[HONG KONG] Où on retombe sur nos pattes par inadvertance

Malgré la rusticité des lits, nous avons bien dormi tous les deux. En milieu fin de matinée, nous prenons le métro jusqu’à Diamond Hill, dans le nord de Kowloon, pour y découvrir un écrin de verdure niché sous un échangeur autoroutier et cerné par les gratte-ciel: le jardin zen Nan Lian. Contraste aigu entre le cadre hyper-urbain, la foule de visiteuses piaillantes (Chouchou est quasiment le seul homme que j’aperçois) et la sérénité qui se dégage des sublimes bonsaïs, du musée de la menuiserie japonaise ou de la cascade au moulin. Juste à côté, le couvent de Chi Lin abrite dans son enceinte des mares aux nénuphars survolées par des essaims de libellules mutantes et de gigantesques statues de Bouddha dorées à l’or fin. Chouchou me demande de prendre sa photo sous un auvent mais tient à faire lui-même les réglages de son appareil en m’utilisant comme doublure lumière. Pour me mettre à sa hauteur, je grimpe sur une petite margelle, et un garde se précipite vers moi en vociférant. Je saute à terre en bredouillant: « Sorry, sorry! » Après le vol de taxes à Singapour, voilà que je fais dans le vandalisme religieux à Hong Kong.

Nous décidons de déjeuner au restaurant végétarien du couvent. Lorsque nous arrivons, il reste juste deux places à une table de quatre, à côté de deux connaissances (un homme blanc, une femme asiatique) qui discutent boulot en anglais. Nous commandons le menu le plus simple, ainsi que deux limonades aux agrumes locaux, et voyons arriver une multitude de jolis petits plats plus appétissants les uns que les autres. Je savoure en me disant qu’il faudrait faire goûter ça à tous les gens qui pensent qu’un repas sans viande est un repas triste. C’est varié, subtil, plein de goût, à la fois nourrissant et digeste. J’aime particulièrement les protéines de soja cuisinées en sauce: tant dans la texture que dans le goût, on jurerait du porc aigre-doux. Et les différentes variétés de champignons! Et les fleurs de je-ne-sais-plus-quoi sur la salade! (Je-ne-sais-plus-quoi, parce que le menu que j’ai emporté pour pouvoir le décrire dans ce billet était entièrement en chinois, ha ha ha.) Bref, on se régale, pour une addition qui se monte à environ 35€ au total. Et quand on repart, des dizaines de personnes attendent dans le couloir: on a bien fait de venir tôt!

Métro en sens inverse et descente à Prince Edward. Le marché aux fleurs n’est qu’une suite de boutiques en dur le long d’une rue au trottoir fort encombré; j’y aperçois beaucoup de jolies choses mais, puisque je ne peux en rapporter aucune, je ne m’attarde pas. Au bout, il y a le marché aux oiseaux, censément pittoresque et photogénique. Mais la vue de tous ces petits piafs dans des cages à peine plus grosses qu’eux, de ces nombreux perroquets enchaînés par la patte qui attaquent désespérément leurs entraves me donne vite la nausée. J’ai juste envie de les libérer tous. Même Chouchou qui n’est guère sensible à la cause animale dans l’ensemble est écoeuré et veut s’en aller.

Comme il n’est pas tard, nous décidons de redescendre Nathan Road à pied au lieu de prendre le métro. Ce qui nous permet d’assister à un spectacle étrange: une manifestation très organisée et très virulente, de gens en jaune qui scandent des slogans en frappant sur des tambours et en marchant sur la voie du milieu tandis que voitures et bus continuent à circuler de part et d’autre. Le long des trottoirs, d’autres gens non moins virulents mais  immobiles et vêtus de rose ou de bleu foncé crient que Falun Gong est maléfique et que Li Hongzhi pue du cul, ou un truc du style. La foule s’accumule sur les trottoirs, rendant la progression difficile. Du coup, je me réfugie dans un magasin de cosmétiques pour acheter des masques coréens, et Chouchou profite du wifi gratuit pour se renseigner. En fait, les gens en jaune insultent « le spectre démoniaque du communisme qui dirige notre monde »; les autres sont des contre-manifestants super remontés contre un mouvement de qigong qui détourne les Chinois du communisme. La tension dans l’air est palpable. Tout comme ma joie quand je découvre des masques ornés de dessins des personnages de Versailles no Bara (Lady Oscar en français). J’ai bien assez de mes propres préoccupations politiques; je ne vais pas en plus me projeter dans celles des autres.


