Solitude de l’autiste

Mon principal sujet de réflexion du moment, c’est la façon dont mon diagnostic d’autisme a quasiment sonné le glas de ma vie sociale. A partir du moment où j’ai accepté que j’étais câblée différemment, que j’avais le droit de l’être et surtout que chercher à le dissimuler pour observer au mieux les conventions sociales en vigueur sapait mon énergie mentale aussi bien que physique, j’ai arrêté presque du jour au lendemain. Et ça a fait le vide autour de moi.

Parce que quand je ne masque pas, je m’exprime d’une façon tellement directe que la plupart des gens me trouvent brutale et agressive. Quand je ne masque pas, je ne supporte ni le bruit ni l’agitation et je demande qu’on parle plus bas, qu’on baisse le son de la télé ou qu’on se voie dans un endroit calme. Quand je ne masque pas, je ne feins pas d’empathie là où je n’en ressens pas, je ne fais pas semblant de m’intéresser aux choses qui m’ennuient, je réponds la vérité plutôt qu’un mensonge diplomatique si on me demande mon avis, je relève systématiquement les propos sexistes-racistes-validistes. Et ça passe très mal.

Ce que, croyez-le ou non, je comprends très bien. Oui, ça m’attriste de penser que mon vrai moi fait fuir la plupart des gens. Dans un monde idéal, les personnes neurotypiques auraient la patience et la largesse d’esprit d’accepter qu’on fonctionne hors de leurs normes. Mais possédant à titre personnel zéro patience et très peu de largesse d’esprit, je peux difficilement reprocher à quiconque d’en manquer envers moi.

En vérité, quel que soit le câblage des individus concernés, personne ne doit de relation à personne. Pas même au sein d’une famille. On a le droit de penser que je « ne supporte rien » ou que je « politise tout », que ça me rend chiante et que du coup, on n’a plus trop envie de me fréquenter. On a le droit de se dire qu’on ne reconnaît ni n’apprécie le nouveau moi qui a émergé suite à mon diagnostic. Ca ne fait pas de « on » un. méchant.e ou un.e égoïste.

Ca fait par contre de moi une personne très seule.

Du coup, si je veux quand même conserver un semblant de ces fameuses relations sociales qui, selon toutes les études scientifiques sur le sujet, sont le facteur numéro un de bonheur dans la vie des êtres humains, je n’ai pas des masses de possibilités. Je peux recommencer à masquer un chouïa, dans la limite de l’énergie dont je dispose. Je peux, au lieu de cultiver un très petit nombre de relations proches comme je l’ai fait jusqu’ici, me créer un réseau de relations nombreuses mais superficielles, histoire de limiter mon investissement émotionnel et de répartir les risques de rejet. Je peux rechercher uniquement la compagnie d’autres personnes neurodivergentes ou des rares neurotypiques qui parviennent à supporter ma façon d’être (merci à ma Ministre de Tout, qui se reconnaîtra).

Sinon, il me restera toujours la possibilité d’adopter douze chats.

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