[LONDRES] Où je me sens trop vieille pour ces conneries

Ce vendredi rime avec risques de pluie. Nous décidons donc de reporter à plus tard les deux gros shootings prévus en extérieur, et vêtus de vestes imperméables à capuche, nous nous rendons en bus dans le centre.

Carnaby Street est déserte et tristounette. Les fleuristes de Liberty s’affairent devant l’étalage que j’aimerais prendre en photo; aussi je propose à Chouchou de faire un tour à l’intérieur en attendant que la voie soit libre. C’est là que je me rends compte à quel point j’ai changé depuis mes 30 ans, époque à laquelle je dépensais des fortunes au Printemps Haussman. A présent, les grands magasins même très jolis ne réussissent qu’à m’ennuyer. Je considère ça comme une évolution positive.

Néanmoins, je n’ai pas totalement abdiqué le concept de possessions matérielles. Prenez le flagship store Vivienne Westwood: j’ai très envie d’y craquer pour la bague unisexe Armour que je convoite depuis la première fois que je l’ai vue au doigt de l’héroïne de manga Nana Osaki, il y a… une vingtaine d’années à vue de nez. Oui, dans le coloris gunmetal, ce sera parfait. Pour le paiement, vous préférez mon rein droit ou mon rein gauche? Merci, bonne journée.

Nous remontons ensuite vers Marylebone et la célèbre librairie Daunt Books, où je n’ai encore jamais mis les pieds. Et… oui, c’est sympa, mais je n’ai pas de coup de foudre. Je feuillette quelques recueils de poésie de Carol Ann Duffy, pose pour Chouchou en essayant de ne déranger personne, et parviens à ressortir les mans vides.

Puis nous déjeunons au Barley Mow, un sympathique petit pub situé non loin du musée Sherlock Holmes (déjà visité lors d’un voyage précédent) et spécialisé dans les tourtes. Boeuf-sauce brune pour Chouchou, poulet-champignons pour moi, purée-petits pois pour tout le monde. C’est la première fois qu’on mange dans un pub depuis notre arrivée au Royaume-Uni alors qu’on adore ça tous les deux – mais le voyage n’est pas fini et on peut encore se rattraper.

En début d’après-midi, un bus nous dépose à Camden Town, lieu mythique de ma vingtaine et de mon début de trentaine. Au bout de cent mètres dans la rue principale bordée d’échoppes délirantes, je me dis que je suis vraiment trop vieille pour ces conneries.

Soudain, j’avise une superbe redingote en cuir rouge dans une devanture. Je rentre dans le magasin, et aussitôt un vendeur me saute dessus. « Essayez-la! » dit-il en me jaugeant du regard et en me tendant… du 5XL. Je manque m’étouffer d’indignation. Oui, le L commence à me serrer un peu aux entournures, mais quand même! Je demande le prix juste pour voir. £395. Alors que je tourne les talons, le vendeur ajoute: « Mais je vous la laisse à 350. Essayez-la, vous allez voir ». Je dis non merci. « 250! », insiste-t-il. Je ris et ressors du magasin. (Plus tard, je chercherai en ligne le prix d’articles similaires de la même marque: ce modèle ne doit pas valoir plus de £200.)

Heureusement, mon humeur s’améliore un peu quand nous atteignons les arcades en brique où les commerces sont davantage à mon goût. Nous fouillons longuement dans une échoppe steampunk/gothique, mais rien n’accroche vraiment mon attention.

Puis nous nous joignons à la longue file d’attente devant Humble Crumble qui, comme son nom l’indique à moitié, vend des crumbles à composer soi-même. Chouchou prend l’Elderflower (sureau, pomme, fraise, framboise) recouvert de crème anglaise chaude et de noisettes. Pour moi, ce sera un Rhubarb (rhubarbe, fraise, orange) avec un filet de sauce au chocolat. En l’absence de sièges dans la boutique, nous allons manger dans un des dômes en plastique prévus à cet effet. Le bouche-à-oreille ne mentait pas: c’est bon à se taper le cul par terre.

Nous déambulons encore un peu au hasard. Tiens, le Cyberdog existe toujours. Dans un grand bâtiment consacré aux produits dérivés de mangas, je passe en revue les distributeurs de merdouilles en plastique à collectionner et admire un.e ado de sexe indéterminé qui joue à un jeu de danse consistant à frapper avec les pieds certaines zones d’un tapis connecté au rythme de la chanson choisie (j’explique mal, mais j’ai oublié le nom du bouzin). L’ado passe coup sur coup deux morceaux qui doivent être l’équivalent de « Through the fire and the flames » dans feu Guitar Hero. C’est impressionnant, et je me retiens d’applaudir.

Au bout d’un moment, soûls de monde et de bruit, nous décidons de rentrer à l’Air Bnb. Le meilleur moyen consiste à prendre l’Overground ou métro aérien, qu’aucun de nous deux n’a jamais emprunté à Londres. C’est très rapide et bien plus agréable que le métro classique – on valide.

Le soir, par flemme de ressortir, on se fait livrer de la bouffe indienne qu’on mange sur le bureau, moi assise sur la chaise et Chouchou sur un coin de lit, avec les petites cuillères destinées au thé matinal. Nous avons presque terminé quand un message de Frank nous informe qu’il y a des couverts dans un tiroir. Ca m’apprendra à ne jamais fouiller chez les autres. Il nous restera tout de même le plaisir de faire la vaisselle dans la douche.

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