Je n’ai pas eu d’enfants, et c’était la meilleure décision de ma vie

 

Quand j’avais 20 ans et que je disais ne pas vouloir d’enfants, on me répondait sur un ton un peu amusé que j’étais encore jeune et que je changerais d’avis plus tard. 

Quand, à l’âge de 23 ans, j’ai prévenu mon futur époux que je ne lui donnerais pas les 4 marmots dont il rêvait, il m’a répondu sur un ton condescendant que toutes les femmes veulent des enfants et que je changerais d’avis plus tard. (Je sais: ça aurait dû m’alerter sur le fait que cette union était une mauvaise idée. Mais au moins, c’était une mauvaise idée réversible, contrairement à… un enfant, oui.)

Quand j’ai eu 35 ans, beaucoup de gens que je connaissais à peine se sont permis de me dire que je devais me dépêcher, que si je n’avais pas d’enfants je le regretterais, que c’était la plus belle chose dans une vie de femme. Chaque fois, je devais me mordre la langue pour ne pas répondre que quand je voyais comment leurs gosses se comportaient et entendais la façon dont ils ne cessaient de s’en plaindre, ça ne me donnait pas franchement envie de jeter ma plaquette de pilules.

Quand j’ai eu 40 ans, les gens ont arrêté de m’en parler, même s’ils ont probablement continué à penser par-devers eux que j’avais loupé le coche et que je m’en mordrais les doigts un jour. 

Aujourd’hui, j’approche des 50 ans. J’ai commis un paquet d’erreurs dans ma vie, et je peux dresser une liste longue comme le bras de choses que je ferais différemment si je pouvais revenir en arrière. Mais s’il y en a UNE que je ne regrette pas, c’est de ne pas avoir eu d’enfants. 

Petite déjà, quand mes parents évoquaient notre avenir, à ma soeur et à moi, en impliquant que chacune de nous aurait un bon métier et sa propre famille, je ne parvenais pas du tout à me projeter dans ce schéma. Je pouvais m’imaginer exerçant diverses professions plus ou moins réalistes (hélas, peu d’alchimistes sévissaient encore dans la seconde moitié du 20ème siècle, et rares étaient les débouchés de la filière Fantômette), ayant des histoires d’amour ou voyageant à travers le monde, mais aucune de mes visions ne contenait le moindre enfant. 

Ne parlons même pas du dégoût primaire que m’inspirent la grossesse et l’accouchement: après tout, ça ne représente que quelques mois dans une vie. Mais le concept d’amour inconditionnel me dépasse, et j’ai zéro sens du sacrifice. Je ne supporte ni le bruit ni l’agitation. Je déteste les contraintes, particulièrement si elles sont répétitives. Le manque de sommeil me rend dingue; ne pas pouvoir disposer de mon temps comme je le souhaite me donne envie de m’étendre sur l’asphalte et me laisser mourir. Au quotidien, il y a des jours où c’est à peine si je tolère dans mon espace vital la présence d’un adulte autonome et discret que j’aime de tout mon coeur. Mon besoin de solitude est non-négociable. Je n’ai aucune pulsion maternante ou éducative, aucun besoin de transmettre quoi que ce soit. Je suis en révolte intime et profonde contre le rôle de la femme tel que défini par les sociétés occidentales – et la maternité y prend une part énorme. Que ces traits de caractère soient une manifestation d’autisme ou juste la marque d’un caractère terriblement auto-centré, peu importe dans le fond. 

Je n’étais pas faite pour la maternité, et c’était une certitude si forte que ni le désir de mon ex-mari, ni la déception de mes parents, ni la pression sociale continue jusqu’à mes 40 ans ne m’ont fait changer d’avis. Et, non, ma vie n’est ni triste ni vide: j’ai juste décidé de consacrer mon temps, mon énergie et mon argent à d’autres accomplissements. Je me fiche pas mal que les accomplissements en question pâlissent en regard de la maternité aux yeux de la plupart des gens. Moi, j’aime voyager, lire, écrire, dessiner et prendre mon temps. Me sentir aussi libre que peut l’être quelqu’une qui n’est pas née de parents millionnaires et qui doit avant tout se débrouiller pour gagner sa vie. J’accepte la contrainte du travail parce que je n’ai pas le choix, mais même celle-là, je l’ai aménagée autant qu’il m’était humainement possible, en choisissant de prendre un statut d’indépendante et de bosser depuis mon domicile. Mon chemin de vie a souvent été erratique – géographiquement et amoureusement, du moins – mais j’ai toujours eu l’indéracinable conviction que moi seule étais qualifiée pour décider de ce qui était bon pour moi, et que la plus grosse erreur que j’aurais pu commettre aurait été de suivre la voie tracée par les conventions sociales. 

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9 réflexions sur “Je n’ai pas eu d’enfants, et c’était la meilleure décision de ma vie”

  1. Je respecte totalement ton avis. Je ne me serais pas imaginée sans enfants, mais je ne conçois pas ça comme une chose que l’on peut imposer. D’ailleurs, c’est un sujet que j’ai abordé très tôt avec mon mari ( très tôt dans notre relation), histoire de vérifier qu’on était sur la même longueur d’ondes !
    J’en ai vu, des couples séparés à cause de ça. Mais j’ai vu aussi des femmes qui ont fait des enfants «  pour faire comme les autres », consciemment ou non, et au final personne n’était heureux, ni parents ni enfants.
    Je préfère nettement qu’une personne dise qu’elle ne veut pas d’enfant, sans qu’elle ait à justifier ses raisons.

