Ce matin au réveil, Chouchou m’annonce que les inondations dues aux fortes pluies récentes ont provoqué hier de grosses perturbations à l’aéroport d’Edimbourg, entraînant retards et annulations de vols. Sachant que nous devons repartir demain en milieu de journée, qui va stresser à mort jusque là? Non, pas Alain Delon.
Je tâche de mettre mon inquiétude de côté pour profiter à fond de notre dernière journée. Grâce à internet, j’ai retrouvé la trace du resto végan Hendersons, qui n’a pas disparu mais juste déménagé à l’autre bout des Meadows, et j’y ai réservé une table pour ce midi. Les nouveaux locaux sont beaucoup plus grands, même si je leur trouve un peu moins de charme. Mais la carte est toujours aussi alléchante.
Pour moi, ce sera les gnocchi avec une crème moutarde/chou-rave, fauxmage bleu, poire rôtie au miel et noix glacées. Pour Chouchou, le pain de noix avec légumes rôtis au sirop d’érable et sauce chocolat noir/bière brune. Nous nous régalons tous les deux, même si je trouve ma portion un peu chiche. En dessert, nous partageons un apple strudel dont je trouve le goût bizarre – pas déplaisant, mais pas ce à quoi je m’attends en l’absence de substitution majeure par rapport à la version omnivore.
Nous avons prévu de consacrer le début de l’après-midi à finir notre shopping. Sur le Royal Mile, je passe plusieurs minutes à écouter avec délectation le joueur de cornemuse qui n’était pas là mardi. A l’Edinburgh Woollen Mill où j’avais trouvé un pull torsadé qui me plaisait, mais où il n’y avait plus ma taille, je finis par acheter un autre modèle un peu moins doux mais dans lequel il reste du S. Dans Victoria Street, je résiste à la tentation de retourner dévaliser le Museum Context (je pense pas avoir de place dans mes bagages pour le fameux chaudron ouija) et me contente d’un petit tour à la librairie John Kay, spécialisées dans les jolies éditions limitées.
Dans Cockburn Street (l’autre rue très photogénique et donc très touristique de la vieille ville), je craque pour quelques babioles du très beau magasin de souvenirs Indie Edinburgh: un bothy en céramique pour ma collection, une assiette à dessert JimBobArt qui rejoindra les deux que je possède déjà, et un petit livre de recettes écossaises que je compte bien tester en attendant notre prochain séjour.
A la caisse, une pancarte précise « Card payment only », et comme ce n’est pas la première fois que je vois ça, j’en demande la raison aux vendeuses. « C’est parce que vous avez cessé d’utiliser du cash pour des raisons sanitaires pendant la pandémie, et que vous n’avez jamais recommencé? ». D’un air grave, l’une d’elles me répond que pas du tout. En fait, un autre commerçant de la rue s’est fait agresser alors qu’il portait sa recette en liquide à la banque, et depuis tous craignent pour leur sécurité. Triste mais compréhensible.
A 15h30, nous débarquons une dernière fois chez Waterstones pour y attendre tranquillement l’heure de notre cours de potions. Hélas, bien que le magasin reste ouvert plus tard, le café ferme à 16h. Nous avons juste le temps de boire un thé et, en ce qui me concerne, de profiter des toilettes pour nettoyer la fiente qu’un pigeon a obligeamment lâchée sur la capuche de ma parka plutôt que dans mes cheveux – merci à lui. C’est sans doute idiot, mais chaque fois que je sors de cette librairie en sachant que je n’y reviendrai pas avant mon prochain séjour en Ecosse, j’ai l’impression d’y laisser un petit bout de mon coeur.
C’est donc en avance que nous arrivons au Cauldron, où nous sommes accueillis par notre Potion Master Helen. Nous patientons le temps que notre future salle de cours soit prête, puis nous installons avec trois autres couples dont deux doivent partager une table (très contente que ça ne soit pas nous). Helen se lance dans un numéro bien rôdé pour nous présenter l’activité.
D’abord, nous allons nous faire servir un verre par l’une des trois têtes d’animaux mythiques dans l’entrée. Le basilic est en panne, et le dragon dispense une boisson alcoolisée: nous optons donc tous les deux pour Dolly la brebis magique et son mocktail de fruits exotiques. Afin de déclencher la chute du liquide, nous devons agiter la baguette magique qu’on nous a remise (et qui est probablement munie d’un aimant au bout pour déverrouiller différents mécanismes).
Nous revenons ensuite à notre table. Le cours de potions consiste à fabriquer deux cocktails, que j’ai choisis en version alcoolisée et Chouchou en version sans alcool. Nous nous asseyons l’un face à l’autre pour qu’il puisse me prendre en photo pendant que je suivrai les instructions des recettes. La première s’intitule Optimal Mirth (Réjouissance Maximale) et elle va consister à mélanger des épices réduites en poudre à deux boissons de densités différentes, qui se superposeront sans se fondre. Mon alcool principal est le Bailey’s, dont je ne raffole pas; aussi je me contente d’en boire quelques gorgées à la fin.
La deuxième potion (dont j’ai oublié le nom) est beaucoup plus amusante à préparer. D’abord, la baguette sert à déverrouiller le coffre posé sur notre table, et qui contient tous les ingrédients nécessaires. Ensuite, on mélange les ingrédients non plus dans des bocaux, mais dans un chaudron en fonte, youhou! Et à la fin, Helen passe nous distribuer de la Fairy Dust (Poudre des Fées) qui produit une fumée absolument géniale – en nous prévenant qu’on devra touiller jusqu’à dissipation complète pour ne pas s’empoisonner. Bien sûr, je ne peux m’empêcher de gesticuler au-dessus en grommelant: « Double, double, toil and trouble; fire burn and cauldon bubble! ».
Le second cocktail, à base de rhum, descend bien mieux que le premier. Nous quittons The Cauldron ravis de notre expérience; c’était vraiment très amusant, et une occasion parfaite pour étrenner la robe de sorcière que j’ai fait fabriquer et broder par Pinja Hekkinen.
Nous n’avons pas d’autres plans pour ce réveillon que le passer tranquilles à l’appartement. J’aurais aimé assister au feu d’artifice du Nouvel An, mais je sais que la foule, le bruit et l’heure tardive ne concourraient pas à créer une bonne expérience pour moi. Aussi, nous retournons une dernière fois chez Marks & Spencer pour piller le rayon gastropub. Bien entendu, d’autres ont eu cette idée avant nous, et les deux tiers des étagères réfrigérées sont vides, mais nous parvenons quand même à trouver notre bonheur.
Puis nous dirigeons vers l’arrêt de bus le plus proche. Qui ne l’est pas tant que ça, car Princes Street a été fermée à la circulation en vue des festivités imminentes. Des lumières bleues illuminent le château; entre deux chansons des Pet Shop Boys (les invités de ce soir), des haut-parleurs exhortent les gens à ne pas perdre de vue les ami.es avec qui ils sont venus, et à convenir d’un point de rendez-vous au cas où. Tout semble très bien organisé – mais bloque le départ de la ligne du tram de l’aéroport que nous sommes censés prendre demain matin. Je me prédis un début d’année quelque peu stressant.
En attendant, ce séjour à Edinburgh très réussi nous permet de clôturer 2022 sur une excellente note. Je me sens plus amoureuse que jamais de cette ville et de ce pays.