Aujourd’hui, pas de centre-ville pour nous. Munis d’un pass journée pour les transports en commun (à £4.50 alors que le ticket un voyage sans correspondance coûte £1.80, il sera vite amorti!), nous prenons la direction de Dean Village, sur les berges de la Leith. Le bus nous laisse sur le pont qui surplombe ce quartier bien connu des amateurs de photo. Enfin, il paraît qu’il le surplombe: personnellement, mon regard ne passe pas au-dessus du parapet. Paye ton mètre cinquante-quatre.
La pluie menace sans se décider à tomber vraiment, et il ne fait pas trop froid – youpi. Nous ne sommes évidemment pas les seuls touristes à vouloir des photos sans personne dessus, mais les gens sont assez courtois et attendent leur tour sans râler aux différents points de vue. Bon, après, ça donnerait mieux si l’eau n’avait pas la couleur de la boue et si un rayon de soleil daignait percer les nuages, mais la nature est généralement assez peu réceptive à l’argument Instagram.
Ne voulant pas remonter la rivière jusqu’à son embouchure, nous finissons par la laisser derrière nous en gravissant un escalier de terre et de planches dont une habitante du coin nous a dit qu’il menait vers « les boutiques et les galeries ». Arrivés en haut, nous découvrons… une route goudronnée sans indications. Nous choisissons arbitrairement de tourner à gauche, et un peu plus loin, nous tombons sur le cimetière local dont je me souviens avoir lu qu’il était très beau. Alors, nous entrons.
Et de fait… Le lieu m’ensorcelle immédiatement. Le soleil tant attendu a enfin pointé le bout de son nez; il nimbe les allées d’une lumière vert pâle comme un voile d’absinthe. Nous sommes pratiquement seuls, hormis pour un bataillon d’écureuils gris et dodus qui folâtrent entre les tombes. Beaucoup de ces dernières sont marquées par des croix celtiques à la sobriété très éloignée des débauches d’anges, de marbre et d’arrangements floraux auxquelles les cimetières de chez nous m’ont habituée. L’atmosphère y gagne en sérénité ce qu’elle perd en romantisme gothique.
Soudain, je tombe en arrêt devant un immense saule pleureur dont les branches tombantes, nues en cette saison, forment un dôme au-dessus des pierres tombales dressées à son pied. Je demande à Chouchou de me photographier pendant que je passe en faisant voler ma jupe derrière moi. Comme d’habitude, on s’y reprend à plusieurs fois en regardant le résultat et en effectuant au fur et à mesure les corrections nécessaires. Chouchou vient juste de déclarer: « C’est bon, on la tient! » quand un monsieur souriant s’approche de nous. Il nous informe gentiment que nous sommes censés rester dans les allées et pas nous aventurer entre les tombes. Contrite, je m’excuse: je n’ai vu aucune indication dans ce sens et n’avais évidemment pas l’intention de manquer de respect aux occupants du lieu. Mais j’avoue que je suis très heureuse d’avoir fait cette série de photos.
Nous ressortons du cimetière à l’autre extrémité, où se dresse le musée d’art moderne. Nous y jetterions bien un oeil, mais il est inopinément fermé. L’app de transports en commun nous informe que pour prendre un bus jusqu’à notre destination suivante, nous devons repartir en sens inverse et marcher un long moment. Si long, en fait, que nous aurons déjà parcouru la moitié de la distance le temps d’atteindre l’arrêt. Et le quartier n’est pas particulièrement pittoresque. Tant pis, je flotte encore sur mon petit nuage.
Nous atteignons le jardin botanique vers midi. Le petit déjeuner étant déjà loin, nous fonçons directement vers le plus proche des deux restaurants du lieu, le Gateway. Il s’agit plutôt d’une cafétéria, mais avec une nourriture incroyablement variée et appétissante. Nous nous régalons avec notre suprême de poulet – même si j’ai beaucoup de mal à supporter le gamin qui hurle à la table de derrière pendant que sa mère surfe sur son téléphone sans broncher, ainsi que les deux autres mères de famille qui se parlent à un volume d’environ 300 décibels depuis les deux extrémités d’une table de 12 personnes.
Après ça, un petit tour à la boutique géniale qui recèle mille tentations. Je résiste vaillamment à un très beau pull Eribé, me contentant de craquer pour un puzzle champignons aux tons de l’arc-en-ciel. Nous sortons ensuite pour explorer le jardin, déjà visité mais dont je n’ai pas gardé de souvenir marquant. J’espérais y faire quelques photos supplémentaires dans un joli cadre verdoyant, mais la météo en décide autrement puisqu’il se met à pleuvoir assez fort. Je n’ai pas le courage de poser dans ces conditions. Nous filons donc vers l’un des points de chute que j’ai repérés à proximité de l’entrée Est du jardin.
Nous squattons au Krem Karamel une grande partie de l’après-midi. Déco über mignonne, employé.es adorables, gâteaux fabuleux: nous archi-validons. Et je sais que je me répète, mais glander dans un salon de thé avec mon iPad un bouquin reste un de mes plus grands plaisirs en voyage. Un excellent moyen de recharger les batteries dans des journées bien remplies, aussi.
A 16h45, comme indiqué sur les tickets que j’ai achetés en ligne hier, nous nous présentons à l’entrée Est du jardin botanique qui a fermé ses portes pour les visites classiques voici trois quarts d’heure. Aujourd’hui est l’avant-dernier jour du festival de lumières Christmas at the Botanics, dont les photos vues sur internet me faisaient terriblement envie. Et contrairement à d’autres événements du même type que je ne citerais pas (mais ça commence par Ar et ça finit par Ipotèr), la réalité dépasse mes attentes. Le jardin si tristounet cet après-midi sous la pluie se trouve transformé en un lieu magique et scintillant. Des musiques variées, allant du classique grandiloquent au chant de Noël sautillant, créent une atmosphère différente dans chaque zone du parc. La promenade dure environ une heure, et le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne regrette pas mes sous.
En sortant, il nous reste tout juste assez d’énergie pour prendre le bus jusqu’à Princes Street, effectuer une descente-éclair au Food Hall de Marks & Spencer où nous dévalisons le rayon gastropub, et prendre un second bus jusqu’à notre appartement. Ce fut une journée très agréable, remplie de belles découvertes, et nous avons beaucoup marché malgré notre longue pause de l’après-midi. D’ailleurs, mon Apple Watch me félicite.