Ca ne rate jamais.
A chaque fois ou presque que j’annonce un choix de vie qui va à l’encontre des siens, mon interlocuteur se met immédiatement sur la défensive et se sent obligé de se justifier.
« J’ai décidé d’arrêter de manger de la viande. »
« Ah moi, je ne pourrais jamais, j’aime trop ça! De toute façon, l’homme est carnivore par nature. »
« J’ai bazardé ma télé depuis belle lurette vu que rien ne m’intéressait sur aucune chaîne. »
« Moi j’aime bien regarder « Danse avec les stars », c’est ma soirée détente de la semaine. On ne peut pas toujours être en train de faire des trucs intellectuels, hein. »
« Je n’ai pas de smartphone; je préfère ne pas être esclave d’internet à partir du moment où je sors de chez moi. »
« Et ben moi, je trouve ça super pratique avec tous les déplacements que je fais pour mon boulot, et puis de toute façon on ne se laisse aliéner que si on le veut bien. »
« Je n’ai pas de voiture; je me déplace à pied ou avec les transports en commun. »
« Non mais tu peux te le permettre parce que tu bosses chez toi, mais moi avec les enfants à emmener à l’école, à la danse et au judo, ça ne serait pas possible. Et les transports en commun, entre les grèves et les retards… »
« Ca fait longtemps que je n’achète plus de vêtements chez H&M. »
« Oui mais tout le monde n’a pas les moyens de s’habiller ailleurs. Et même les marques plus chères ne produisent pas forcément dans de meilleures conditions, tu sais. »
« Je crois que je n’ai plus mis les pieds chez McDo ou Quick depuis presque dix ans. »
« On ne peut pas vivre de carottes vapeur et de riz nature tout le temps. C’est pas un Big Mac par-ci par-là qui va te tuer. Y’en a marre du politiquement correct dans l’assiette. »
« Je suis si contente d’avoir arrêté de fumer! »
« Rien ne me fera renoncer à ma clope. De toute façon, il faut bien mourir de quelque chose. »
Pourtant, quoi que les gens croient entendre quand je leur parle, il est très rare que je fasse du prosélytisme. J’évoque mes choix de vie parce qu’on est en train de discuter et que ça s’insère bien dans la conversation, parce qu’il me semble que ça ferait un billet de blog drôle ou intéressant. Je n’essaie de convaincre ni de culpabiliser personne. Je prends mes décisions en fonction de tout un tas de facteurs: mes valeurs culturelles et sociales, mes disponibilités en temps, en argent et en énergie, mes connaissances forcément limitées, mes contraintes et mes priorités qui évoluent au fil du temps… Et si misanthrope que je puisse être parfois, je reste sincèrement convaincue que la plupart des gens font de leur mieux avec leurs propres valeurs, leurs propres disponibilités, leurs propres connaissances, leurs propres contraintes et leurs propres priorités qui ne peuvent pas être les mêmes que les miennes.
Je ne suis pas anti-progrès: je trouve ça chouette que la télé, les smartphones et les voitures existent pour les gens à qui ils facilitent la vie ou apportent des distractions bienvenues. Je me fiche un peu de ce que vous mettez dans votre estomac ou vos poumons parce que ce n’est pas moi qui habite votre corps. Je vous reconnais sans problème le droit de lire des magazines féminins style Elle (que j’abhorre) et de la romance (qui m’ennuie à mourir), ou de courir les magasins en décembre pour gâter vos proches même si personnellement je fais l’impasse sur les cadeaux de Noël entre adultes. En bref, je ne vous juge pas parce que vous n’êtes pas mon clone.
Et généralement, quand je me sens jugée par les choix de vie des autres – car bien entendu, ça m’arrive aussi! – c’est qu’il me semble que je pourrais mieux faire dans ce domaine. Du coup, au lieu de me justifier vis-à-vis de mon interlocuteur, je me dis que c’est avec moi qu’il faudrait que j’aie une petite conversation…
J'aime bcp ton article.
Ce que me dérange le plus dans ma vie, ce sont les gens qui se permettent de juger MA vie car :
– oui mais toi, tu n'as pas d'enfants, tu ne dois pas t'amuser à jouer taxi tous les soirs et les we
– oui mais toi, tu peux te reposer parce que tu n'as pas de repassage à faire
– oui mais toi, te plains pas d'être fatiguée hein parce que là, je ne comprends pas.
