Don de plasma: comment, pourquoi?

Le sang n’est pas le seul produit biologique que collectent les centres de la Croix-Rouge. Certains sont également équipés pour les dons de plaquettes ou de plasma, moins connus car plus longs à effectuer mais tout aussi nécessaires. Or en décembre 2017, un très beau centre a ouvert rue des Alexiens, à deux pas de chez mon coiffeur, dans un endroit facile à atteindre pour moi lorsque je suis à Bruxelles. J’avais donc décidé cet été de tester le don de plasma. J’ai fait une première tentative début juin. Mais comme j’étais inconnue de la Croix-Rouge belge (même si j’avais déjà une carte de l’Etablissement Français du Sang), j’ai dû commencer par effectuer un don de sang ordinaire pour qu’ils vérifient que tout allait bien chez moi. Et hier, j’y suis retournée pour faire enfin mon premier don de plasma. 

Les formalités préalables sont les mêmes que pour un don de sang: on se signale à l’accueil; on reçoit un bon cadeau ou un bon de transport; on remplit un questionnaire portant sur la santé, les pratiques sexuelles et les voyages; on s’entretient brièvement avec un médecin qui vérifie la tension et éventuellement le taux de globules rouges avec une petite piqûre au bout du majeur. Si tout est OK, on passe ensuite dans la zone de prélèvement où se trouvent les fauteuils inclinables et les appareils. Dans le cas d’un don de sang, l’opération est rapide et facile: une infirmière pique le bras choisi par le donneur, remplit d’abord quelques petites fioles qui serviront à des analyses puis laisse un demi-litre de sang s’écouler dans une poche avant de venir retirer l’aiguille. Ca prend environ 5 minutes, et la participation du donneur se résume à se laisser piquer et, de temps en temps, à presser une balle en caoutchouc pour accélérer le débit. 
Le don de plasma est plus long – ce que je savais – et nécessite davantage d’implication  – ce que j’ignorais. Au lieu d’aller directement remplir une poche, le sang qui s’écoule de mon bras va passer dans une machine qui le traitera par cycles de deux phases. Phase 1: mon sang remplit un petit réservoir (à droite à mi-hauteur sur la photo) qui à son tour alimente une centrifugeuse (à droite en haut) où mon plasma est séparé de mes globules. Le plasma descend dans la poche de collecte (à droite en bas, coupée sur la première photo). Phase 2: quand le réservoir est plein, la machine inverse son sens de circulation pour me réinjecter mes globules. Et on recommence jusqu’à ce que la machine ait prélevé un demi-litre de plasma. A la toute fin, elle m’injectera également une poche de sérum physiologique pour remplacer le liquide que j’aurai perdu. Ainsi, le don de plasma est moins éprouvant pour le donneur, et on peut en faire un tous les 15 jours au lieu de tous les 3 mois pour un don de sang. 
Par contre, là où ça devient rigolo, c’est que la machine a besoin d’un certain débit pour ne pas s’arrêter. En principe, ce débit est réglé à 130 ml/minute. Pour l’atteindre, le donneur doit pomper assez vigoureusement sur une petite poire qu’il tient dans la main. Or quand on m’a demandé dans quel bras je préférais qu’on me pique, j’ai répondu le gauche. Je suis droitière et je me fais toujours piquer à gauche, histoire de ne pas me retrouver gênée pour le reste de la journée en cas d’hématome ou de douleur quelconque. Je sais que mes veines sont bonnes de ce côté. Le problème, c’est que le bras gauche n’est pas mon bras directeur, et qu’il a donc à peu près autant de tonus musculaire qu’une part de flan aux oeufs. Dès le départ, l’infirmière qui m’explique la procédure constate que je ne vais pas réussir à atteindre 130. Elle règle donc la machine sur un débit de 100ml/minute à l’extraction (mais le laisse à 130 pour le retour des globules, parce que tout se passe bien dans cette phase-là et que je ne ressens aucun inconfort ni picotements dans la bouche comme c’est le cas pour certains donneurs).