    (Pour finir sur une note plus légère, j’ai explosé de rire à la filière Fantomette… Ça me fait penser à la note de Boulet, avec aussi le club des 5, Martine etc!)

  2. Je trouve tes mots si juste, j'en ai 2 et on ne me lâchait pas quand j'étais ballonné en disant; t'es enceinte?? ou quand on me disait , tu verras quand tu auras des enfants… Ton corps ne s'en remettra pas ou après avoir accouché: "t'as de grosses jambes". Et" c'est le même père?", ils ont une grande différence d'âge tes enfants… Tout ces propos sont sorti de la bouche de femme. Moi, je trouve çà toujours stupéfiant.

  3. Une fois de plus, collègue traductrice, tu m'enlèves presque tous les mots de la bouche… Quelques ajouts :
    – moi j'ai choisi de ne pas avoir d'enfants aussi et surtout parce que je ne me suis jamais senti le DROIT d'imposer "ça", la vie, à qui que ce soit. L'expression "faire cadeau de la vie" m'a toujours laissée perplexe, et plus je vois vers quoi on se dirige, plus je suis contente qu'aucun gamin sorti de mes entrailles n'ait à subir ça.
    – partant de là, j'ai toujours volé dans les plumes de ceux qui me traitaient sans ménagement d'égoïste parce que je n'en voulais pas : à l'heure de la contraception, c'est choisir d'en avoir qui est égoïste. Car si ce n'est pas pour le désir d'être enceinte/ne pas être seule dans la vieillesse/consolider son couple/avoir qq à bichonner, pour quelle raison vraiment altruiste voudrait-on projeter un enfant en ce bas monde ?!
    – je pense que j'aurais été bcp trop angoissée par la santé et le bien-être de ma progéniture pour faire une "bonne" mère, à savoir pas trop crampon et étouffante (pour tout le monde, conjoint et entourage familial/amical compris).
    – au moins je ne serai un fardeau pour personne quand je serai grabataire, l'assistance publique n'aura qu'à régler mes frais d'hospice avec les dizaines de milliers d'euros que j'aurai grassement lâchés au fisc pdt toute ma vie de nullipare juste bonne à payer pour les autres – de tt façon, comme je serai totalement sénile, je ne me rendrai pas compte du gourbi dans lequel je vivrai et personne ne devra se sentir obligé "d'aller voir mamie qui pique".
    Sur ces bonnes paroles qui évidemment n'engagent que moi, je tiens à préciser que malgré mes convictions, jamais je ne me suis permis de faire la moindre réflexion désobligeante/désagréable à une femme enceinte – contrairement à tous ceux qui ont abreuvé ma "jeunesse" des mêmes bons conseils que tu as toi aussi subis, Armalite. J'ai toujours reconnu à chacune le droit de se servir ou non de son utérus, et j'aurais beaucoup apprécié que les gens ne cherchent pas à me pousser à en avoir moi aussi juste pour valider leurs choix à eux – ce qui du coup m'a toujours obligée à justifier les miens.

  4. Ton article me parle également énormément.
    Par ailleurs, j'ai appris hier soir que ma tante allait poser des bougies pour moi dans une église pensant que j'avais terriblement besoin de l'accompagner divin pour avoir des enfants… et qu'elle harcelait ma maman pour qu'elle en fasse de même.
    Je me demande de quoi ils décideront de se mêler quand j'aurai passé l'âge…

    1. Je ne suis pas sûre que ta tante ait bien compris comment on fait les bébés ????

      (Bien du courage…)

  5. Tellement d'accord!

    Je n'ai jamais compris non plus l'idée du "cadeau de la vie". Je pense au contraire que la vie n'est pas du tout une partie de plaisir (surtout aujourd'hui en plus) et si mes parents ne m'avaient pas conçue, cela aurait surtout épargné bien des souffrances à tout le monde.

    Chaque fois qu'il m'arrive de parler de la vie en général avec d'autres personnes, j'ai envie de dire: "j'ai la chance de ne pas avoir d'enfants", mais je me retiens, parce que cette vision des choses est bien trop taboue. Mais moi, je le vois vraiment ainsi. Très régulièrement, avec l'état du monde actuel, pandémie, crise écologique, j'exprime pour moi-même la gratitude de ne pas avoir eu d'enfants.

    Merci pour ce billet qui permet de libérer la parole autour de ce sujet!

  6. Merci pour ce texte ! Je me retrouve totalement dans ton récit. Le bruit, le manque de sommeil, pas pédagogue du tout, et surtout "j'aime voyager, lire, écrire, dessiner et prendre mon temps".

    Je suis dans la tranche d'âge où on me dit que "je suis encore jeune et que je changerai d'avis plus tard" (les chances sont minimes, mais sait-on jamais). Que même si je n'aime pas les bébés, avec le mien, ce sera *différent*. Cela me rend un peu triste pour mes parents, qui rêvent de petits-enfants. Mais je ne me vois vraiment pas leur expliquer que "je vous ai enfantés pour par pression sociale, et pour faire plaisir à papi et mamie. Mais surtout, ne vous sentez pas obligés de faire comme moi !"

  7. J'aime, merci de partager ton témoignage ! On fait peser tellement de pression sur les femmes qui font ce choix, à essayer de les convaincre qu'elles se plantent, alors qu'on ne demande jamais à un futur parent s'il ne va pas le regretter pour les 18 ans et plus à venir… Et encore, cela n'est qu'une infime partie du problème tout entier.

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