
Grâce à notre repérage d’hier soir, nous arrivons au terminal des ferries sans encombre et très en avance, ce qui grâce à la procédure de Standby (attribution des places libres en dernière minute) nous permet de nous caser sur celui de 12h au lieu du 12h30 pour lequel nous avions réservé. Le Turbojet est très différent des petits ferries que nous avons pris jusqu’ici pour passer de Hong Kong Island à Kowloon, ou même pour aller à Cheung Chau: c’est un monstre dans lequel les places sont numérotées, où on doit attacher sa ceinture et éviter de se déplacer pendant le voyage comme en avion. J’ai pris un anti-nauséeux pour éviter le mal de mer, et le trajet se déroule sans encombre.
Au vu du plan de Macao, des distances et des prévisions météo, nous avions décidé de tout faire à pied. Malheureusement, aucun des nuages prévus ne daigne pointer le bout de son nez; le soleil cogne dur une fois de plus, et rien ou presque n’est prévu pour quitter le terminal maritime autrement qu’en véhicule motorisé. Nous galérons beaucoup pour sortir de là, risquons l’insolation sur les quelques centaines de mètres de passerelle bitumée et non ombragée qui nous séparent des premières rues et atteignons ces dernières en fort mauvais état. Voulant être en mesure de prendre le bus (qu’on ne peut payer qu’en monnaie locale – le MOP, ou Macau Pataca – et avec l’appoint), je me décide à retirer de l’argent au premier distributeur que je vois et à faire de la monnaie le plus vite possible.
Une fois n’est pas coutume, j’ai délégué à Chouchou l’organisation de la journée: je ne voulais rien faire de spécial ici, juste balader et prendre des photos. La première étape qu’il a choisie est le Jardim da Flora, un parc situé sur une colline depuis le sommet de laquelle on peut embrasser la ville du regard. Pour nous épargner une ascension pénible, je décide de « casser » un billet en achetant deux tickets de téléphérique. Et comme tout ici est écrit en deux langues, chinois et portugais, je sors mon plus bel accent pour réclamer « Dos viagens simples ». Puis face à l’incompréhension totale de l’employée, je me rabats sur un bête « Two one-way tickets ». 

Le point de vue révèle une ville grise et moche qui ne fait pas du tout envie. C’est accablée par la chaleur que je suis Chouchou vers les rues de l’ancien centre portugais: n’ayant que la journée à passer ici et n’aimant les jeux d’argent ni l’un ni l’autre, nous avons décidé de zapper la partie de la ville dédiée aux casinos. Vu de près, l’ancien centre portugais n’est pas dénué d’un certain charme décrépit, même si le mélange culturel reste assez curieux. Les barreaux aux balcons me donnent l’impression d’un gigantesque cité-prison, mais passons.

Arrêt suivant: les célèbres ruines de St-Paul, devant lesquelles se masse une foule ahurissante. Je ne comprends pas. C’est juste une façade d’église écroulée, même pas particulièrement belle. Il doit me manquer une info: en fait, l’ancienne entrée est un portail de téléportation, ou a le pouvoir de rajeunir de 20 ans tous ceux qui la franchissent. Je ne vois pas d’autre explication à cette marée humaine que la police doit canaliser dans les rues environnantes, et contre laquelle nous allons lutter quasiment jusqu’à notre départ.


Avec tout ça, il est presque 16h. Autant pour nous remplir l’estomac que pour échapper un moment à la foule, nous entrons un peu au hasard dans une petite cantine locale où nous sommes les seuls touristes. Nous y mangeons très correctement pour une somme dérisoire. Niveau boisson, la Fruit Ice commandée au hasard se révèle être de la macédoine de fruits en boîte, avec un peu de son sirop délayé à l’eau et additionné de beaucoup de petits glaçons. Bon, pourquoi pas. Chouchou a opté pour une tisane d’herbes chinoises dont le goût premier de caramel laisse ensuite une forte amertume sur la langue. Quand je veux aller faire pipi, je découvre des toilettes à la turque sans le moindre papier ou indice permettant de supposer qu’il y en a d’habitude. Je ressors pour manifester mon désarroi. Le propriétaire se marre et me répond « Bah, nous, on n’en utilise pas », mais me tend gentiment une boîte de Kleenex toute neuve. Depuis notre arrivée en Chine, je suis constamment agacée par l’absence de serviettes dans les restaurants, mais celle-là, on ne me l’avait pas encore faite!



