Cette nuit, encore réveillée vers 2h30, j’ai fini par prendre un Témesta: bizarrement, les anxiolytiques apaisent peu mes angoisses, mais ils tendent à m’endormir. Et de fait, j’ai sombré assez rapidement ensuite. J’émerge à une heure raisonnable, genre 6h45, et d’une humeur passable. C’est toujours ça de pris.
Après un excellent petit déjeuner écossais dans la salle à manger de Fraser House (Leah a du thé vert, hourra!), nous traversons le « bouncy bridge » dont le tangage me file la gerbe et nous dirigeons vers la gare routière. Hier soir, après avoir constaté qu’Inverness ne nous occuperait pas un jour de plus, j’ai cherché une excursion en groupe à faire aujourd’hui dans les Highlands, mais tout était déjà complet ou hors de prix. Nous avons donc décidé de prendre le bus 302 pour nous rendre aux spectaculaires chutes de Foyers, histoire de marcher un peu dans la nature et de faire de belles photos.
Nous payons le sympathique chauffeur en Contactless, puis nous installons pour 50 mn de trajet. Seuls à bord, nous regardons défiler toute la longueur du Loch Ness sur notre droite avant de descendre au terminus. Le prochain bus retour est dans trois heures; c’est le temps dont nous disposons pour explorer les environs.
Une interminable suite de marches nous conduit jusqu’aux chutes supérieures. Déception: elles sont réduites à un simple filet d’eau. Ici aussi, la sècheresse a fait des ravages ces derniers mois… Nous poursuivons notre descente vers les chutes inférieures, mais aux trois quarts du chemin, nous croisons un couple qui en remonte et qui nous informe qu’il n’y a rien à voir plus bas: trop peu d’eau, trop de végétation autour. Grmbl. Nous faisons demi-tour dans un grincement d’abdos-fessiers.
De retour au niveau de la route, nous nous demandons comment occuper les presque deux heures qui nous restent. La piste aux écureuils qui redescend dans la même direction que les chutes ne me tente que moyennement. Chouchou suggère un autre itinéraire vers un pont en bordure du loch. Nous marchons beaucoup plus longtemps que prévu pour l’atteindre, et je commence à stresser à l’idée de devoir remonter à toute vitesse alors qu’il fait plus chaud que prévu et que nous devons encore déjeuner avant de prendre le bus de retour. En plus, le pont se révèle moche et passant au-dessus d’un lit de rivière à sec, très peu photogénique. Je dirais bien « un coup dans l’eau », mais justement pas. De rage, je fais pipi sur le bord de la route et cueille une jacinthe des bois pour la mettre à sécher entre les pages de mon livre. Oui, je sais qu’on n’est pas censé le faire.
Après avoir avalé deux paninis quelconques et une soupe indéfinissable au Waterfall Café, nous guettons le 302 qui arrive suffisamment en retard pour que mon niveau de stress soit encore monté d’un cran entre-temps. Nous en descendons à mi-chemin d’Inverness, au niveau de la plage de Dores Beach qui borde le Loch Ness. Quelques personnes bronzent sur les cailloux; deux ou trois courageux se baignent même dans l’eau glacée.
Notre shooting fini, nous renonçons à la petite randonnée repérée sur internet: je suis crevée et d’assez mauvais poil. A la place, nous allons nous poser au café de la Dores Inn, où nous commandons deux thés verts et un gâteau au chocolat pas mauvais du tout. Bien qu’ayant des billets retour pour le 302, nous avons vu qu’un 14 passait 20 mn avant, et nous décidons de le prendre pour gagner un peu de temps. Problème: c’est un bus fantôme. On se dit que tant pis, on attendra le 302 de 16h52. Problème: à 17h10, toujours pas de 302 à l’horizon. Quand il arrive enfin, je suis méga grognon et pas du tout contente de cette journée.
De retour à Fraser House, Chouchou empoigne notre sac de linge sale et file à la laverie voisine qui ferme dans 25 mn. Il a de la chance: les gentils propriétaires le laissent déborder de l’horaire le temps de faire une machine rapide et un tour de séchage. Pendant ce temps, je me prépare une tasse de thé avec la bouilloire de notre chambre; je me pose dans un fauteuil les pieds sur le rebord de la fenêtre qui fait face au fleuve et j’entame la lecture du roman de Claire Fuller. Un petit moment de détente bienvenu.
Car le plus frustrant de cette journée reste encore à venir. Vers 19h, nous décidons d’aller manger au restaurant The Waterfront, tout près de notre B&B. Là, l’hôtesse nous dit que c’est complet et qu’elle n’a pas de table libre avant 20h15. Malgré mes jambes qui protestent très fort, on repart donc en direction du centre-ville. Où on entre dans une demi-douzaine de restaurants de moins en moins tentants, et également tous complets. De désespoir, Chouchou finit par appeler le Waterfront pour demander si la proposition de table à 20h15 tient toujours. La serveuse lui répond que oui, et il réserve. L’estomac dans les talons, on retourne à Fraser House pour attendre.
A 20h15 pétantes, on débarque au Waterfront… où l’hôtesse ne trouve aucune trace de notre réservation et nous répète qu’ils sont complets. On ne peut même pas se faire livrer une pizza au B&B, parce qu’il est interdit de manger dans les chambres. Muette de frustration, de faim et d’énervement, je suis Chouchou jusqu’à un traiteur asiatique. On achète des plats à emporter qu’on va manger sur un banc au bord de la rivière, en plein vent glacial.
Je cale à la moitié de mon nasi goreng pas terrible et bien trop copieux, et comme je déteste jeter de la nourriture, je me mets à lancer les crevettes restantes à la mouette qui nous observe perchée sur le parapet. Oui, il y a des autocollants « DON’T FEED THE SEAGULLS » partout en ville, mais je suis d’une humeur massacrante et je m’en fous. Très vite, la mouette prend le coup de choper les crevettes au vol, ce qui m’amuse et me détend un peu. Il n’existe bien entendu aucune photo ou vidéo de mon acte de désobéissance civile.