Malgré le confort et le calme de notre jolie chambre d’hôtel, je peine à trouver le sommeil parce que j’ai mangé plus et plus tard que d’habitude; puis je me réveille vers 4h30 et ne parviens pas à me rendormir. Vraiment, je désespère de retrouver des nuits normales qui ne soient pas pourries par mes angoisses.
En ce vendredi 13, nous nous levons du coup très tôt pour des gens en vacances, et vers 8h, nous descendons douchés et habillés à la boulangerie Vincent située au pied de l’Apple Inn. Nos coupons petit-déjeuner ont une valeur de 50 zlotys, et nous pouvons commander ce que nous voulons dans cette limite. Beaucoup d’oeufs brouillés (que je n’aime pas), d’omelettes (que je bof), d’oeufs au plat (accompagnés de bacon auquel je n’ai pas droit).
Ca se termine par une formule parisienne avec croissant, baguette, beurre, confiture et caramel salé auquel nous ne touchons ni l’un ni l’autre. Normalement, la boisson d’accompagnement est un café, mais je parviens à négocier de l’échanger contre un thé vert. Nous savourons le tout au son de « Je suis une femme amoureuse » de Mireille Matthieu, précédant un morceau de Stromae et un vieux truc de Jacques Brel. Pour le dépaysement musical, on repassera.
Nous remontons brièvement dans notre chambre pour boucler nos bagages, puis nous allons faire le checkout à la réception et laissons nos valises et sacs à dos dans un placard fermé à clé, en disant que nous repasserons les chercher en début d’après-midi. Cela fait, nous prenons à pied le chemin de la vieille ville, distante d’environ une demi-heure de marche.
Il n’est pas tout à fait dix heures quand nous l’atteignons, les magasins ouvrent juste et et les rues sont passablement désertes, ce qui nous convient très bien. Le ciel est couvert mais il ne pleut pas, et après cet été interminable, nous savourons la vraie fraîcheur automnale (sans doute moins prononcée qu’il y a 10 ans en Pologne, néanmoins).
Nous refaisons un tour en évoquant nos souvenirs d’il y a deux ans: « Oh, le musée Marie Curie, c’était chouette, hein? » ou « Tiens, c’est là qu’un pigeon t’a fait caca dessus. » Chouchou profite d’avoir récemment acquis un objectif bien meilleur que celui qu’il avait en 2021 pour refaire certaines de nos photos d’alors, et surtout pour mitrailler plein de détails architecturaux. Je monte avec jubilation faire tourner ma jupe sur les remparts.
Malgré tout, nous nous retrouvons avec presque une heure à tuer avant l’ouverture d’U Fukiera, un de mes restaurants préférés au monde. Nous tentons de nous rendre au salon de thé Same Fusy où nous avions passé un bon moment la dernière fois, mais il n’ouvre qu’à 13h. Une visite du musée de la ville, peut-être? Trop longue, et je n’aime pas me presser. Nous finissons assis sur un banc non loin de la petite sirène guerrière, le nez dans nos écrans respectifs.
A midi moins cinq, donc, nous nous enfonçons dans la pénombre d’U Fukiera. Le personnel est en train de s’agiter et ne nous prête aucune attention pendant un long moment. Puis un serveur barbu vient nous dire assez sèchement qu’ils ne sont pas prêts, et que nous devons patienter encore 5 minutes. Après avoir vu la carte dont les prix ont nettement augmenté depuis la dernière fois et dans laquelle je ne suis pas certaine de trouver mon bonheur gustatif, je suis à deux doigts de faire demi-tour. Même si, comme le fait remarquer Chouchou à la vue des photos de célébrités accrochées aux murs, Jacques Chirac est venu dîner ici deux fois.
La flemme de trouver un autre endroit pour déjeuner au dernier moment l’emporte, et nous restons. Finalement, le serveur barbu nous conduit à « la table pour les amoureux », celle qui se trouve juste devant la vitrine aux trois quarts dissimulée par un gigantesque bouquet de lys et quelques autres plantes. Celle à laquelle nous avions déjà mangé il y a deux ans, et qui est certainement la meilleure de la salle. En nous entendant parler français, il nous demande dans la même langue d’où nous venons. « Aaaah, Bruxelles! J’ai fait mes études d’ingénieur à Gembloux, vous connaissez? » On répond que oui. « Et puis je suis rentré ici et… » D’un geste fataliste, il désigne son uniforme et le restaurant autour de nous. Je trouve ça un peu triste. Mais à partir de là, clairement on devient ses chouchous, et il se montre aux petits soins pour nous.