On poursuit notre circuit par la rue da Felicidade, dans laquelle s’alignent de vieilles boutiques aux portes et volets peints en rouge. Je fais l’emplette d’une boîte de très jolis sablés frappés d’un idéogramme en me disant qu’on les grignotera dans le ferry du retour. Passage par Senado Square, toujours au milieu d’une foule compacte qui, additionnée à la pollution de l’air, me donne un peu envie de hurler. On réussit à s’en échapper brièvement du côté de la Mandarin’s House, la plus grande demeure privée de Macao aux ouvertures rondes très reconnaissables (et très instagrammables) qui se visite gratuitement. Comme une grande partie est en rénovation, on ne s’attarde pas.

Il est encore assez tôt, mais on est bien fatigués. Chouchou a encore noté deux endroits où il voudrait faire des photos, mais qui se situent complètement à l’opposé du centre (et où nous ne sommes pas allés en premier parce que nous n’étions pas sûrs d’avoir le temps et l’énergie, et qu’ils n’étaient pas prioritaires). Pour lui faire plaisir, je lui dis: « Allez, on y va ». Hé ben, ça m’apprendra. Après une marche épuisante pour les jambes et les nerfs, on arrive rua Sul do Patane où se trouve un ensemble de hauts immeubles qui permet de faire des clichés impressionnants quand on se place au centre. Le problème, c’est que Chouchou ne sait pas comment atteindre le centre et ne trouve pas l’info sur internet. Quand il finit par capituler, j’ai deux choix: je l’étrangle de dépit d’avoir fait tout ça pour rien, ou je trouve une solution.
Je me dirige vers la seule entrée privative qui semble correspondre au bloc, attends que quelqu’un rentre, glisse le pied dans la porte pour l’empêcher de se refermer, recule en prenant un air dégagé comme il arrive d’autres gens, et répète la manoeuvre tant de fois que je finis par en avoir marre et fonce à l’intérieur, jusqu’au pied des ascenseurs où attendent une dizaine de personnes. Là, je lance à la cantonade: « Quelqu’un parle anglais? » Un jeune homme tente timidement d’engager la conversation avec un vocabulaire de 32 mots et un accent à couper au couteau. Je mimexplique notre objectif. Il semble fort étonné d’apprendre qu’il y a de belles photos à faire dans son bloc d’immeubles, mais nous entraîne vers la loge du concierge auquel il traduit la question pour nous. Puis il nous rapporte maladroitement qu’il faut prendre l’escalier de service pour monter jusqu’au parking du 2ème étage – ou du 3ème, ce sera mieux. Je remercie profusément cette bonne âme et me rue dans l’escalier. J’en ai marre et je veux en finir.