Alors avant j'encaissais et maintenant je me sens obligée de me justifier mais surtout je me sens obligée de leur dire (pour que ça me soulage …)
– OK j'ai pas d'enfant mais ce n'est pas forcément un choix
– OK je ne repasse pas parce que j'ai fait le choix d'avoir une dame qui repasse pour moi MAIS je ne pars pas en vacances 3x/an, je sacrifie cet argent là pour avoir du bien-être chaque semaine
– et si je suis fatiguée parce que pendant que toi tu discutes avec ton mec pour voir si les 1000 euros que tu vas dépenser dans ceci ou cela, moi j'y pense seule et j'avoue ça me provoque des insomnies.
VOILI VOILOU mon petit commentaire du matin.
Sur ce, je pars faire une crise de boulimie :-)))
Bonne journée Armalite
Eve
Je suis tout-à-fait d’accord avec le dernier paragraphe. On ne s’en rend pas compte – et de toutes façons on ne serait sans doute pas prêt à l’admettre – mais en général, ce besoin de justifier qu’on ne fait pas comme l’autre vient d’un tout petit doute, là, au fond, très très loin, une petite évolution de notre inconscient, quelque-chose qui n’est pas encore prêt à sortir… qui le fera peut-être plus tard, ou peut-être pas, qu’importe !
Mais l’essentiel, dans tout ça, c’est de se rappeler qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Et de ne pas bloquer sur un truc juste parce qu’on avait soutenu mordicus que « non, hors de question, pas pour moi »…
Et du coup, ça me fait penser à une note de Boulet, note dans laquelle il faisait son « coming out végétarien ». Quelques lecteurs ont crié au scandale et à la tromperie, parce qu’un de ses anciens recueils de notes affirmait que « la viande, c’est la force. »
Moralité : Chacun fait comme il veut et comme il peut, et on a même le droit de changer d’avis autant de fois qu’on le veut. Plutôt sympa, la vie, finalement…
N.B. Enfin, le plus fort, c’est quand même mon père : il traite tes idées d’inappropriées ou d‘idiotes, et 6 mois ou 10 ans plus tard, il les reprend à son compte comme si c’était fabuleux et qu’il l’avait toujours pensé, et en plus il considère que c’est lui qui t’apprend ça…
Elmaya : j'ai été agréablement surprise de voir que Boulet était devenu végétarien (même s'il n'aurait que faire d'une inconnue qui cautionne ses choix de vie, justement :)) et j'ai trouvé très fin de sa part de ne pas l'avoir raconté tout de suite. Surtout vu les réactions que tu rapportes (la tromperie ? m'enfin ! o_O)
Je dois avoir un entourage bienveillant : que ce soit le végétarisme, l'absence de permis et de voiture fut un temps, ou même mon absence sur Facebook et sûrement plein d'autres choix à contre-courant (le mot est fort), je n'ai pas le souvenir d'avoir été jugée ou raillée. Comme tu le dis si bien, c'est un choix avant tout.
Après, j'ai sans doute tendance à justifier mes choix et je me rappelle qu'on a parlé du McDo (mon plaisir malsain), mais j'ose espérer ne pas avoir enchaîné avec la 2e partie de l'argumentation, à savoir l'attaque ^^" Et si c'est le cas, je m'en excuse, mauvais réflexe !
Shermane: je ne me souvenais plus qu'on avait parlé du McDo – maintenant que tu le dis, ça me revient, mais ce n'est pas à toi que je pensais en écrivant ce passage 🙂
Il me semble, Armalite, que ce que les autres pensent de toi n'entre pas ou peu dans les raisons qui motivent tes choix. C'est une situation assez rare. Et cela explique peut-être en partie ces différences entre tes réactions et celles de beaucoup de gens.
J'adoooooore "Danse avec les stars".
Sinon, il y a des personnes qui s'auto-justifient en dénigrant une autre façon de faire sans que tu aies besoin d'intervenir. Exemple d'une conversation il y a quelques semaines : "moi je n'ai pas aimé mon congé maternité et je veux que mon bébé puisse aller dormir chez tout le monde sans moi et je suis partie 4 jours sans elle quand elle avait 2 mois …moi, je suis pas une mère fusionnelle qui veut toujours garder son bébé près d'elle". J'ai osé le "faire et ressentir autrement n'est pas forcément de la fusion", en douceur.
