Le premier confinement a été pour moi une période très difficile, qui a culminé par des pulsions suicidaires auxquelles j’ai eu beaucoup de mal à résister. Très curieusement, le deuxième* se caractérise par une sérénité que je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà connue, et dont j’ai d’abord été la première étonnée.
Le fait d’être chez moi, dans un appartement relativement grand et agréable, dans le pays où je suis administrativement domiciliée et où j’ai mon suivi médical, a bien entendu joué d’une manière non négligeable. Je suis contente de pouvoir faire de petits travaux sans me bousculer, modifier la déco et l’aménagement qui n’avaient guère bougé depuis 17 ans afin de les adapter à mes goûts et mes besoins actuels. Et d’en profiter autrement qu’en coup de vent, aussi. Faire toutes ces choses qui me sont impossibles à Bruxelles par manque de place ou d’intimité. Ne me soucier que de mon propre rythme et de mes propres désirs. La vie à deux n’est pas quelque chose qui me vient naturellement; c’est un effort qui apporte souvent de très belles récompenses, mais un effort quand même. M’en dispenser quelques semaines ou quelques mois, à un moment où j’avais besoin de me recentrer, se révèle assez salutaire.
Ne plus pouvoir voyager me fend le coeur. Ne même pas pouvoir me promener à Toulon, aller voir une expo, manger au restaurant ou retrouver une amie pour boire un verre est évidemment ennuyeux. Mais l’impossibilité de faire des projets ou d’avoir des activités extérieures a aussi quelque chose de très libérateur. En temps normal, j’ai constamment des objectifs en ligne de mire. Un week-end sans sortie me semble un week-end perdu, et j’ai toujours au moins un city trip ou deux sur le feu. Non, personne ne m’y oblige; oui, ces projets font tout le sel de ma vie et sont une source de grande satisfaction. Ils sont aussi une grande source de stress, avant et pendant. Mon mode YOLO est activé en permanence, avec toute la pression que cela suppose. Je ne veux pas gaspiller le peu de temps que j’ai à passer sur Terre en n’en profitant pas assez. J’ai toujours peur de prendre la mauvaise décision, de me tromper dans mes choix, de ne pas réussir à créer l’expérience optimale. Ainsi la joie et l’anxiété sont inextricables chez moi: la première entraîne obligatoirement la seconde – et, ce qui est plus pervers, la seconde provoque souvent un shoot de la première au moment de sa résolution… mais c’est un autre problème que j’aborderai lors de ma prochaine séance de thérapie.
En temps normal, je suis incapable de ralentir et de laisser la vie me passer à côté. En ce moment, je n’ai pas le choix. On est tous à l’arrêt. Et putain, qu’est-ce que ça (me) fait du bien. Je me sens en vacances de tout. J’ai la chance d’être en bonne santé et de n’avoir pas de soucis financiers. Mon amoureux et ma famille me manquent énormément. Mais la routine de mes journées en solitaire agit sur mon cerveau tel un baume apaisant. Peu de libertés, c’est peu de décisions à prendre, donc peu de stress. Je travaille. Je commande des trucs sur internet pour recevoir des « surprises » dans ma boîte à lettres. Je lis, moins que d’habitude car j’ai vraiment du mal à me concentrer – et ce n’est pas grave. Je regarde des séries sur Netflix. Je fais des puzzles et des crumbles aux pommes. Je regarde le soleil se coucher tous les soirs par la fenêtre de mon bureau. Je dors d’un sommeil profond et sans rêves. Je savoure le calme en moi. Un calme dans lequel je peux enfin m’attaquer aux problèmes émotionnels qui me pourrissent la vie depuis une éternité.
*les grammairiens pointilleux apprécieront mon optimisme
Bon sang, j’ai failli m’étrangler avec mon chocolat en lisant la petite note en bas de page…
Je dois dire que dans tout ce stress, au fond, j’apprécie d’avoir une bonne excuse pour ne RIEN faire le week-end…
J'étais SÛRE en voyant l'astérisque que ta remarque serait celle-ci !!!
J'adore n'avoir aucun projet, rien à faire, personne à voir, être libre de ne suivre que mes impulsions (qui, la plupart du temps sont "cinéma – lecture – sieste – dessiner – film/série – verre en terrasse – coup de fil". J'aime pouvoir écrire sur mon planning "rien" en capitales, qui couvrent toute la page. Je suis ma meilleure compagnie, parce que, comme toi, j'ai une vie intérieure très riche. Il nous suffit de peu pour ne pas nous ennuyer (ou nous tourmenter, je sais).
Mis à part le chômage, qui peut être pesant, je voudrais que cette période ne finisse jamais… Un tel bonheur de pouvoir enfin prendre le temps, sans devoir en culpabiliser.
Il m'est arrivé tout à fait l'inverse : le premier confinement a fichu en l'air tous mes projets et remis à blanc mon calendrier, mais après deux semaines de stress, le reste du confinement a été très agréable. Ne rien faire, ne rien prévoir, laisser couler les jours…
Mais cette fois, je n'arrive pas à m'empêcher d'essayer de planifier l'après confinement. J'ai laissé de côté mes principes, et me suis fait livrer quelques colis. L'incertitude me fait stresser, et l'arrivée des fêtes de fin d'année (que je n'apprécie déjà pas en temps normal) n'arrange rien. J'aurais préféré que ce deuxième confinement soit maintenu strictement jusqu'à la fin de l'année, pour ne pas être tentée de profiter du relâchement des mesures.
Désolée, j'envoie de mauvaises ondes 🙁