
Pour notre dernier jour à Singapour, nous quittons l’hôtel à 11h30 en laissant nos bagages à la réception et prenons le marché direction Tiong Bahru, un autre quartier chinois voisin de Chinatown dont le marché couvert abrite un food court renommé. Je fais la queue à un des tout premiers stands près de l’entrée, où une longue file d’attente témoigne que le hainanese boneless chicken rice à 2€ la portion n’a pas volé son macaron Michelin. « Euh, donc, c’est un blanc de poulet avec du riz nature? » s’étonne Chouchou quand on récupère nos plateaux. Mais sous la simplicité apparente du plat (version citron pour lui, rôti pour moi), tout est parfaitement cuit, délicatement parfumé avec de la coriandre et autres herbes aromatiques et encore plus délicieux une fois qu’on y a rajouté une sauce au gingembre frais.





Comme il me reste un peu de place à la fin, je propose à Chouchou de tester un dessert bizarre et rigolo, l’ais kachang: de la glace pilée aromatisée avec de la gelée de fruits multicolores, du sirop, des bonbons… Un de mes guides recommandait le stand Tian Tuan Yuan Dessert House. Je choisis un peu au pif un Three Treasures Happiness en m’attendant au pire, et en fait, je trouve ça très sympa – frais, léger et acidulé. Si je n’avais pas peur d’abuser, j’en prendrais un deuxième. Nous quittons la grande table sale (je voudrais qu’on m’explique pourquoi la plupart des restos et des stands de bouffe d’ici ne donnent pas de serviettes) et allons docilement déposer nos plateaux dans un grand meuble séparé en catégories « halal et « non halal ». J’ai déjà mentionné que j’aime la tolérance qui semble régner à Singapour?

Sous un soleil de plomb, nous nous glissons dans les ruelles voisines où nous avons la surprise de tomber sur deux magnifiques fresques murales – ce qui me fait prendre conscience que nous n’avons pas vu un seul graffiti depuis notre arrivée. Ca n’a rien d’étonnant quand on sait combien les lois locales sont strictes vis-à-vis du respect de l’espace public. Oui, c’est un système assez répressif, mais qui semble fonctionner franchement bien. Les gens ont un comportement civique; on ne sent aucune agressivité entre les différentes ethnies, aucune insécurité dans les rues; il n’y a pas d’ordures par terre ni de vandalisme. Et partout, des campagnes d’affichage invitent à l’inclusion sociale des personnes atteintes de handicap physique ou de maladie mentale, à la modération alimentaire ou à une réduction de la consommation de plastique d’une façon toujours bienveillante et intelligente. Je sens Chouchou faiblir un peu plus chaque fois que je susurre « Team Dictature Bienveillante ». Moi aussi, en théorie, je préfère la démocratie, mais dans la pratique, quand on voit ce que ça donne en ce moment… Bref.



Dans une petite rue au milieu de nulle part, nous découvrons émerveillés la librairie anglophone BooksActually, avec sa petite boutique de brols vintage dans le fond, ses trois chats qu’il faut faire attention à ne pas laisser sortir, son distributeur de livres emballés qu’on achète en aveugle et surtout les publications du label maison, Math Paper Press, avec des couvertures toutes plus sublimes les unes que les autres. Les bouquins ne sont pas donnés, et je n’ai pas vraiment de place dans mon sac à dos, mais je ne peux résister à m’en offrir trois (ce sont des volumes minces). En passant à la caisse, je dis au propriétaire en plaisantant que si j’habitais Singapour, je serais fourrée chez lui si souvent qu’il se sentirait obligé de m’adopter et de faire un pins à mon effigie, comme pour ses chats. BooksActually entre directement dans le Top Ten de mes librairies préférées au monde.



Nous rebroussons chemin vers le marché, où nous refaisons halte le temps d’acheter de délicieux jus de fruits pressés (j’arrête la vendeuse juste avant qu’elle ne les recouvre d’un de ces opercules en plastique impossible à ôter par la suite, et qu’on est obligés de transpercer avec une paille – un système pas très écolo qui ne fera sans doute plus long feu). Des quelques quartiers que nous avons un peu explorés, et des food courts que nous avons testés, Tiong Bahru est sans conteste mon préféré, un endroit où je me dis que je pourrais vivre à condition d’avoir une clim’ très performante!

