Où ça s’améliore, mais c’est pas encore ça

Très récemment, j’évoquais les limites du développement personnel dans ce billet. Aujourd’hui, je vais les illustrer avec l’exemple concret de ma journée d’hier. Nous avions prévu d’aller à Lille pour voir nos amis Philou et Stef et nous livrer à quelques activités sympathiques avec eux. Le voyage aller en Thalys s’est bien passé. Nous nous sommes rendus à pied au Palais des Beaux-Arts pour voir la Carte Blanche d’Alain Passard, que j’ai trouvée un peu décevante comparée à celle de Zep l’an dernier, avec beaucoup moins de pièces originales (et évidemment beaucoup moins d’humour). Mais ça reste un très beau musée avec un prix d’entrée nettement plus accessible que ceux des musées bruxellois. Après ça, midi approchant, nous avons gagné le resto scandinave réservé par nos amis. Jolie terrasse fermée; beaucoup de plats à base de saumon fumé, que je déteste – c’est gras, c’est froid, ça m’écoeure horriblement – mais j’ai réussi à trouver dans la carte un pavé de saumon bio aux deux sésames tout à fait satisfaisant. 
Nous avons ensuite filé chez Escapers pour tester la salle Braquage à la lilloise ouverte récemment. Et là, c’est le drame. Après une entrée en matière originale qui laissait espérer un très bon moment, le jeu s’est révélé de loin le plus nul que nous avons fait en 3 ans et une trentaine de salles. Je me suis ennuyée pendant une heure, abandonnant toute tentative de participer à dix minutes de la fin. Les autres ont continué, mais sans enthousiasme. Quand le game master est venu nous délivrer, je lui ai exprimé ma déception et mon énervement en des termes non-incertains. Les autres en ont fait autant, bien qu’avec plus de diplomatie. Très flegmatique, le game master nous a dit: « Je comprends que vous n’avez pas aimé, et je prends note de vos remarques ». Puis il nous a quand même fait payer l’intégralité des 96 euros du prix de la séance. Alors que la situation exigeant vraiment un geste commercial. Du coup, en plus d’être déçue et énervée, j’étais furieuse et dégoûtée en sortant de là. La panoplie entière des sentiments que je matérialise en rouge dans mon moodmapping.
Nous avons poursuivi notre après-midi par un goûter chez Méert (toujours délicieux), puis une balade dans le vieux Lille. Il faisait doux, j’étais contente de voir Philou et Stef, on avait des discussions agréables, et j’essayais désespérément de me focaliser là-dessus plutôt que de ruminer cette histoire d’escape game. Après tout, c’était passé et on ne pouvait plus rien y faire, n’est-ce pas? Et puis franchement, c’était juste un problème de riches. Personne n’était en train de souffrir ou de mourir; on passait une journée de détente entre amis; il y avait plus de raisons de se réjouir que de faire la tête. D’ailleurs extérieurement, je ne faisais pas la tête – mais à l’intérieur, je fulminais sans pouvoir m’en empêcher. Apercevant un magasin Paul Marius, dont j’avais découvert les sacs sur internet la semaine précédente, j’ai entraîné tout le monde à l’intérieur et fait sur un coup de tête l’emplette d’un sac à dos olive très joli mais pas du tout adapté à mes besoins. Avant même de l’avoir payé, je savais que c’était une bêtise, mais je cherchais à faire un truc pour me changer les idées et j’ai gardé la fâcheuse habitude de reporter ma frustration soit sur la bouffe, soit sur le shopping. Du coup, après ça, je pestais aussi contre moi-même en plus de pester contre Escapers. 
Nous sommes allés boire un verre au Dernier bar avant la fin du monde. Je pensais qu’un cocktail m’aiderait à me détendre, mais pour ça, il aurait fallu qu’il contienne plus d’alcool qu’une quantité à peine suffisante pour soûler une amibe. Nouveau grumpf, un peu atténué par la déco et l’ambiance aussi sympas que dans l’établissement du même nom à Paris. L’heure approchait de regagner Lille Europe pour notre train de retour. A ce stade, j’avais fait plus de 20000 pas dans la journée. Avec une robe, et en oubliant de mettre de la crème Nok sur mes cuisses à l’endroit où elles se touchent. Résultat, je commençais à avoir la chair à vif (toutes les filles en surpoids me comprendront), et chaque pas devenait un peu plus douloureux que le précédent. Pour couronner le tout, en arrivant à la gare, nous avons appris que notre TGV aurait 50 minutes de retard. J’avais faim et toutes les échoppes de bouffe alentour étaient en train de fermer; j’avais hyper froid aux jambes dans la température déclinante et les courants d’air de la salle d’attente; j’avais trop mal pour envisager de partir à la recherche d’un endroit confortable où manger un bout et patienter. Et mon cerveau rationnel avait beau me répéter en boucle « Allez, 50 minutes désagréables, dans une vie, ce n’est rien du tout. Tu auras déjà tout oublié demain », j’étais plutôt abattue et grognon. 
Bien entendu, c’était une réaction tout à fait disproportionnée, que je me reproche de ne pas avoir réussi à dépasser pour profiter davantage des (très) bons aspects de cette journée. Et en même temps, dans des circonstances identiques, il y a vingt ans ou même seulement dix, j’aurais pété les plombs. J’aurais piqué une vraie grosse crise, en beuglant que j’aurais mieux fait de rester chez moi; je me serais montrée généralement imbuvable, et j’aurais gâché la journée de tout le monde. Là, il y avait au moins une partie de mon cerveau qui parvenait à mettre la situation en perspective, à se rendre compte que rien de tout ça n’était objectivement grave et à parler d’autre chose pendant que l’autre partie ruminait sévère en tâche de fond. Au final, je gère ma colère ( = mes émotions rouges) de la même façon que mon angoisse ( = mes émotions noires): en agissant extérieurement comme si de rien n’était. Ca facilite la vie de mon entourage, ce qui est déjà un très bon point; ça m’évite de passer pour plus pénible qu’on ne me sait déjà, et de m’enliser complètement dans mon ressenti négatif. Pour l’instant, c’est tout ce dont je suis capable. Et même si c’est loin d’être parfait, c’est déjà un sacré progrès. 

