« Karmen » (Guillem March)

C’est rarissime que j’achète une bédé sans jamais en avoir entendu parler, et de surcroît sans qu’une quatrième de couverture m’indique vaguement à quoi m’attendre de la part de l’histoire. Quand j’ai emporté « Karmen » à la caisse de ma librairie, tout ce que je savais, c’est que j’étais intriguée par la couverture, et très attirée par le graphisme de l’auteur. 
Après avoir découvert que son ami d’enfance Xisco, dont elle est secrètement amoureuse, trompe sa copine officielle avec sa coloc, Catalina se taillade les veines dans la salle de bain de son appartement d’étudiante. Une étrange jeune femme aux cheveux roses et à la combinaison de squelette lui apparaît alors. Elle s’appelle Karmen, et avec une compassion à laquelle on ne s’attend guère de la part d’une faucheuse, elle entraîne Catalina dans une drôle d’exploration – déjà en marge de la vie, pas encore tout à fait dans la mort.

Bien que vaguement agacée par le fait que, suicidée dans sa baignoire, l’héroïne reste nue durant 160 pages, je me suis laissée entraîner de bonne grâce dans ce périple introspectif. Visuellement, tout est superbe: le survol des rues de Palma de Majorque, les plongées fugaces dans les souvenirs d’autres humains, les représentations de concepts métaphysiques ou du monde parallèle des faucheuses… Petit à petit, Catalina prend conscience de ses erreurs et les regrette; Catalina sort enfin la tête de son nombril pour s’intéresser aux autres. Trop tard?

Face à elle, l’insaisissable Karmen ne dévoile jamais son jeu. Le peu qu’on apprend de ses motivations, on le doit à l’hostilité de ses collègues qui désapprouvent ses méthodes peu orthodoxes. Les pages se tournent toutes seules, la fin surprend agréablement, et on referme cette bédé sourire aux lèvres. Sur un sujet pareil, « Karmen » aurait pu être macabre ou plombante; mais outre ses indéniables talents graphiques, Guillem March réussit à trouver le juste équilibre entre légèreté et profondeur qui lui permet de faire réfléchir le lecteur sans jamais cesser de le divertir. Une belle découverte. 

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