Quand je me suis mise en quête d’un diagnostic d’autisme, c’était pour trouver un traitement adapté à mon trouble anxieux, et rien d’autre. Je pensais qu’à titre personnel, ça ne m’apprendrait et ne changerait rien. Surprise: j’avais tort. J’ai déjà parlé ici de l’immense déculpabilisation que ce diagnostic m’a apportée. En faisant sauter la surcouche émotionnelle qui venait s’ajouter à tous mes sujets de stress, il m’a immédiatement aidée à diminuer l’intensité de mes angoisses. Et sur du plus long terme, un autre phénomène inattendu est venu me fournir des solutions pratiques pour gérer ces dernières.
Avant d’entamer mon bilan neuropsy, j’avais dressé une liste de tout ce qui chez moi me semblait pouvoir relever de TSA. J’avais été étonnée de constater le nombre de mes troubles sensoriels: j’ai tellement l’habitude de faire avec au quotidien que j’avais fini par les considérer comme plus ou moins normaux, ou en tout cas anodins. Et puis, en matière de perceptions, on ne dispose jamais que de sa propre expérience. Le seul moyen de savoir que je possédais, par exemple, une sensibilité anormale au chaud et au froid, c’était de guetter les signes d’inconfort chez d’autres gens dans les mêmes circonstances. Et comme ils n’en manifestaient pas spécialement, je me disais juste qu’ils étaient plus stoïques ou moins chochottes que moi.
Mais discuter de l’ampleur de ces troubles sensoriels avec la neuropsy m’a confirmé que oui, je percevais certaines choses avec une acuité bien supérieure à celle des personnes neurotypiques. Dans le trio de tête, les bruits, les odeurs et les variations de température sont celles qui impactent le plus mon quotidien. J’ai aussi une très grande sensibilité dans le toucher. Je déteste le contact des liquides ou des matières humides – ce qui explique en partie mon pétage de plombs quand j’ai tenté de participer à un atelier de céramique: manipuler la glaise me causait un inconfort physique proche du dégoût. Je ne peux pas porter de pull en mohair ou en angora; sur ma peau, je ne trouve tolérable que la laine très douce genre cachemire, ou très rugueuse comme celles qu’on fabrique en Irlande ou en Ecosse.
On me dira que personne n’aime le vacarme, les mauvaises odeurs et les vêtements qui piquent. C’est vrai. C’est juste que dans mon cas, le curseur de sensibilité a une amplitude bien supérieure. Pour un même nombre de décibels, une personne neurotypique sera agacée pendant que j’aurai envie de tuer les gens qui parlent trop fort ou de me fracasser la tête contre les murs pour cesser de les entendre. Bien entendu, je n’en ai jamais rien fait et n’en ferai jamais rien. Mais prendre sur moi pour supporter ce genre de chose devient de plus en plus stressant au fur et à mesure que j’avance en âge, et je suis donc de moins en moins encline à me mettre dans des situations qui risquent de m’exposer à de tels stimuli.
Cependant depuis quelques mois, je me rends compte que cette hypersensibilité possède aussi un versant positif que je peux employer pour lutter contre mon anxiété. L’esprit et le corps sont des vases communicants: quand je forme des pensées anxieuses, mon rythme cardiaque et mon souffle accélèrent, ma gorge se noue, je me mets à transpirer… Mais traiter ces symptômes physiologiques (notamment par la méditation ou des exercices respiratoires) me procure un apaisement mental significatif. A l’inverse, si je néglige mon bien-être physique, je succombe beaucoup plus facilement à la négativité voire à la panique. Souvent, quand je me sens partir dans une spirale descendante, je peux l’arrêter ou au moins la freiner considérablement en faisant deux ou trois trucs très simples: boire un verre d’eau, manger une tartine, ôter ou rajouter une couche de vêtements, me brosser les dents et/ou me laver les cheveux, m’envelopper de ma couverture lourde ou réclamer un hug à mon amoureux, sortir prendre l’air et brûler quelques calories en marchant.
De la même manière, quand je me sens angoissée, les « petits plaisirs » auxquels tout le monde a recours en cas de coup de pompe ont chez moi des effets beaucoup plus radicaux que chez les personnes neurotypiques. Au lieu de continuer à traiter mon amour du lin comme un caprice de privilégiée, je me suis donc employée à en remplir ma garde-robe et mon placard à linge de maison. Cet hiver, je pense multiplier les plaids et les coussins avec juste le bon degré de moelleux. J’ai investi dans une seconde couverture lourde et j’envisage de cloner mon amoureux pour en avoir toujours un sous la main. J’ai pris l’habitude d’asperger mes draps d’eau de fleur d’oranger avant de me coucher, et mon corps d’une brume à la fleur d’oranger au sortir de la douche. En d’autres termes, je fais sans remords la chasse aux déclencheurs de stress, et j’abuse sans remords des déclencheurs de bien-être. Une méthode qu’on pourrait évidemment conseiller à n’importe qui, mais qui revêt une importance capitale et possède un impact décisif sur mes TSA.
Très très intéressant, comme toujours !
Pas de TSA pour moi, mais je coche presque toutes les cases pour les signes d'hypersensibilité..Je n'aime pas trop me definir ainsi car je ne me sens pas 'princesse au petit pois' mais les faits sont là..L'eau de fleur d'oranger a un effet immédiat quand je suis stressée, submergée..je la réserve aux jours difficiles. J'en bois souvent en tisane aussi, les boissons chaudes ont d'ailleurs un effet très bénéfique sur moi, j'en use et absuse. Tu as complètement raison de prendre soin de toi ainsi. J'ai trop longtemps attendu une compréhension ou une justification des mes "inconforts d'hypersensible" et ça m'a causé beaucoup trop de stress et d'angoisse, c'est néfaste pour soi et pour les autres (peu importe qu'ils le comprennent ou non).Je prends les transports plusieurs fois par semaine et pour échapper aux bruits envahissants (sans doute de simples conversations pour beaucoup de gens..) j'utilise une appli qui diffuse des bruits de nature : on crée son mix soi-même..Ça ne coupe pas le bruit des autres mais ça leurre le cerveau..ça marche très bien sur moi en tout cas! J'ai bien envie d'essayer les draps en lin..Et lire des blogs comme le tien fait également beaucoup de bien.
Toujours intéressant ce genre de témoignages ! Je suis ergothérapeute, formée aux troubles sensoriels, et j'accompagne des patients avec TSA, donc actuellement une jeune fille de 13 ans diagnostiquée très récemment. Ce qui est déroutant, c'est que si certaines personnes ont profil "hyper" comme vous, d'autres ont un profil "hypo" (voire même mixte selon le domaine concerné). Par exemple, l'adolescente en question ne ressent pas le chaud/froid. Il est nécessaire de lui dire d'enlever son pull lorsqu'elle est trempée de sueur… Pouvoir lire des témoignages sans filtres est enrichissant pour ma pratique, alors merci.