Il est censé faire beau toute la journée. Aussi, j’ai prévu un shooting en bord de mer pour cet après-midi. Mais quand nous descendons du bus à Leith, le quartier le plus au nord d’Edimbourg, pour aller bruncher chez Mimi’s Bakehouse, il commence à pleuvoir, ce qui me met légèrement de mauvais poil.
J’ai choisi de venir manger dans ce restaurant-salon de thé excentré parce que nous y avions passé un moment calme et merveilleux autour d’un afternoon tea il y a six ans. Hélas, en ce vendredi midi, les deux salles sont bondées et les serveuses visiblement débordées. On nous installe à une table dans un coin, pas l’endroit le plus sympa de l’établissement, mais au moins, nous y sommes un peu isolés du bruit. Après quelques hésitations car tout a l’air bon, nous réclamons deux petits déjeuners écossais. C’est très bon, mais je n’ai plus l’habitude de manger des produits carnés en telle quantité, et je cale à la moitié de mon haggis et de mon boudin. Par ailleurs, je me suis encore fait avoir avec la confusion thé/tisane, pffff.
En dessert, j’aimerais une tranche de rainbow cake, mais il n’y en a plus le temps que nous passions commande. Je me dis que tant pis, je goûterai ailleurs plus tard. Cependant, Chouchou a été alléché par la vue d’un brownie à la framboise dans la vitrine des gâteaux, et il ne veut pas y renoncer. Vingt minutes plus tard, la serveuse ne nous l’a toujours pas apporté, et je jette des coups d’oeil nerveux par la fenêtre: le soleil est de sortie, nous avons bien trois quarts d’heure de trajet jusqu’à la plage et je ne voudrais pas rater cette occasion de poser au sec. Chouchou finit donc par prendre son brownie à emporter dans une mignonne boîte en carton.
Le trajet est un peu pénible: nous marchons un bon moment jusqu’à l’arrêt du bus, attendons longtemps, montons dans le mauvais, redescendons un arrêt plus loin, attendons encore et roulons pendant ce qui me semble une éternité avant de débarquer enfin à l’extrémité la plus proche de la plage de Portobello. Le soleil a tenu, ouf! Et bien qu’il soit à peine 14h30, il a déjà largement entamé sa descente vers l’horizon, ce qui donne une très belle lumière.
Une fois encore, je me félicite pour l’achat de mes bottines en caoutchouc qui me permettent de patauger allègrement dans l’eau de mer. La marée est en train de remonter, et il n’y a guère de monde sur la plage hormis quelques personnes qui promènent leur chien. Avant de commencer à shooter, je procède à mon traditionnel ramassage de coquillages pour la collection de « bocaux géologiques » qui orne une des étagères de ma bibliothèque. Puis Chouchou et moi cherchons les meilleurs angles et, après qu’on s’est mis d’accord, je le change en porte-manteau humain. D’abord le sac en bandoulière, puis la parka pendue sur sa tête par la capuche, puis l’écharpe autour du tout pour ne pas que le vent l’emporte.
Le vent est assez peu coopératif, et je galère pour obtenir un mouvement de jupe photogénique. Un bon cliché, c’est plus qu’un cadre exceptionnel, une très belle lumière ou un modèle bombesque (et heureusement pour moi). C’est une confluence de mille détails qu’on remarque seulement quand ils ne sont pas au top. On change d’angle trois fois, et je perds le compte du nombre de mes passages. Pauvre Chouchou qui, ce soir, va devoir trier des centaines de captures en rafale pour en extraire peut-être une ou eux images vraiment belles…
Tout de même, nous finissons par nous déclarer satisfaits et par reprendre le bus en direction du centre-ville. J’ai envie d’aller boire un verre au Cauldron, un bar à cocktails magique présent dans plusieurs grandes villes d’Europe et des USA. Clairement inspiré d’Harry Potter, il propose des décoctions au nom rigolo dont je me doute qu’elles ne rentreront pas le Top Ten de mes cocktails préférés de tous les temps. Mais comme tout le monde sans doute, j’y vais essentiellement pour la déco et l’ambiance.
Sur ce point, je dois dire que je ne suis pas déçue. En voyant les afternoon teas avec des plats à gâteaux qui brillent dans le noir, et les multiples alcôves occupées par des cours de potions, je me dis même que ça pourrait être sympa de s’inscrire pour l’un de ces derniers. Hélas! Le site internet de The Cauldron ne propose aucun créneau libre en Potions Lesson demain, notre dernier jour à Edimbourg.
Dépitée, je suis sur le point de laisser tomber, mais Chouchou a l’idée de chercher un créneau en Christmas Potions Lesson. Et là, miracle: il reste de la place à partir de 17h. (Un des hôtes m’expliquera plus tard que c’est normal: en cette période, le cours spécial Noël – avec des cocktails à thème – remplace le cours habituel). Je me hâte de réserver deux places. Ce sera un chouette moyen de conclure à la fois ce séjour et l’année 2022.
Lorsque nous ressortons, il est encore assez tôt même s’il fait nuit, et comme je compte dîner au restaurant pour une fois, nous devons trouver un moyen de tuer le temps en attendant une heure décente. Je suggère de marcher jusque chez Topping & Company, une librairie située à l’est du centre-ville dont j’ai lu le plus grand bien. La pluie a repris entre-temps, et je ne suis pas fâchée de pousser enfin la porte d’un lieu chaud, accueillant et rempli de bouquins. D’ailleurs, sans réfléchir, je le fais avec un grand geste des deux bras en criant « TA-DAAAAAAM! ». « C’est rien, elle est juste contente », explique Chouchou aux deux employées un peu surprises derrière la caisse voisine.
Ce n’est rien de le dire. Topping & Company est l’une des plus chouettes librairies que j’ai eu le plaisir de visiter jusqu’ici, un labyrinthe de petites salles sur deux étages, avec un plancher en bois clair, des étagères sol-plafond et des échelles coulissantes dont les clients ont le droit de se servir. La sélection de romans mis en avant sur de petites tables est tout à fait exquise, et je passe d’une pièce à l’autre en voulant tout acheter. Au final, je me contenterai d’un Virginia Woolf que je ne connaissais pas, dans une édition limitée ravissante, et des mémoires d’une libraire installée dans un petit village de Toscane, because le thème et la couverture trop jolie. Mais franchement, si j’habitais Edimbourg, cet endroit serait ma ruine.
Nous rebroussons chemin jusque chez Marks & Spencer pour y acheter de quoi manger demain soir. Puis nous dirigeons vers Dishoom, un resto indien très bien noté qui me fait envie depuis le début du séjour. Il est à peine 18h, et j’ai presque peur qu’ils n’acceptent pas de nous servir aussi tôt. Mais en arrivant à l’adresse indiquée, nous découvrons une file de plusieurs dizaines de personnes qui attendent une table sous la pluie. Ca ne va pas être possible. Retour en bus à l’appartement, où nous mangeons ce qui était censé être notre dîner de réveillon. Tant pis, on retournera faire des courses demain.