Lundi:
★ J’appelle le service client Paypal pour savoir si je pourrais faire jouer une quelconque assurance dans l’affaire de la robe sur mesure probablement ensevelie sous les gravats d’un atelier à Kyiv. Réponse laconique: « Vous devez ouvrir un litige contre la vendeuse, et puisque l’étiquette d’envoi a été émise mais que l’objet n’a pas été expédié, on débitera son compte pour vous rendre l’argent ». Même pas en rêve.
★ Finalement, je vais refuser le thriller adulte qu’on m’avait proposé il y a un mois et dont la VO vient juste de tomber. C’est un tome 2 et reprendre une série en cours n’est pas ce que je préfère; je n’adore pas non plus le style de l’autrice. Non, je n’ai rien d’autre dans mon planning à partir de début avril. Mais je ne flippe pas: ou bien je trouverai un autre boulot, ou bien je prendrai des vacances.
Mardi:
★ « Tout est nickel », m’annonce ma dentiste après un de ces détartrages sans douleur dont elle a le secret. Une bonne nouvelle? En ce moment? Pincez-moi, je rêve.
★ Comme j’avais prévu large pour la réservation au resto, j’ai le temps d’aller jusqu’au Mourillon en flânant le long de mon ancien lycée, de traquer des taralli et un panettone dans une épicerie italienne de la rue Lamalgue, de m’offrir deux jolies bricoles chez La Fiancée du Pirate, de déambuler le long des plages en me demandant qui sont tous ces gens en train de glander un jour de semaine à 11h45 et de prendre quelques selfies au bout d’une jetée.
★ Le plat de pâtes à 24€, ça commence à tabasser un poil, Marco, non? Mais OK: c’est très bon. Et puis manquer prendre un coup de soleil en déjeunant face à la mer un 8 mars, et se marrer avec une amie au point d’en oublier l’Ukraine l’espace de quelques minutes, ça n’a pas de prix.
Mercredi:
★ Mon oncle et ma tante passent à la maison chercher les cartons de brols que je leur mets de côté depuis le début de la pandémie. Je les aime bien et je suis contente de les voir, mais… Le Covid? « On nous a soûlés avec une grippe qui ne tue que les vieux et les gens en mauvaise santé. » Le réchauffement climatique? « Les médias exagèrent pour nous faire flipper. » Le chômage? « Il n’y en a pas en France; si on cherche du travail, on trouve. » La guerre en Ukraine? « De vulgaires conflits territoriaux qui ne nous concernent pas. » Bon, ben je trouverai quelqu’un d’autre à qui filer une procuration pour les prochaines élections.
Jeudi:
★ Une autre bonne nouvelle va nous permettre d’avancer, Chouchou et moi, sur un projet dont nous reportions l’exécution depuis trop longtemps.
Vendredi:
★ Alors que je m’apprête à entamer ma journée de travail, mon téléphone sonne. C’est un de mes éditeurs, qui ne m’annonce que des choses agréables. Mais quand je raccroche un quart d’heure plus tard, je suis lessivée, et je sais que je ne ferai rien de productif aujourd’hui – du moins, pas au niveau du boulot. N’étant pas à la bourre, je décide de me consacrer plutôt à des activités qui fermeront ma boucle de stress.
★ …Par exemple, entamer les démarches pour le Projet-Trop-Longtemps-Reporté. Ce qui ferme la boucle du stress téléphonique pour en ouvrir une autre: la boucle du stress administratif. Scrogneugneu.
★ Une amie à qui je me plains que tout serait quand même beaucoup plus simple si les gens m’obéissaient sans discuter me répond aimablement: « Oui Adolphine ». Moi qui ne suis que douceur, compréhension et amabilité (non).
Samedi:
★ Premier message lu à mon réveil: la logeuse Air Bnb annule notre réservation de dans 12 jours car elle a décidé d’héberger gratuitement des réfugiés ukrainiens. J’applaudis sa générosité, mais annule la sortie prévue ce midi et passe la journée devant mon ordi pour nous trouver un autre appart.
Dimanche:
★ Pour une fois que je me décide à aller faire le marché à une heure décente, il pleut et il n’y a pratiquement pas de stands dans le centre de Monpatelin. Verre à moitié plein: du coup, les gens ne se battent pas pour la cade, et il ne me faut que 30 secondes pour repartir avec la petite barquette qui me tiendra lieu de déjeuner.