Un petit tour dans le grand magasin de papeterie CN Square où je déniche un joli agenda 2019 très peu cher ainsi que quelques nouveaux rouleaux de masking tape, et nous rentrons à l’hôtel pour nous reposer jusqu’à l’heure du dîner. J’en profite pour tester un masque rafraîchissant pour les pieds à l’eucalyptus – une tuerie. En cherchant un resto sympa, je tombe sur un café Alice au Pays des Merveilles et réserve immédiatement. Une fois sur place, je m’en mords assez vite les doigts. D’abord, la déco est loin d’être aussi géniale que promis. Ensuite, la serveuse se plante dans notre commande de boissons. Puis le risotto de Chouchou met une demi-heure à arriver seul sur notre table, où mes pâtes ne le rejoignent qu’un quart d’heure plus tard quand son assiette est vide. La bouffe est correcte, sans plus, et bien trop chère pour la qualité du coup. Cerise sur le gâteau: on ne peut payer qu’en cash, alors que je tentais d’économiser le mien pour ne pas devoir fair un second retrait avant la fin du séjour. Bref, je ne suis pas séduite, et je le ferai savoir sans ambiguïté sur TripAdvisor.

Alors que nous redescendons à pied vers l’hôtel, avec un petit détour par une librairie encore ouverte à presque 21h (comme tous les autres commerces du quartier, en fait), des détonations éclatent au loin. Je repense aux manifestants de cet après-midi et, l’espace d’une seconde, je me dis: « Ca y est, c’est la révolution ». Puis je réalise que même si nous avons renoncé à aller à Macao pour voir les feux d’artifice, c’est la fête nationale chinoise aujourd’hui, et il n’y a pas de raison que Hong Kong ne la célèbre pas également. C’est même à cause de ça que j’ai organisé notre séjour à ces dates précises, en écourtant le crochet par Singapour pour le caser entre le festival des lanternes et la fête nationale chinoise. Nous ne sommes pas les seuls étourdis: une foule compacte, jusque là occupée à vaquer à tout autre chose, s’élance vers le port en même temps que nous, sur Nathan Road dont la police a fermé le centre à la circulation.

Nous sommes à un quart d’heure à pied; Chouchou veut prendre le métro mais pour une station, j’estime que ça n’en vaut pas la peine, qu’il vaut mieux rester en surface et déjà regarder ce qu’on peut entre les arbres. C’est une drôle de course marche rapide en mode stormtrooper, durant laquelle Chouchou me suit en me filmant à mon insu. Au bout d’un moment, les spectateurs deviennent trop nombreux pour que je puisse facilement me faufiler. Le feu d’artifice doit être sublime depuis le port, mais nous ne l’atteindrons jamais avant la fin. « On reste là », dis-je à Chouchou. Une ou deux minutes plus tard, le bouquet final éclate. C’était toujours moins bien qu’à Carcassonne le 14 juillet. Chouchou, qui a tout filmé, se fait apostropher par un couple de jeunes Asiatiques: « Vous pouvez nous envoyer la vidéo par Air Drop, s’il vous plaît, s’il vous plaîîîît? » supplie la fille. Ce qu’il fait, bien sûr. Un petit moment rigolo pour conclure une soirée assez étrange, et ma deuxième journée préférée du voyage jusqu’ici. 
La folle vidéo du jour sera linkée ici une fois en ligne. 

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2 réflexions sur “[HONG KONG] Où on retombe sur nos pattes par inadvertance”

  1. Si les fleurs sur la salade t’empêchent de dormir, tu peux toujours m’envoyer la photo pour que je la déchiffre 🙂

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