Je pratique de plus en plus le "si tu n'as rien de gentil à dire, ne dit rien" surtout sur les noooombreux thèmes sur lesquels nous avons toutes besoin de nous sentir renforcées plutôt qu'en concurrence. Mais parfois ça coince quand même. Du coup, j'essaye aussi d'apprendre à répondre spontanément et calmement quand certains propos sont implicitement jugeant.
Et concernant le dernier paragraphe, je trouve que la conversation que j'ai avec moi-même au départ de la sensation que je pourrais faire mieux dans un domaine devrait plus souvent se solder par le fait que je fais déjà de mon mieux d'autant que je suis un petit peu fatiguée pour le moment (note à moi-même 🙂 )
Ness et Jeanne Blue: le truc, c'est que quand les gens sont effectivement jugeants, je m'en balance. Mes choix de vie ont tous une raison d'être et je n'ai pas le sentiment d'avoir à m'en défendre devant quiconque. Par contre, quand une de mes amies devient végane avec beaucoup d'enthousiasme et publie des Instagram de ses repas, non pas pour culpabiliser quoi que ce soit mais clairement parce qu'elle est dans une démarche joyeuse par rapport à ça, j'ai un petit pincement au coeur: je sais que sur ce sujet, je n'agis pas en accord avec mes convictions.
Disons que chacun peut fait ses choix et peut soutenir son point de vue, tant que c'est fait de façon respectueuse d'autrui.
Il y a ensuite certains marronniers irréductibles sur lesquels les gens se montrent rarement tolérants (par exemple, pour parler d'un truc que j'ai bien testé, le non-désir d'enfant). Mais on peut aussi essayer de passer par dessus cela avec un grand sourire.
(plus facile à écrire qu'à pratiquer sereinement, je te l'accorde).
Bonne journée !
Je pense qu'avec ton dernier paragraphe, tu as mis le doigt sur ce qui fait mal chez ton interlocuteur. Il m'arrive assez souvent aussi de me prendre des réactions de plein fouet "pff moi je pourrais pas !" "oh mais il ne faut pas exagérer non plus" et ce que je crois entendre, derrière tout cela, c'est "je devrais peut-être essayer mais je n'en ai pas envie ou ce serait difficile".
L'exemple le plus frappant pour moi, c'est la voiture. Je souhaiterais me débrouiller sans mais je ne pourrais pas conduire et rechercher mon fils à la crèche dans les horaires impartis si je ne devais compter que sur les transports en commun. Du coup, moi aussi, je réponds souvent "avec un enfant c'est impossible" 😉
A l'écrit il manque l'intonation évidemment, et je n'étais pas là, mais est-ce que c'est vraiment toujours défensif comme réponse ? J'ai l'impression que quand on fait part d'un choix de ce genre, le commentaire en face est parfois simplement un moyen de faire la conversation ou d'expliquer sa situation, de faire part de son experience. La voiture, où je vis, je peux difficilement faire sans, mon smartphone est mon cordon ombilical d'expatriée, j'ai été végétarienne pendant plusieurs années, j'aurais pu te faire des réponses similaires sans pour autant me sentir jugée par ton annonce. T'vois comment ?
(Genre comme là, mon commentaire pourrait être interprété comme une justification de discussions que j'ai pu avoir dans le passé 😉 )
Mais si tu décris ton mode de vie,tes choix,tes convictions,n'est-ce pas normal que les lecteurs rebondissent et donnent le leur? Ce n'est pas pour autant qu'ils te jugent…
Par exemple,le post sur les smartphones,j'ai failli répondre que,pour moi,c'était indispensable,que c'était une concession (enfin,pas vraiment en fait,puisque j'aime beaucoup mon tél) à la vie moderne,comme le fait qu'on ne lave plus son linge au lavoir comme Mère Denis.
Et puis,je me suis dit que tout le monde s'en foutait un peu de mon avis,en tout cas,j'ai renoncé.
En plus j'avoue que,là,j'ai un peu senti une sorte de jugement un poil moralisateur justement,comme souvent avec ce genre de sujets (oui,car dire "je préfère parler à mes amis au restau que lire mes mails sur un-vilain-smartphone", c'est une façon détournée de dire qu'on est plus convivial et poli SANS cet objet-là) ,ou celui de l'alimentation (on ne dit pas que ceux qui mangent de la merde sont de mauvais citoyens qui s'en foutent de l'environnement,mais bon,ceux qui font gaffe,voire le Graal: qui sont vegan (j'en peux plus de ce mot),ceux-là sont bel et bien "meilleurs ","responsables" ,"humanistes",eux,c'est comme ça que je le ressens).
