Le jour du dépassement écologique, celui où l’humanité a utilisé toutes les ressources naturelles que la Terre peut lui fournir en un an, survient un peu plus tôt chaque année – dans le courant du mois d’août, pour le moment. Mais si on se penche sur le cas précis de la France, l’un des pays où l’on vit le mieux au monde, ce jour, en 2018, c’était… le 5 mai. Ce qui signifie qu’une Française moyenne comme moi, ni très riche ni très pauvre, consomme en une année 3 fois plus de ressources que ce que la Terre ne peut en produire pour elle. Ca calme, non?
Je me considère comme une personne consciente des enjeux écologiques de notre temps, et prête à faire son possible pour la planète (en réalité, pour la survie de l’humanité, parce que la planète nous survivra à tous. Pas telle qu’on l’a connue, mais elle nous survivra.) Pourtant, il m’est impossible d’envisager de réduire mon style de vie de deux tiers. Je n’ai pas de voiture, un choix qui va dans le sens du développement durable mais qui est surtout motivé par le fait que 1/je travaille à la maison 2/je déteste conduire 3/j’ai d’autres priorités financières. J’achète beaucoup moins de vêtements depuis quelques années, mais j’en possède encore bien plus qu’il ne m’en faut. Au supermarché, je privilégie les produits bio, mais quand je vois que les concombres ou les oranges sans pesticides sont trois fois plus chers que leur contrepartie ordinaire, je me dis: « Tant pis, de toute façon, je vais enlever la peau ». Je trie soigneusement mes déchets, mais je commence à peine à essayer de réduire ma consommation de plastique. Je ne mange pas de viande à la maison, mais même si je suis convaincue qu’on devrait tous être vegans à la fois pour des raisons éthiques et écologiques, je n’envisage pas de me passer de produits laitiers. J’ai deux domiciles distants de mille kilomètres, entre lesquels je fais la navette tous les mois. Et honnêtement, je n’arrêterai de prendre l’avion pour partir en vacances que lorsque ça deviendra hors de mes moyens (non, je ne coche jamais la case « Payer un supplément pour compenser l’empreinte carbone du vol », parce que les billets tels quels représentent déjà une grosse dépense).
Bref, je suis disposée à faire des efforts, mais seulement s’ils ne me coûtent pas trop. Et je ne pense pas être particulièrement égoïste sur ce coup. Qui d’entre nous serait prêt à renoncer aux avantages auxquels nous sommes tous habitués et sur lesquels nous avons bâti notre mode de vie? Peu de gens, je pense. Le mouvement minimaliste a amorcé une prise de distance par rapport à nos vieilles habitudes de consommation effrénée, mais je crains que ça ne soit trop peu et trop tard, surtout alors que la croissance économique à tout prix reste l’objectif numéro un des grandes puissances.
Quand je veux cesser de culpabiliser, je me dis que de toute façon, je ne suis qu’une goutte d’eau dans l’océan, que je ne peux pas inverser la tendance à moi toute seule et que c’est le boulot des politiciens d’imposer des normes et des lois visant à protéger l’environnement, d’attribuer des budgets à la recherche scientifique pour trouver des solutions non-polluantes. Ce qui est une manière un peu facile de me déresponsabiliser. Tout comme l’argument « Bah de toute façon, je n’ai pas d’enfants, alors ce qui se passera après ma mort, je m’en cogne ». (J’aimerais quand même bien que mes neveux et les enfants de mes amis héritent d’un monde vaguement habitable.) La vérité, c’est que nous autres Européens aurions besoin de réduire notre niveau de vie d’une manière draconienne, et que très peu d’entre nous sont prêts à le faire à moins d’y être obligés. Moi la belle première. Du coup, nous continuons à foncer dans le mur avec un sentiment de désespoir mêlé d’impuissance, mais sans envisager réellement de modifier notre trajectoire. Parce que la nature même des privilèges veut qu’il faille un effort titanesque pour renoncer volontairement à eux.
*Soupire* Je ne sais pas comment je pourrais agir, concrètement, mais ça me désole quand même.
Oui, moi non plus je n'ai pas de voiture et compte m'en passer le plus longtemps que je le pourrai. Du coup, c'est transports en commun ou covoiturage. Non, je ne peux pas arrêter de prendre l'avion. Oui, j'achète beaucoup moins qu'il y a quelques années, que ce soit des vêtements ou ces petits objets pour la maison que j'adorais avant. Non, je ne peux pas obliger mes colocs à faire des choix alimentaires, je n'ai déjà pas réussi à faire comprendre à celui qui se charge des courses qu'il pourrait les faire en sortant tôt du travail plutôt que d'y aller à pas d'heure (= à l'ouverture) le samedi ou le dimanche matin en reprenant la voiture. En outre, si tout se passe comme je le souhaite, l'an prochain, je vais devoir vivre avec à peine un smic, alors les efforts sur le plan financier (= acheter bio et équitable), comment dire…
On pourrait recycler plus, l'Allemagne a bien plus de poubelles pour le tri que nous et ça ne me semble être qu'un tout petit pas à faire. On pourrait sans doute composter aussi (Coucou, il y a un jardin dans ma coloc !) Après, à mon niveau… je ne sais pas. C'est juste navrant.
Mélusine
Concrètement (à part ce que tu as cité) il doit bien exister des solutions "miracles" (Oui je rêve) pour le petit peuple comme nous sans perdre en qualité de vie. Je suis prête à faire plein de choses, de changements si tout le monde s'y met, les plus "chanceux" (Principalement ceux qui nous gouvernent) en premier. J'ai envie de laisser une "meilleure" planète à mes enfants et petits enfants mais sans les priver encore.En tout cas tout ça me perturbe et j'arrive pas à imaginer comment ça va évoluer 🙁
Bisous Nad 🙂
Personnellement, nous nous sommes mis au zéro déchet il y a maintenant 3 ans. Nous avons supprimé notre consommation de viande, nous allons faire nos courses à vélo, nous avons réduit notre consommation de produits laitiers, nous achetons exclusivement bio (et donc sans emballage, car nous avons la chance d'avoir une boutique vrac pas loin de chez nous), nous avons une grande quantité de plastique de chez nous. Et nous avons monté notre association zéro déchet pour sensibiliser un maximum de gens autour de nous. Ce n'est pas ça qui changera la face du monde, mais on se dit que si chacun fait un petit geste, alors oui, il y aura un impact (aussi infime soit il). La fameuse légende du colibri ! Si on attend un geste des politiciens, c'est pas demain la veille que les choses vont bouger. Alors on s'est dit qu'on allait agir à notre niveau, et ça fait du bien ! (si si pour de vrai, j'ai redécouvert un bien être dans le minimalisme)