Chouchou commande une soupe de tripes en entrée. Après ça, comme la cuisson du plat que j’avais choisi initialement n’est pas terminée, nous prenons tous les deux le risotto aux chanterelles, qui arrive décoré de fleurs comestibles acidulées. C’est un régal. En dessert, nous partageons la « meringue aux fruits et à la crème » qui, comme je le soupçonnais, se révèle être une Pavlova – énorme et fabuleusement bonne. Montant de l’addition avec les boissons et un pourboire généreux: pas tout à fait 80€ avant les frais de change et de banque. Ca les vaut jusqu’au dernier centime, autant pour l’atmosphère délicieusement rococo que pour la qualité de la nourriture. Et encore, je n’ai pas pu profiter de leur sublime planche de fromages cette fois.
Repus et ravis, nous retournons à pied à notre hôtel. Alors que nous passons devant le Zapiecek d’hier soir, mon copain le pierogi géant me fait coucou depuis le trottoir, et je réalise que ça n’était pas une peluche pour permettre aux touristes de faire des photos débiles, mais bien un costume destiné à être porté par un être humain. Je suis fatiguée, laissez-moi.
Une fois nos bagages récupérés, nous nous rendons à la gare centrale avec une bonne heure d’avance sur le départ de notre train: à cause de travaux sur les voies ferrées en ce moment, il partait d’une autre gare la première fois que j’ai voulu réserver nos billets, et je craignais que ça ne change de nouveau au dernier moment, ce qui nous aurait obligés à traverser la ville en transports en commun avec tous nos bagages. Je voulais donc garder du temps pour ça au cas où. Mais au final, il part bien de Warszawa Centralna, et nous passons l’heure à glander dans les fauteuils de la grande mezzanine au design futuriste.
Arrivée de l’EIP 4505 de 15h25. Nous sommes censés occuper des sièges voisins de part et d’autre de l’allée centrale. Toutefois, voyant que nous sommes ensemble, la jeune femme qui a réservé la fenêtre à côté de Chouchou demande si je veux changer de place avec elle. J’accepte en la couvrant de remerciements. Je suis épuisée et ces 2h30 assise tombent à point dans ma journée. Ah non, pardon, 2h50, car le train prend vingt minutes de retard en cours de trajet. Les passagers polonais semblent blasés, et nous, on s’en fout puisqu’on n’a pas de correspondance – on se contente de prévenir notre hôte qu’on arrivera au point de rendez-vous plus tard que prévu.
Pour le reste, les trains rapides que nous avions déjà empruntés entre Varsovie et Cracovie sont tout à fait confortables, munis d’écrans de télé en hauteur, et un employé passe toutes les heures avec un chariot de bouteilles d’eau qu’il distribue gratuitement. Si seulement l’eau dite plate n’était pas en réalité juste moins pétillante que l’autre! Chouchou et moi passons un bon moment à nous disputer pour savoir à partir de quelle taille une bulle cesse de compter. En ce qui me concerne, la réponse est :aucune.
Nous mettons un peu de temps à nous repérer en sortant de la gare de Gdansk Glowny (un nom qui ne se prononce absolument pas comme on pourrait l’imaginer – personnellement, j’entends « anscona »). Nous suivons assez longtemps une voie rapide avec beaucoup de voitures et peu de feux tricolores avant de réussir à traverser et de nous enfoncer dans la vieille ville.
Notre hôte Pawel nous attend à l’endroit convenu; il nous fait monter dans l’appartement et nous explique où sont les choses, comment elles fonctionnent, etc. Son grand T2 est aussi joli et spacieux qu’il en avait l’air sur les photos. Le salon donne sur Long Street, une rue animée pleine de restaurants, et la chambre sur une cour intérieure très calme. Nous sommes juste à côté de la plus grande église en brique d’Europe, capable d’accueillir jusqu’à 30 000 personnes, nous explique Pawel, et la tour illuminée qui surplombe la cour est celle de la mairie.
Après son départ, nous ressortons immédiatement pour aller faire quelques courses de première nécessité – je n’ai ni la force ni l’envie de retourner au resto ce soir. Tout près de l’appartement, un minuscule magasin Zabka vend beaucoup d’alcool et peu de nourriture. Nous réussissons néanmoins à trouver deux barquettes de penne au poulet, au pesto et au brocoli qui feront le job sans fanfare, ainsi qu’un trio oeufs-pain-beurre pour les cas d’urgence, et de quoi grignoter demain matin.
A 21h30, rompue de fatigue après avoir fait 20 000 pas avec seulement 3h de sommeil au compteur la nuit précédente, je file me coucher en laissant Chouchou sur son ordinateur au salon. J’espère réussir à sombrer très vite. Hélas! Le matelas est un peu trop mou; l’oreiller trop rebondi me bousille immédiatement les cervicales; j’ai trop chaud avec la couette et pas assez sans. Et quand Chouchou finit par me rejoindre, il se met à ronfler super fort. A 1h du matin, désespérée et à bout, je déménage sur le canapé du salon où je finis par sombrer avec l’aide d’un Témesta.
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