passerelle étroite assaillie par des centaines d’autres touristes tous animés par la même envie. Je sens que ça va me plaire. Alors que nous nous préparons contre le muret près des toilettes, je vois une dame blonde entre deux âges se redresser, un Tupperware à la main. « Geocaching? » je lance. Elle acquiesce. Quand elle a fini, je lui emprunte son stylo pour nous loguer. Voici une cache qui ne nous aura pas coûté beaucoup d’efforts!


Sur la passerelle, nous faisons quelques photos à un endroit pas tout à fait idéal. Ce qu’il faudrait, c’est que j’arrive à me mettre dans le coin, là, mais il est squatté par un groupe de 17 Italiens qui tentent vainement de prendre un selfie d’eux tous à bout de bras. Je suis à deux doigts de les passer par-dessus bord quand Chouchou trouve une solution plus efficace: il s’empare de leur smartphone et les photographie lui-même, beaucoup mieux qu’ils n’auraient pu le faire. Les Italiens repartent au complet et ravis; quant à moi, je ne finirai pas la semaine dans une prison norvégienne, hourra! On arrive même à prendre nos photos sans que personne se glisse à côté de moi. Intriguée, je me retourne. Un demi-cercle de gens s’est formé derrière Chouchou, et ils me fixent tous. Je suis méga-gênée. Ca doit être l’effet robe de princesse, même dodue.



Alors que nous rentrons à Flam, avec une descente encore plus impressionnante que la montée, je suis prise de maux de ventre assez aigus. Une intoxication alimentaire? Pourtant, le saumon de ce midi était tout ce qu’il y a de plus frais. Je ne me sens pas capable de manger au resto ce soir; nous achetons donc des pizzas surgelées et une brique de soupe à la tomate à la supérette du village. Nous faisons un dîner plus que médiocre, mais je me réjouis d’avoir des toilettes à portée de… hum, main. Je serais toutefois fort étonnée que ce sentiment soit réciproque.
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