Ma journée de traductrice littéraire

Je me lève généralement vers 9h. A mon grand regret, je ne suis pas du matin, et un des principaux avantages du statut d’indépendant, c’est bien de pouvoir décider de ses propres horaires de travail! Je passe la première heure à siroter un thé en faisant le tour des popotes sur internet, puis à 10 h tapantes (oui: je suis maniaque), j’entame mon quota de pages de la journée. 

Je suis disciplinée et régulière dans mon boulot; je ne fais absolument pas partie des gens galvanisés par le stress qui ne bossent jamais mieux que dans l’urgence. Quand je conviens d’une date de remise avec un éditeur, j’ai calculé le temps qu’il me fallait pour traduire le texte en bossant 4 jours et demi par semaine, et dans la mesure du possible, j’ai ajouté 20% pour pallier d’éventuels imprévus. En l’absence d’imprévus, je rends ma traduction en avance, et l’éditeur est ravi. Ca me laisse aussi un peu de marge si quelqu’un d’autre me propose un projet simultané et pas trop long, genre roman 9-12 ou bédé. Dans ce cas, je renonce à ma demi-journée de repos hebdomadaire et je croise les doigts pour ne pas tomber malade – en 25 ans, je ne l’ai jamais été. Il arrive qu’une migraine me foute une journée de taf en l’air, et je dois faire une gastro-éclair tous les 2 ou 3 ans, mais c’est tout. Pourvu que ça dure. Jusqu’ici, j’ai toujours été hyper ponctuelle dans mes rendus; c’est certainement une des raisons pour lesquelles je n’ai pas connu une seule période de chômage technique jusqu’en 2018: quand ils ont un délai impératif et très serré (par exemple, parce que la VO est tombée plus tard que prévu et qu’ils ne veulent pas repousser la parution française), mes clients savent qu’ils peuvent compter sur moi. 
Je bosse deux heures le matin; je m’interromps pour manger vers midi; je reprends à 14h pour deux heures de plus, parfois deux et demie ou trois en période chargée. Vous pensez sans doute que 4 ou 5 heures de travail par jour, c’est peu. Mais ce sont 4 ou 5 heures ininterrompues par des coups de fil, des réunions ou autres sollicitations extérieures, et je ne crois pas qu’en entreprise, un salarié soit productif chaque jour pendant une durée supérieure à ça. Quand j’ai commencé la traduction littéraire, je faisais des journées de 12h, 6 jours par semaine et 51 semaines par an. Ca a duré 7 ans en tout, et rétrospectivement, c’était quand même assez infernal. Au fur et à mesure que je décrochais des boulots mieux payés, j’en ai profité pour trouver un équilibre entre l’argent que je voulais gagner et le temps libre que je souhaitais conserver. Aujourd’hui, j’ai une vie de couple et des loisirs à préserver, et même sans cela, je serais tout à fait incapable de soutenir le même rythme qu’à mes débuts. Si je me force à continuer passé 5 heures de travail effectif, ma productivité baisse en flèche; mon cerveau se transforme en purée de citrouille, mon travail devient médiocre et je perds du temps à repasser dessus le lendemain. Aucun intérêt. 
Malgré des prises de tête occasionnelles – en ce moment, le transfert du recouvrement de nos cotisations sociales depuis l’Agessa vers l’URSSAF du Limousin… -, la partie administrative de mon travail est très réduite depuis que j’ai renoncé à déclarer mes droits d’auteur en Bénéfices Non-Commerciaux (un régime similaire à celui d’une entreprise, qui oblige à tenir une comptabilité bien précise) pour passer en Traitements et Salaires. Désormais, je me contente de tenir un tableau fiscal dans lequel je note les sommes touchées, les prélèvements effectués à la source par mes clients et le net à déclarer aux impôts. Je rassemble également dans un dossier informatique tous les justificatifs de paiements reçus ou effectués s’il s’agit de charges déductibles, et je ne manque jamais de relancer mes partenaires s’ils ont oublié de m’en adresser un. Cela m’épargne beaucoup de stress au moment d’effectuer ma déclaration de revenus annuelle. Autre tâche administrative à ne pas négliger, car elle est aussi rapide que lucrative: déclarer chacune de mes traductions parues à la Sofia, l’organisme chargé de nous reverser une fois par an les droits de prêt en bibliothèque et ceux perçus au titre de la copie numérique. Je fais tout cela au fur et à mesure, en début ou en fin de journée, car je déteste surcharger ma To Do List avec des tâches qui me prendront presque aussi longtemps à écrire qu’à effectuer immédiatement. 
Dans un prochain billet, je vous parlerai de ma méthodologie de travail proprement dite.

2 réflexions sur “Ma journée de traductrice littéraire”

  1. Bonjour Armalite,
    Merci pour ces partages du quotidien de traductrice littéraire. J'ai déjà hâte d'en apprendre davantage sur votre méthodologie de travail, et je suis également curieuse d'en savoir plus sur les ressources que vous employez, dictionnaires, base de données (mais c'est peut-être de la tambouille secrète de fabricant ?)
    Arrivez-vous à travailler sans vous disperser quand l'inspiration tombe en panne, à ne pas aller perdre de temps sur internet pendant ces 5 h quotidiennes ? Pour un travailleur à domicile, c'est toujours rude…

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