Début juin, je me lançais dans un projet 30 days of giving dont j’avais expliqué l’origine et le principe ici. Comme je voulais sortir de ma zone de confort et, plutôt que des dons ponctuels en argent ou en objets que je fais facilement à longueur d’année, offrir du temps ou de l’attention, je me suis rapidement heurtée à mes propres limites.
C’est incroyable ce que ça peut me coûter d’avoir le moindre geste affectueux envers quelqu’un de mon entourage. Vous vous souvenez de ce que dit le renard au Petit Prince dans le roman de Saint-Exupéry? On devient responsable de ce qu’on apprivoise. Et moi, je ne veux être responsable de personne. Pas juste matériellement, comme on peut l’être envers un enfant, mais aussi affectivement. Et pas parce que je suis irresponsable, mais au contraire, parce que je prends toutes mes responsabilités (réelles ou imaginaires) hyper au sérieux.
En bientôt 23 ans de carrière, dans un métier où rendre son travail en retard est, sinon la norme, au moins un incident assez fréquent, je n’ai réclamé de délai que deux fois: 48h quand j’ai divorcé et organisé en catastrophe mon déménagement vers les USA, 24h quand le cancer de mon père a été diagnostiqué et que je suis descendue à Toulouse pour les aider, ma mère et lui. Pour le reste, même malade comme un chien ou noyée au fond d’un puits d’angoisse, je m’arrange toujours pour rendre mes traductions dans les temps.
Du coup, je répugne à prendre n’importe quelle forme d’engagement, parce que je mesure très bien à quel point je vais me sentir liée. Et, connaissant mes réactions instinctives, à quel point ça me donnera envie de m’enfuir. Depuis des années, Chouchou et moi, on se dit que ça serait bien de se marier pour de bêtes raisons administratives. Je suis d’accord sur le principe, mais je traîne les pieds: j’ai trop peur, une fois que j’aurai signé au bas du foutu papier, de me sentir prise à la gorge et de commencer à étouffer. Ou que Chouchou se transforme en monstre du jour au lendemain et que je ne puisse lui échapper qu’au terme d’une bataille juridique pénible. J’ai déjà un divorce à mon actif; je sais comment ça se passe parfois. Rien que le fait de l’aimer autant me met au bord de la panique quand j’y pense trop.
Cette phobie affective fait aussi de moi une mauvaise amie, quelqu’un sur qui on ne peut pas compter pour prêter une épaule compatissante: je ne veux pas que quiconque commence à avoir besoin de moi, parce qu’alors je vais me sentir tenue de répondre toujours présente même quand je n’aurai pas envie ou que ça ne m’arrangera pas. Parfois, quand mes proches ont des soucis d’une nature qui me touche particulièrement, j’ai l’impulsion de leur dire: « Je suis là pour en discuter si tu veux ». Et puis neuf fois sur dix, je me retiens. Même chose pour mon empathie défaillante: il ne s’agit pas d’un défaut de fabrication mais d’un choix délibéré. Je ne veux pas me mettre à la place des autres; je ne veux pas ressentir leur souffrance. Les miennes me foutent déjà suffisamment en l’air. Les sentiments, c’est de la glu où on se prend les pattes et le coeur.
Je comprends tout à fait bien que je n'agisse pas comme toi 😉
Aucune culpabilité à avoir,un peu d'égoïsme c'est pas mortel et des fois j'ai envie de dire, chacun sa merde, voilà voilà 😀
Bisous Nad
"je ne veux pas que quiconque commence à avoir besoin de moi, parce qu'alors je vais me sentir tenue de répondre toujours présente"
Ben non. Même des personnes très proches peuvent comprendre qu'à un moment, tu ne peux / veux rien faire. Même mon papa comprend que de temps en temps, il doit me laisser en paix. Et cela se fait souvent tout naturellement. En mettant un peu de distance pour mieux revenir plus tard. Et si ce n'est pas le cas, il y a toujours moyen d'en parler parce que la personne en question ne se rend pas toujours compte qu'elle exagère.
Elles, elles peuvent sans doute comprendre. Moi, est-ce que je vais réussir à le dire, et ensuite à ne pas culpabiliser? La réponse est non…
Je rejoins tout à fait Sunalee sur ce qu'elle dit. On peut parfaitement avoir beaucoup d'affection pour quelqu'un, vouloir l'aider et le soutenir, et se retrouver dans la situation de "Désolée, ces jours-ci, je n'ai pas l'énergie d'être là". Je culpabilise toujours un peu quand je le dis, mais tant pis. (Par exemple, cette semaine, je ne vais être très patiente-tolérante je crois :D)
Je suis la première à m'exclamer bruyamment "Pfff, les sentiments, c'est tellement compliqué, parfois, quelle plaie".
Je comprends ce que tu veux dire…et est ce que tu penses que cela te ferait la même chose avec de parfaits inconnus?
Faire une "BA" auprès de personnes que tu ne serais plus amenée à revoir serait peut être plus "simple" pour toi?
C'est ça. C'est exactement ça. Des années que je n'arrive pas à comprendre pourquoi je réagis comme ça et tu trouves les mots qui font totalement sens. Merci. Je vais avoir de quoi réfléchir sur le sujet en partant de quelque chose désormais.