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Plus je vieillis, plus je ressens le besoin de marquer mes anniversaires d’une manière significative et non-matérialiste. Une année, j’avais demandé tous mes contacts Facebook de partager leur meilleur souvenir avec moi, et leurs réponses m’avaient remplie de joie. Du temps des swaps, j’avais mis au point un échange de cartes d’anniversaire avec certaines de mes lectrices fidèles. Souvent, j’organise un petit week-end en amoureux fin mars. L’an dernier, j’avais posé pour une série de portraits réalisés par Chouchou, que je voulais les plus authentiques et les moins glamour possibles parce que j’étais très fâchée par la pression au jeunisme que notre société exerce sur les femmes de mon âge.

Quand j’ai réfléchi à ce que je voulais faire cette année, l’idée d’une liste de gratitude s’est imposée à moi immédiatement. En cette fin mars 2024, j’ai des tas de raisons de me sentir reconnaissante, et j’avais envie de les fixer sur papier, ou à défaut sur ce blog.

Merci pour ma carrière de traductrice littéraire, qui a 30 ans cette année. Elle m’a permis de mettre à profit mes forces (mon indépendance, mon sens de l’organisation, ma facilité pour les langues et l’expression écrite) sans appuyer sur mes faiblesses (mon horreur des contraintes, mon incapacité à côtoyer des gens au quotidien). Elle m’a apporté un grand sentiment d’accomplissement, certaines des plus belles rencontres de ma vie, ainsi que la liberté et les moyens financiers de vivre comme je l’entends.

Merci pour mon amoureux. Ma relation avec Chouchou a parfois été très tumultueuse depuis notre improbable rencontre sur internet, mais on s’y est toujours investis à fond tous les deux, faisant les choix et les efforts nécessaires pour lui permettre de durer. Depuis plus de 17 ans, on progresse ensemble, en partageant le bon et le mauvais et en étant chacun convaincu que l’autre est la personne la plus drôle et la plus intéressante qu’on a jamais rencontrée.

Merci pour ma famille. Je ne les vois presque plus depuis quelques années, mais je sais que je peux compter sur eux en cas de gros pépin, et je garde l’espoir que les circonstances matérielles qui nous ont éloignés vont finir par changer. Merci pour mon père disparu trop tôt: le vide qu’il a laissé est à la mesure de l’amour que j’avais pour lui.

Merci pour ma santé, et merci à la médecine moderne qui me permet de l’entretenir au mieux. Merci aux machines incroyables qui permettent d’ausculter et de réparer le corps humain. Merci aux médicaments grâce auxquels on peut mener une vie normale avec des problèmes qui nous auraient rapidement terrassés il y a à peine un siècle. Et merci aux soignants bienveillants que j’ai rencontrés: ils font un boulot formidable dans des conditions qui ne le sont pas du tout.

Merci au diagnostic d’autisme qui m’a permis d’adapter ma façon de vivre à ma réalité neurologique. Trois ans plus tard, je continue à découvrir des choses intéressantes sur mon propre fonctionnement. Et merci au diagnostic de TDAH de Chouchou, qui a fait de même pour lui et nous a fourni les clés pour résoudre divers problèmes récurrents entre nous.

Merci, merci, merci à l’anti-dépresseur qui a changé ma vie en faisant disparaître l’anxiété atroce qui me donnait régulièrement des idéations suicidaires. J’ai l’impression de renaître depuis cinq mois.

Merci pour une périménopause assez tranquille jusqu’ici. Mes articulations raidissent à la vitesse grand V; j’ai pris du ventre et eu quelques mois d’insomnies, mais c’est terminé. A part ça, peu de bouffées de chaleur, pas de migraines ni de vertiges et zéro saute d’humeur. Je trouve que je ne m’en tire pas si mal, et je croise les doigts pour que ça continue comme ça.

Merci pour la bonne résolution de l’Affaire-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom: elle a mis fin à de nombreux mois d’incertitude et de stress d’une manière beaucoup plus positive que je n’osais l’espérer.

Merci pour le petit appartement en duplex dont j’ai parfois regretté l’achat et qui m’a causé pas mal de stress ces 20 dernières années. Je suis fière de l’avoir entièrement payé toute seule. Il est mon refuge et mon musée personnel, dépositaire de ma bibliothèque chérie, de mes carnets intimes et des souvenirs rapportés de mes nombreux voyages.

Merci, à ce propos, pour tous les pays que j’ai eu l’occasion de visiter jusqu’ici. Que mes séjours s’y soient bien passés (la plupart du temps) ou pas, ils font partie de mes souvenirs les plus mémorables. Ils ont élargi mes horizons culturels et aiguisé mon esprit critique. Je sais que la chance de voyager n’est pas donnée à tout le monde, et je l’apprécie à sa juste valeur.

Merci pour le printemps qui commence et les journées qui rallongent. Je suis très contente de vivre dans un pays avec des saisons, et je m’efforce de tirer le meilleur parti de chacune d’elles. J’ai aimé cocooner sur mon canapé d’angle ou dans mon fauteuil de lecture cet hiver; je vais aimer me balader dehors les jambes nues sous mes robes en lin au cours des semaines à venir.

Merci pour le chouette mois de mars que je viens de vivre: les bons résultats à mes examens cardiovasculaires, les conversations à bâtons rompus avec ma Ministre de Tout et sa fille, le déjeuner ensoleillé sur la plage avec mon beauf et la perspective de revoir peut-être Darklulu avant la fin de l’année, le séjour « nourritures du corps, de l’esprit et des placards » à Aix avec Isa, la complicité professionnelle et tayloresque avec B, la mini-rénovation de ma chambre en mezzanine, les nouvelles trads qui sont tombées pour les prochains mois, le massage que je vais tester tout à l’heure et le week-end en amoureux qui m’attend encore à la fin de la semaine.

J’ai 53 ans aujourd’hui, et je crois que je ne me suis jamais sentie aussi bien.