Nous reprenons le métro pour nous rendre à la National Gallery qui retrace l’histoire de Singapour. C’est hyper instructif pour moi qui ne sais au fond que peu de choses sur ce pays. Je suis fascinée d’apprendre qu’il n’est indépendant que depuis 1965, et que lorsque le People’s Action Party a pris le pouvoir à l’époque, il y avait un très fort taux de chômage et une pénurie de logements. Vingt ans plus tard, Singapour était devenue une des nations souveraines les plus riches et les plus avancées du monde. Vous parlez d’une success story! Dans un tout autre registre, nous apprécions beaucoup l’expo temporaire qui recrée une forêt magique à base d’effets lumineux.

Nous partons à pied en quête du Loof, un bar en terrasse réputé pour sa déco sympa, son atmosphère amicale et ses bons cocktails à prix raisonnables. Chouchou est penché sur son iPhone dans la rue quand un vieux monsieur sans doute indien s’approche et nous demande dans un anglais nickel ce que nous cherchons. Il se trouve qu’il sait exactement où se trouve le Loof, et qu’il nous y entraîne d’autorité avant de nous laisser là en me tapotant l’épaule. Nous faisons l’ouverture du bar, et je m’affole un peu de voir le serveur qui vient prendre notre commande partir avec ma Visa pour la ranger dans un coin. Je vais le voir, et il m’explique qu’il va la garder jusqu’à ce qu’on règle la note avant de partir. Je réponds que je viens d’un endroit où on ne procède pas du tout comme ça, où les gens sont censés ne jamais confier leur carte de paiement à personne, et que pardon, mais la façon de faire d’ici me rend très, très nerveuse. Du coup, on tombe d’accord sur le fait que je vais régler ma note tout de suite et récupérer ma carte. Chouchou se déclare ravi de son mocktail à base de concombre; mon bubble tea alcoolisé (gin, pastèque, aloe vera, citron vert) me donne l’occasion de goûter les fameuses perles de tapioca infusé – c’est, euh, spécial et pas indispensable. Avec ça, nous grignotons des frites à l’ail et au miel. Et en repartant, j’oublie le sac avec mes bouquins sous la table. Mais heureusement, je m’en aperçois à peine arrivée dans la rue, et j’en suis quitte pour reprendre l’ascenseur dans l’autre sens.

Nous ne sommes qu’à un kilomètre et demi de notre hôtel, et retourner prendre le métro ne nous ferait gagner ni temps ni efforts. Donc, Chouchou entre le nom de l’hôtel dans son iPhone et entreprend de nous guider. Au bout d’un moment, je m’étonne ne de reconnaître absolument rien autour de moi. C’est alors qu’il percute que notre hôtel appartient à une chaîne et qu’il est en train de nous emmener dans la mauvaise direction. Mais à ce stade, nous sommes tout près d’une station de métro sur la même ligne que Little India. Nous nous y engouffrons donc après avoir pris quelques photos de Clarke Quay, sur la rivière Singapour, et du bâtiment de style « Lego colonial » qui abrite le ministère de la Communication et de l’Information. En ressortant, nous décidons de faire notre dernier repas au Tekka Centre, où le vendeur de naans me reconnaît et me demande d’où je viens. Puis nous repassons à l’hôtel prendre nos bagages et nous mettons le cap sur le fameux aéroport de Changi, le plus primé et soi-disant le plus beau du monde…
La vidéo du jour sera disponible ici plus tard.
Les photos du jour sont magnifiques !
Tu as bien fait d'adopter le short en jean, ça te va très bien.
Eh bien, tu vois, je ne connaissais absolument rien de Singapour (je n’avais même pas d’a priori, c’est te dire mon ignorance), mais tu m’as donné très envie de découvrir cette ville…
Ce reportage me donne vraiment envie de voyager. Merci!
C'est vraiment un plaisir de découvrir votre trip en temps réel !
Ah oui, le riz au poulet est une institution dans certaines régions d’Asie ^^ Et cette sauce au gingembre, miioum, même pour moi qui ai ce… machinbercule en horreur.
Pour approfondir,, il y a l’excellente BD Charlie Chan Hock Chye : une vie dessinée, chez Urban Comics, dans laquelle l’auteur Sonny Liew dresse la biographie fictive d’un auteur de bandes dessinées pour retracer l’histoire de son pays. Intelligent et accessible !
@shermane: Ah, merci pour le titre, ça m'intéresse fortement! Et ce riz au poulet, j'en rêve encore… Si simple et si savoureux.