C’est un quartier gris et froid, désert le dimanche; un quartier de tours monolithiques en verre et en acier qui suintent le fric et le pouvoir; un quartier sans âme et sans humanité qui se dresse avec arrogance vers les nuages.
Et puis en son centre, le carré vert du parc Maximilien, îlot de vie presque incongru coincé entre deux mornes avenues. Là, à ras de terre, des centaines et des centaines de tentes se pressent les unes contre les autres. Les allées et le terrain de sport grouillent de gens qui distribuent ou reçoivent à manger, qui portent le hijab ou une chasuble jaune – parfois les deux -, qui discutent en français, en arabe, en anglais ou en néerlandais, qui ramassent les détritus, jouent au ballon, somnolent sur des matelas auto-gonflants, transportent d’énormes marmites de soupe orange, confectionnent des banderoles, démontent des palettes afin de fabriquer des meubles de fortune. Des enfants sourient, dessinent, se courent après et se font rappeler à l’ordre par leurs parents. Non loin d’écoles improvisées, un stand invite à gonfler des ballons blancs pour envoyer des messages de paix.
A première vue, le tableau paraît presque joyeux, une sorte de grande colonie de vacances un peu bordélique. Mais ses protagonistes ne sont pas venus à Bruxelles pour prendre du bon temps. La plupart d’entre eux arrivent de très loin, ont tout perdu et bravé la mort afin d’atteindre la Belgique.
Où les pouvoirs publics refusent de les accueillir décemment.
Dimanche matin, les bénévoles qui s’affairent sans relâche depuis quinze jours au parc Maximilien avaient dénombré 1700 réfugiés en attente de papiers et d’hébergement. La seule pseudo-solution proposée par le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Théo Francken: 500 lits de camp dans une tour voisine, sans sanitaires, sans nourriture et sans intimité. A ce compte-là, oui, les demandeurs préfèrent rester dans leur camp remarquablement bien achalandé pour selon qu’il s’est développé en si peu de temps.
Malheureusement, leur situation est bien trop précaire pour durer. Samedi déjà, malgré les tranchées d’évacuation creusées à la hâte par les bénévoles, les premières pluies automnales inondaient les tentes et changeaient les allées en gadoue. Bientôt, les températures vont chuter. Et les réfugiés affluent sans cesse plus nombreux chaque jour.
Il est urgent d’agir, et les personnes qui détiennent le pouvoir ne semblent pas du tout décidées à le faire. Alors, en attendant que la situation se débloque, les réfugiés ne peuvent compter que sur les gens de bonne volonté, ceux qui acceptent de retrousser leurs manches, de donner un peu de leur temps, de leurs compétences ou de leur argent pour venir en aide à leurs frères humains.
Soyons de ceux-là. Elevons la voix au nom de ceux que l’on n’écoute pas, que l’on refuse même de voir.
Parce qu’en ce moment, ils n’ont que nous au monde.
Concrètement, comment aider?
– La page Facebook de la Plateforme Citoyenne de soutien aux réfugiés publie chaque jour ses besoins précis en dons matériels, à déposer soit au parc Maximilien, soit au centre de tri de la rue François Mus (métro Belgica).
– Les bonnes volontés sont les bienvenues au camp, de jour comme de nuit. Inutile de s’inscrire: il suffit de se présenter au point bénévoles pour y recevoir un bracelet bleu et s’enquérir des tâches à effectuer. Les gens qui parlent arabe et ceux qui possèdent des compétences médicales sont particulièrement utiles, mais une paire de bras vaillants pour trier les dons ou préparer à manger sera aussi très appréciée, tout comme les initiatives d’animation et d’enseignement.
– Sur les réseaux sociaux, pour discuter de la situation ou accompagner les photos prises au camp, utiliser le hashtag #BXLRefugees
– Sur les réseaux sociaux, pour discuter de la situation ou accompagner les photos prises au camp, utiliser le hashtag #BXLRefugees
– Ce soir à 18h, un rassemblement aura lieu au rond-point Schuman:
– Les organisations sérieuses auxquelles donner de l’argent: International Rescue Committee, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, la Croix-Rouge
L'Europe veut se montrer comme une institution forte et moderne, au premier plan international… mais n'assume pas dès qu'une situation sérieuse surgit. Ces grands et nobles idéaux qu'on balaie rapidement sous le tapis dès qu'il s'agit d'aider son prochain… Cette peur et cette défiance de l'autre qui n'ont rien à voir avec ce que devait être l'Europe. Ah c'est facile de se la jouer grande puissance tant qu'il s'agit juste de se pavaner entre élites mondiales, mais dès qu'il y a une réelle urgence à assumer, oulà, plus personne. Eh oui, à force d'avoir totalement laissé tomber nos obligations sociales qui n'ont déjà en temps normal pas les moyens de fonctionner correctement et d'aider les plus démunis déjà là, forcément là ça crève les yeux…
Si le cas de la Grèce n'avait pas déjà montré le foirage absolu de l'Europe, la crise des réfugiés ne laisse aucun doute sur la question. Sachant en plus que ce n'est que le début et que les effets du changement climatique va multiplier le nombre de réfugiés dans les prochaines années, on n'a pas fini d'être écœurés…