7 réflexions sur “Où ça s’améliore, mais c’est pas encore ça”

  1. "Après une entrée en matière originale qui laissait espérer un très bon moment, le jeu s'est révélé de loin le plus nul que nous avons fait en 3 ans et une trentaine de salles. Je me suis ennuyée pendant une heure, abandonnant toute tentative de participer à dix minutes de la fin."

    En quoi cela "exigerait vraiment" un geste commercial ? Le mec devrait proposer un tarif réduit à tous ceux qui n'ont pas aimé le jeu ? Ce n'est pas comme si un participant s'était foulé la cheville, par exemple.

  2. Les escape games, c'est un loisir cher. Je trouve qu'à ce tarif-là les salles devraient viser un minimum de satisfaction du client, ou faire une fleur à ceux qui ne sont vraiment, vraiment pas contents comme c'était notre cas. Effectivement, rien ne les y oblige d'un point de vue contractuel, c'est pour ça qu'on appelle ça un "geste commercial". De deux choses l'une: soit on était les seuls à ne pas aimer, et ça n'avait pas beaucoup d'incidence pour eux budgétairement, soit les gens sont nombreux à ne pas aimer, et il faut remettre le concept de la salle en cause. Dans tous les cas, si j'avais une entreprise de service et des clients aussi déçus que nous l'étions, je ne les laisserais pas repartir sans chercher à atténuer leur mauvaise impression.

  3. Je ne doute pas du tout que leur jeu soit en-deçà des attentes de nombreux clients, raison de plus pour que le geste commercial ne leur vienne surtout pas à l'idée.

  4. Je comprends tout à fait la limite des outils du développement personnel, mais au final tu utilises une attitude très intéressante d'une point de vue des neurosciences : "tu fais comme si".
    Et cette attitude trompe un peu ton cerveau, qui se concentre sur le fait de faire comme si la journée s'était passée correctement (on ne peut pas non plus tricher au point de dire que c'était une fantastique journée!).
    De l'extérieur et en lisant ton analyse, je trouve que tu t'en sors très bien! J'aurais également réagit comme une hystérique il y a quelques années, mais ça rend, je rends, ceux qui m'entourent malheureux.
    S'il m'arrive de péter encore les plombs (de plus en plus rarement), je prends le temps d'explorer mes réactions, de regarder la situation avec du recul, de "méditer" pour me recentrer.
    Et surtout, surtout, de me pardonner, et exprimer ma bienveillance : j'ai le droit de ne pas savoir tout gérer tout le temps.
    Bref, après ton analyse, sois fière de toi 🙂

  5. Je peux te demander c est quelle creme exactement que tu utilises? J ai le meme souci des cuisses qui frottent et tout ce que j ai trouvécomme solution c est le cicliste sois la robe. Ana

  6. @Ana: la crème Nok d'Akiléïne, dans les 6 ou 7 euros le tube en parapharmacie, un vrai miracle quand on pense à en mettre.

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