…Non, moi non plus, je ne vois pas l’intérêt, mais Chouchou est content (il faisait encore jour quand on est arrivés dans le quartier, ce qui aurait sans doute donné de meilleures images, mais la nuit tombe vite par ici). Après ça, j’exige de retourner au terminal maritime immédiatement et en bus. On trouve une ligne qui ne passe pas loin. Fréquence des bus à cette heure-ci: toutes les 5 à 8 minutes selon l’affichage. En fait, il va s’écouler près de 25 mn sans qu’on voie aucun n°32, et surtout sans qu’aucun n°32 soit annoncé en approche contrairement aux bus de toutes les autres lignes – là encore, merci les restes de portugais. Je suis un peu au bout de ma vie et de mes nerfs quand le bus tant attendu apparaît enfin au loin. On glisse les 12 poulouts de monnaie que j’ai soigneusement réunis dans l’après-midi, et vingt minutes plus tard, on descend au terminal maritime. Il est environ 19h, ce qui nous laisse tout le temps de manger un morceau puis de tenter le standby pour un des ferries précédant celui de 22h05 sur lequel nous avons réservé, pensant que Macao nous enthousiasmerait plus que ça et qu’on voudrait en profiter un maximum.
On fait un repas correct à un prix correct dans un des rares restaurants du dernier étage. Puis on se dirige vers la file Standby du prochain ferry qui quitte Macao pour Hong Kong. Trop de monde, on ne passera pas. On file vers le quai de départ du suivant. Là, quelqu’un fait remarquer à Chouchou que d’après nos billets, notre destination n’est pas Hong Kong (autrement dit, Hong Kong Island), mais Kowloon (qui se situe en face). En fait, nos billets nous donnent le droit de prendre les bateaux qui vont aux deux endroits, mais nous ne le découvrirons que lorsqu’il sera trop tard. Le prochain départ pour Kowloon est à 21h05 et au quai 13. On se rend sur place; comme il n’est même pas 20h30, on est les premiers dans la file. Et on attend, et on attend, sans voir arriver personne d’autre. L’employée préposée à l’embarquement au quai 14 finit par avoir pitié de nous et nous informe que le départ de 21h05 a été déplacé au quai 12 qui se trouve… à l’autre bout du terminal. Le temps qu’on s’y rende, il doit y avoir soixante personnes avant nous dans la file Standby. Alors, quand les passagers avec réservation ont fini d’embarquer, que les places libres se débloquent, que notre file avance d’un coup et qu’un grand Chinois solitaire en profite pour resquiller en me passant devant, je me dis: « Bah, pas la peine de faire ta chieuse, ça va pas se jouer à une personne près », et je ne dis rien au lieu de rouspéter vertement comme je le fais d’habitude. Résultat, le grand Chinois passe, puis l’employé nous arrête, Chouchou et moi, en levant le pouce pour signifier qu’il ne reste plus qu’un seul siège. Ca m’apprendra à être coulante, putain.
Pour la peine, on repart au quai 13 où on attend dans une salle lugubre et glaciale pendant une heure de plus – jusqu’à l’embarquement du ferry pour lequel on a réservé. La mer est agitée au retour et je n’ai pas pensé à prendre d’anti-nauséeux; heureusement, on arrive avant que je me sente vraiment mal. On galère un peu pour sortir du gigantesque centre commercial qui englobe le terminal de Kowloon et où tout est évidemment fermé à cette heure-ci, y compris la plupart des issues. Le temps d’arriver à l’hôtel lessivés, il est minuit, et j’ai détesté cette journée de tout mon coeur. Pour finir sur une bonne note, je me dis que je vais goûter un des biscuits achetés dans l’après-midi: ils ont un goût de pâtés de sable additionné de cacahouètes.

Oh punaise! Je suis tellement désolée pour toi!
Je te tire mon chapeau. Je pense que j'aurais ait une crise de nerfs.
J'ajoute cette destination à la liste des endroits où je ne mettrai jamais les pieds.
Oh, moi qui pensais que St. Paul réussirait à vous convaincre un peu plus ^^
Concernant le mystère des mouchoirs : à chaque fois que tu achètes un journal, tu as un paquet de mouchoirs, si bien qu’on en a plus souvent trop que pas assez. Alors certes, il faut se sacrifier et prendre son journal en chinois ^^ ou bien voyager avec des mouchoirs.
@shermane: J'avais fini par remarquer que la plupart des gens avaient ces petites pochettes de mouchoirs dans leur sac. Au Japon, j'ai bien vu que c'était des supports publicitaires qu'on distribuait à tour de bras dans la rue, mais là, je ne comprenais pas leur provenance. Je me coucherai moins bête!