Je ne sais si je suis bien claire mais donner son avis après un article traitant de sujets de société sur un blog,ou autre,ne signifie pas qu'on "juge" ou alors tout le monde se juge contamment,ce qui est possible.
ANNESO
Anne-So: concernant le smartphone en particulier, je ne juge pas le fait que les gens en aient un et apprécient, par contre, clairement, si quelqu'un est avec moi au resto et a le nez dans son téléphone au lieu de me parler, je trouve ça impoli. Comme ce serait impoli de ma part d'avoir le nez dans mon bouquin (sans que le bouquin en lui-même soit pour autant à remettre en cause).
Effectivement je suis d'accord avec certains commentaires et ton dernier paragraphe. Quand quelqu'un nous annonce un choix de vie, qui diffère du notre, on opère instantanément à une comparaison et projection de nous dans cette dimension peut-être jamais envisagée. Que ça soit jugé meilleur ou non ça n'est pas le débat mais je pense que les justifications que tu obtiens de la part de tes interlocuteurs est une façon de protéger leur estime d'eux même au sens psychologique du terme.
Ils y repenseront peut-être plus tard et feront maturer leurs réflexions, mais quand c'est une différence très / trop radicale et que ça entraîne trop de remises en questions j'ai l'impression que la première réaction est un rejet.
Bonne journée !
Tyl'
Je partage l'analyse d' ANNESO et de M'dame Jo.
Quand quelqu'un me fait part de ses choix de vie, j'ai souvent tendance a expliquer les miens. Ce n'est pas parce que je me sens jugee (meme si ca arrive), mais bien souvent parce que je trouve interesant de confronter les points de vues sur le sujet. J'aime comprendre pourquoi/comment certaines personnes font des choix de vie qui diferent des miens, sans aucun jugement de valeur derriere. ce sont leurs choix, j'ai les miens, il n'y en a pas de meilleurs que d'autres, ils sont juste different.
Mais ton article me fait prendre conscience que ma reaction d'entretenir la discussion sur le sujet peut passer aux yeux de mon interlocuteur pour de la justification ou du jugement, la ou pour moi il n'y a qu' une comparaison factuelle (ok, j'avoue parfoit jouer l'avocat du diable pour le plaisr du debet, mais je ne le fait que lorsque je sens mon interocuteur interesse par l'exercice!). Merci de m'avoir ouvert les yeux sur cette prolematique!
J'aime tellement cet article, récemment quelqu'un a réagit à un de mes articles d'une manière qui décrédibilisait mon choix, alors que comme toi je ne force personne, je donne des conseils et inspirations pour les gens qui sont sensibles aux causes qui me touchent. Je suis contente de pouvoir mettre des mots sur ce "phénomène" et de me sentir moins isolée (même si c'est dommage que les gens réagissent de la sorte)
Bonjour, houlala oui. Oui c'est lourd et négatif à force. Ca devient horripilant chaque fois les mêmes phrases toutes construites incroyablement similaires répétitives et pessimistes, (incantatoires?). Devenir l'objet de clichés infondés, et ce besoin de casser l'autre pour se rassurer c'est aussi blessant. Mais on peut se dire qu'ils répondent ça parce qu'ils n'ont rien à dire. Et plus pour éviter un blanc parce que dans notre société le silence est très péjoratif. (D'où ces phrases incantatoires qui se transmettent de génération en génération quand on ne sait pas quoi dire ou qu'on se sent jugé)Quelqu'un qui prône des choses saines passe pour un casse-couilles aussi, donc je ne me permets pas de prendre contre-position sur un comportement malsain parce que les gens le prennent hyper mal. Alors que le contraire passe comme une lettre à la poste. C'est l'époque qui veut ça? Enfin passé le stade de l'attaque personnelle que je ressens je trouve ça en plus très triste d'un point de vue absence de dialogue, et rejet du changement. Mais il faut quand même continuer de parler de ces choses que l'on fait différemment. Car avoir des convictions parce qu'on a réfléchi à ce qu'on fait, ça a de la valeur en soi. C'est une responsabilisation, une valorisation de notre vision du bien et du mal.C'est encore croire au libre arbitre des individus. Je me dis: allez courage! Parles encore aux gens de ta vie de hippie débile pour qu'on se foute bien de ta gueule. Pfiou.Pas facile.(Bernadette, Emotive anonyme)