Premier cycle: je fournis à peine 60 ml de plasma sur les 500 prévus, et j’ai déjà la main gauche douloureuse de forcer sur la poire. L’infirmière descend le débit à 85. Deuxième cycle, je monte à 120 ml (soit 180 en tout); troisième cycle, je redescends à 100 (soit 380 en tout). Quatrième cycle, j’atteins péniblement 440 ml; la machine s’arrête, et ma main gauche menace de se mettre en grève illimitée si on ne révise pas immédiatement ses accords de secteur. L’infirmière descend le débit à 60, et je suis vexée de ma performance pathétique. Le prélèvement en soi, censé durer « une petite demi-heure » va me prendre trois quarts d’heure en tout. Mais une fois qu’on a piqué dans un bras, on ne peut plus changer de côté, et si la poche n’est pas remplie complètement, elle ne sert à rien. Il faut donc absolument que j’atteigne ces foutus 500 ml. Je regarde monter les chiffres trèèèèèèès lentement, et quand l’affichage arrive à 500, je ne peux pas m’empêcher de crier un « Victoire! » assez peu digne. A ce stade, je suis seule dans la salle avec le personnel, les autres donneurs plus costauds ou avec des veines plus large étant tous repartis vaquer à leurs occupations de l’après-midi. Je me sens un peu comme le cancre de service, mais tant pis: j’y suis arrivée. 

J’avais apporté un livre pour tuer le temps; inutile de dire que je ne l’ai même pas sorti de mon sac: j’étais trop occupée à pomper en surveillant l’affichage pour ne pas descendre en-dessous du débit voulu et en envoyant des encouragements mentaux à ma main gauche (« Allez pépette, encore un petit effort. C’est pour une bonne cause, Jillian serait fière de toi! »). La prochaine fois, je me ferai plutôt piquer à droite, du côté où je devrais avoir le plus de force. Après m’avoir débranchée, l’infirmière me propose un soda, une glace, des gâteaux – j’accepte juste un verre d’eau et une madeleine. Je n’ai aucune sensation de vertige en me redressant, comme ça arrive parfois après un don de sang. Avant de partir, je contemple fièrement la poche remplie, non pas d’un liquide clair comme je l’imaginais, mais de quelque chose d’assez peu ragoûtant qui ressemble fort à de l’urine. Mon plasma servira à la fabrication de médicaments et au traitement des grands brûlés. J’en suis très honorée. 

6 réflexions sur “Don de plasma: comment, pourquoi?”

  1. Oui, c'est sportif, surtout quand à la base tu n'as pas un débit hyper élevé ! Pour le don de plaquettes c'est pareil… pendant plus d'une heure. Et j'ai toujours trouvé impossible de lire pendant un prélèvement. Dans le centre où je vais à Paris, on a des mini lecteurs de DVD et on regarde un film (sans voir la fin, généralement…).

  2. Bravo pour ces 500 ml donnés de haute lutte! ^^

    Je donne plus souvent du sang que du plasma (parce que c'est plus rapide, et que je peux caser ça sur mon heure de table), mais je ne me souvenais pas que c'était si sportif! Pfiou!

    Chouette article, qui convaincra j'espère des lecteurs à devenir donneurs!

  3. @Clarisse: Ah ben les autres donneurs étaient cool Raoul, ils n'avaient pas l'air de peiner du tout! C'était juste moi et mon bras gauche en carton qui luttions pitoyablement 😀

  4. Rien que de voir tes photos, j'ai la tête qui tourne, autant je peux voir des trucs gores qui ne sont pas réalistes, autant le vrai sang, surtout le mien me provoque des malaises…
    Donc merci de donner et merci pour ce retour, je voulais tester le don de plasma/plaquettes, mais si je vois la poche ça ne va pas le faire du tout du tout
    plan ter l'inscription au don de moelle osseuse

  5. Le plus long et contraignant, ça reste les plaquettes. Autant j'ai toujours trouvé que le plasma était une promenade de santé, autant l'ancienne machine pour les plaquettes en mode "je prélève juste une minute, tu ne pompes pas assez alors je fais du bruit, mais là en fait tu ne dois plus pomper parce que c'est la phase de retour toute aussi rapide que celle de prélèvement, en fait si vas-y maintenant sinon j'alarme l'infirmière pour rien" était quelque chose ^-^

    Mélusine

  6. Bravo à toi pour ce don ! Victoire ! 🙂

    Personnellement j'aimerais le faire mais je ne peux pas donner (problème de coagulation sanguine, j'ai demandé si je pouvais faire des dons particuliers partiels et la réponse a été catégorique "eh non mademoiselle vous êtes rayée de toutes les listes")

    Du coup j'apprécie de savoir que ceux qui n'ont pas de contre-indication fassent ce geste altruiste.

Les commentaires sont fermés.

Retour en haut