[GDANSK] Passerelle, poste, pluie et pierogis

La Loutre Céleste m’a entendue. J’ai dormi d’un trait entre 22h30 et 6h30, sans faire le moindre petit cauchemar, tandis que de son côté Chouchou demeurait impeccablement étanche – alléloutrah! Nous commençons la journée par traiter les photos d’hier (lui) et en écrire le récit (moi). Vers 11h, nous nous aventurons dehors, où il fait froid et assez venteux, mais grand soleil. C’est fou ce qu’une bonne nuit de sommeil peut transfigurer le monde: je gambade presque dans les rues.

Nous commençons par aller admirer Artus Court avec sa statue de Neptune, son horloge qui décompte les heures jusqu’à la fermeture des bureaux de vote et ses superbes façades. Puis nous faisons un tour à la boutique du Hard Rock Café voisin. Chouchou ressort avec un bonnet qu’il enfonce immédiatement sur son crâne frigorifié, mais aussi un bandana à têtes de mort (inutile de ricaner, je m’en suis déjà chargée pour plusieurs) et un débardeur. De mon côté, je déniche un T-shirt à manches longues chauve-souris très doux et en soldes, craque pour un magnet as de pique et un porte-clés qui remplacera celui qui a défunté le mois dernier.

Nous sortons de la vieille ville par la Porte Verte et traversons le pont qui mène sur l’île de Wyspa Spichrzow. La promenade le long des berges est très agréable et permet d’admirer de beaux bateaux à voiles façon galions d’antan. Nous nous arrêtons pour déjeuner au Billy’s American Restaurant, où on nous donne la table près de l’entrée en plein courant d’air glacial – mais à côté d’un formidable chauffage à gaz qui compense pas trop mal. La nourriture est… correcte sans plus. On dirait du Hard Rock Café version médicalement correcte, avec moins de gras, moins de sel et des portions moins copieuses. Mon hypertension approuve, mais mon estomac n’est pas séduit. Malheureusement pour lui, il a perdu les récentes élections de mes priorités.

Un passage chez Boleslawiec, marchand de céramique traditionnelle peinte à la main, me permet de choisir un petit frère au mug acheté à Varsovie il y a deux ans. Nous poussons ensuite jusqu’au bout de l’île où se dresse la grande roue Amber Sky. La vue d’en haut est très sympa, mais le vent nous secoue pas mal. A la fin du 3ème tour, on s’apprête à descendre, mais la roue nous emporte dans une nouvelle rotation tandis qu’on geint avec un désespoir feint: « Laissez-nous sortir! ». Quand on arrive enfin à s’extraire de la cabine, la passerelle qui permet de regagner la vieille ville est en train de se relever pour laisser passer les bateaux. Elle se baissera de nouveau dans… 30 mn. Plutôt que de revenir sur nos pas pour un long détour inutile, nous choisissons d’acheter deux chocolats chauds au stand voisin et de les siroter sur une table au bord de l’eau en attendant la demie.

Nous voici repartis vers le musée de la poste, un lieu qui fut le cadre d’une attaque brutale le 1er septembre 1939. J’évite en général tout ce qui a trait aux deux guerres mondiales car je trouve le sujet aussi vaste que déprimant, mais j’aime bien les petites histoires dans la grande, et celle-ci est d’un tragique propre à frapper l’imagination. Au moment où notre visite se termine, il pleut assez fort, et comme la météo avait prévu une journée avec 0% de précipitations, je n’ai pour me protéger qu’un parapluie pliant qui ne résistera jamais aux rafales. Aussi, on s’installe dans l’entrée déserte du musée pour attendre que ça passe. Mais un gardien peu amène finit par nous chasser aussi aimablement que si on était des chiens galeux.

Bien que très en avance pour la visite guidée que j’ai réservée ce matin sur la foi de la météo – un tour des canaux en bateau découvert -, nous nous dirigeons vers les chantiers navals désaffectés d’où nous sommes censés partir. Mouillée et glacée jusqu’aux os, je ne tarde pas à maudire mon initiative. J’envisage même d’appeler un Uber pour nous sortir de là, et tant pis pour les billets non-remboursables.

Coup de bol: la pluie cesse dix minutes avant le départ du bateau. Nous embarquons avec quatre autres touristes, plus un pilote et un guide qui parle un très mauvais anglais, mais nous distribue parapluies et couvertures au cazou. Je décrète le cazou avéré et me drape immédiatement dans une sorte de grand mouchoir gris en refusant de penser à la dernière fois où il a dû passer en machine. A mi-trajet, la pluie recommence à tomber quoi que pas trop fort, et mon monde se rétrécit à la surface de mes lunettes tandis que je m’emballe jusqu’à ressembler à un croisement entre E.T. et soeur Marie-Thérèse des Batignolles. Je ne sens même plus mes pieds dans mes bottines en caoutchouc. Heureusement, Chouchou est bien couvert, lui, et ravi des photos qu’il prend.

Au retour, nous nous faisons déposer le plus près possible de la vieille ville et rentrons d’un pas pressé. Ma jauge d’essence interne est dans le rouge. Chouchou, cet ange vêtu d’une chaude parka à capuche doublée de fausse fourrure, se dévoue pour aller jusqu’au Carrefour le plus proche nous acheter de quoi dîner à l’appart pendant que je rentre directement. Il rapporte deux barquettes de pierogis (what else?) qu’il nous prépare avec un beurre à l’ail et au citron. Miam. Marche du jour: 12 500 pas. Victoire aux législatives polonaises de la coalition progressiste: probable – hourra!

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